Un texte signé Franck Boulègue

Corée du Sud - 2007 - Jeong Beom-Sik & Jeong Sik
Interprètes : Jin Goo, Ju-Yeon Ko, Kim Bo-Kyung, Kim Dae Woo…

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Epitaph

Le premier film réalisé par ce duo de frères originaires de Corée du Sud constitue une excellente surprise. En effet, EPITAPH se révèle être une œuvre extrêmement accomplie qui, si elle emprunte beaucoup aux codes désormais archi-connus de la « J-Horror » (fantômes à la matérialité inquiétante, femmes à la longue chevelure de jais, etc.), s’en démarque toutefois suffisamment pour retenir toute notre attention. Plastiquement parlant, le film est superbe – photographie splendide, décors inquiétants à souhait. Les acteurs tiennent pour leur part fort bien la route, à commencer par un Jin Goo on ne peut plus taciturne. Quant à la mise en scène, elle déploie des trésors d’ingéniosité – dans les cadrages, dans sa manière de coller de près à une intrigue en apparence déstructurée – qui font d’EPITAPH une vraie réussite. Le rythme du film, plutôt lent, contribue à instaurer une atmosphère onirique, déchirée par moments de surgissements horrifiques du plus bel effet.

Le récit – qui se scinde en trois segments distincts et néanmoins liés – gravite autour d’un hôpital sur le point d’être rasé, en 1979. Jung-nam Park, professeur de médecine solitaire, proche de la retraite, se remémore à cette occasion les événements surnaturels qui ont frappé cet établissement alors qu’il était encore jeune interne, en 1942, sous l’occupation Japonaise.

Tout débute lors de son affectation à la surveillance nocturne de la morgue de l’hôpital, tandis qu’un mystérieux meurtrier s’en prend aux soldats japonais des environs. Alors que la directrice de l’établissement, qui l’a recueilli lors du décès de ses parents, a prévu de le marier à sa fille, qui vit au Japon et qu’il n’a jamais rencontrée, une belle suicidée vient grossir les rangs de la morgue. Il s’éprend de ce ravissant cadavre, qu’il croque volontiers (grâce à ses talents de dessinateur !) dès qu’il le peut. Quand il parvient in fine à lui passer au doigt l’anneau qu’elle n’a de cesse de perdre, et après s’être renversé un liquide rougeâtre (du sang ?) sur sa blouse au niveau du cœur, Jung-nam Park comprend trop tard que la directrice l’a en fait magiquement fait épouser l’âme de sa défunte fille…

Le récit s’intéresse ensuite au cas d’une jeune fille, Asako (Ju-Yeon Ko), en état de choc suite à l’accident de voiture dont elle a seule réchappé, qui a coûté la vie à sa mère et à son beau-père. Asako, qui n’a pas subi de blessures physiques lors de la collision fatale, désormais aphasique, est accablée d’horribles cauchemars dont un médecin de l’établissement s’efforce de la délivrer à l’aide d’une traitement psychanalytique poussé. Le fantôme de sa mère, terrifiant, vient chaque nuit la hanter, sans qu’elle parvienne à lui échapper. Il va en effet s’avérer que c’est Asako elle-même, amoureuse de son beau-père et jalouse de sa mère, qui est involontairement à l’origine du carambolage…

Le film se clôt sur une étrange histoire d’amour liant deux professeurs de médecine de l’hôpital, spécialistes de la neurochirurgie. C’est en découvrant que sa femme In-Young (Kim Bo-Kyung) n’a pas d’ombre que Dong Won (Kim Dae Woo) réalise soudain qu’elle est morte en réalité quelques temps auparavant lors d’une intervention sur un soldat japonais ayant mal tourné. Incapable de se faire à l’idée, possédé par sa personnalité revancharde, il assassine depuis, sans en avoir conscience, les militaires nippons des environs. Du moins, c’est ce qu’il croit…

Le film est constellé d’éléments visuels récurrents – escargots, papillons, neige, coupures d’électricité – qui donnent du liant symbolique à une intrigue remarquablement bien agencée, faite d’une juxtaposition saucissonnée de « flash forward » et de « flash back », parfois difficile à suivre, mais qui prend toute son ampleur quand on regarde EPITAPH pour la seconde fois. Car le film mérite vraiment d’être visionné à plus d’une reprise, tant il se révèle habile et subtil, sans jamais sombrer dans la roublardise.

Une œuvre marquante, donc, aussi novatrice dans son traitement de l’horreur (feutré) que pouvait l’être un RAMPO NOIR, par exemple. A ne pas manquer !


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- Article rédigé par : Franck Boulègue

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