Un texte signé Patryck Ficini

Italie - 1974
Titres alternatifs : Fumetti Folk N°7

chroniques-infernalesComtesse BathoryDossier

Dracula il Caldo

DRACULA IL CALDO est un chouette Edifumetto de 1974, emballé sous une belle couverture psychédélique de Ferdinando Tacconi, comme les autres B.D. de la collection FUMETTI FOLK qui n’hésitait pas à proclamer : « La recette infaillible de l’horreur en B.D. : 2000 cases à lire matin midi et soir ! »
Les amateurs, nombreux, d’Elvifrance ne seront évidemment pas dépaysés par ces fumetti horrifico-érotiques où l’on retrouve même la belle vampire Zora (Zara en France), qui avait bien sûr droit à sa série régulière depuis 1972. Les B.D. de DRACULA IL CALDO sont, Zora à part, des one-shot. On a droit ici à bien 8 cases par planche au lieu des classiques 2 cases de la B.D. italienne petit format. Les dessins d’auteurs anonymes sont tous très efficaces ; ils remplissent parfaitement leur rôle. Etonnant que certains n’y voient encore aujourd’hui que des œuvres de tâcherons sans talent… D’autant que nombre de dessinateurs, comme Tacconi justement (DYLAN DOG, entre autres), ont fait leurs premières armes dans le fumetto « de gare » avant de passer à des B.D plus sérieuses.
Le recueil commence très fort avec L’ISOLA DEGLI ORRORI, sans doute la meilleure B.D. du lot. Un étonnant métissage entre L’ILE DU DOCTEUR MOREAU, le mythe du golem et même un peu celui de la jeunesse éternelle à base de sacrifices sanglants. C’est délirant et franchement excellent. Il faut voir le héros romantique (!) s’en prendre brutalement à une prostituée dès que sa femme a le dos tourné. Les pervers avancent masqués. C’est bien trash comme seul Edifumetto savait le faire. Les personnages sont sans morale, les bons (?) comme les mauvais. La logique d’un certain western italien poussée à l’extrême. Ca ne plaira pas à tout le monde, c’est certain. On ne le disait pas encore à l’époque mais les B.D. du genre étaient tout sauf politiquement correctes. Les années 70 étaient des plus permissives en matière de sexe et de sang à travers la littérature, le cinéma… et la B.D.
I DUE VAMPIRI est déjà moins enthousiasmante : tout le sel de l’intrigue sommaire est dans le titre et dans ce qu’on imagine être un affrontement de titans. En revanche le récit se déroule dans le monde des Gitans et cela en fait le principal intérêt.
DRACULA 1973 est une (trop) longue nouvelle dessinée à chute, qui entretient peu de rapports esthétiques avec le film homonyme de la Hammer. Dracula est de retour au vingtième siècle, à Milan ! L’atterrissage est difficile, d’autant que l’un de ses ennemis jurés a peut-être aussi fait le voyage…
I MOSTRI DE LA FORESTA commence comme DELIVRANCE (les campagnards, le joueur de banjo…) pour dénoncer les retombées des expériences nucléaires réalisées dans un coin reculé des Etats-Unis, au mépris de la nature et de ses habitants. Beaucoup de monstres, de sexe, du sang, tout le secret d’Edifumetto. La dénonciation écologique bien dans l’air du temps est en prime. Comme L’ISOLA DEGLI ORRORI, ce récit anticipe déjà certains Gore Fleuve Noir décadents.
Edifumetto, comme Gore, a pris le fantastique, l’érotisme et l’horreur pour les traîner dans la boue afin de leur redonner une seconde jeunesse. Bizarrement, la sauce a pris. Les bains de boue sont excellents pour le teint !
IL SEPOLCRO DEL VAMPIRO est une honnête histoire horrifico-policière où une vampire (vraie ou fausse ?) sème la mort parmi les patients d’un hôpital. La vampire est bisexuelle et fait l’amour à toutes ses victimes avant de les saigner. Chaud !
UN TUFFO NEL SANGUE achève le recueil avec une variante sur le mythe construit autour du personnage historique de la Comtesse Elisabeth Bathory. Quand on sait que c’est la sexy Zora, vampirette sans pitié de son état, qui lui est promise pour alimenter un bon bain de sang, on se doute que les choses ne seront pas aussi simples qu’à l’habitude pour la Comtesse de Sang. C’est sans doute la B.D la plus gore du numéro (ce final !), et c’est bien sympathique. Le cinéma (LADY DRACULA), le roman (LE RETOUR DES DAMNES) et la B.D (un autre Edifumetto existe) se penchèrent souvent sur ce personnage fascinant de Bathory, sans forcément respecter la vérité historique. Qu’importe ! quand la légende est plus belle (ou plus horrible) que la réalité… On imprime la légende ! Un western célèbre l’affirme en tout cas.
Zora, avec Jacula et dans une moindre mesure Sukia (Tania en France, dans ELECTROCHOC), fut l’une des plus grandes vampires du fumetto sexy et fantastique made in Italy. La retrouver au détour d’un recueil comme DRACULA IL CALDO fait toujours plaisir.
On a critiqué les fumetti produits par Renzo Barbieri, notamment à l’époque de leur conception, pour leur vulgarité (souvent réelle), et leur côté « brut de décoffrage ». Pourtant l’amateur de sexe et d’horreur sans tabou devrait y trouver son compte, même aujourd’hui que ce type de B.D. bénie des dieux a aussi déserté les kiosques italiens.


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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