Un texte signé Mazel Quentin

- 2013

L'étrange Festival 2013

Étrange Festival 2013

Dans les salles obscures du Forum des images, cinéma du centre de Paris, l’Étrange Festival sonne comme une rentrée des classes pour tous les cinéphiles en maque de bizarreries, polars, OVNI, films trashs en tout genre et pellicules oubliées dans les limbes de l’establishment.
Pour sa 19e année, le festival nous a réservé de superbes trouvailles qui sont d’ores et déjà annoncées comme « l’apéritif prestigieux » de la prochaine édition. À la vue du programme de cette année, 2014 risque d’être tout simplement exceptionnelle.
Commençons comme il se doit par les convives de cette session 2013. Prestigieuses, illustres, éclatantes, aucun qualificatif ne semble assez approprié pour décrire les deux invitées de cette année. Nous vous laisserons donc, cher lecteur, le choix de l’adjectif qui vous conviendra le mieux, car cette année accueille Martine Beswick et Caroline Munro. Les deux égéries d’un cinéma que nous chérissons tous, icône d’une époque et de films qui nous font encore rêver. Ces deux femmes d’exception nous ferons la grâce de leur présence et nous donnerons l’occasion de nous replonger dans plusieurs classiques de leur filmographie. STARCRASH de Luigi Cozzi, MANIAC de William Lustig et LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD de Gordo Hessler, retraceront une partie de la carrière de notre James Bond girl préférée. Pour Martine Beswick, le festival nous donne la possibilité de revoir EL CHUNCHO de Damiano Damiani, LA NUIT DES ALLIGATORS de Peter Collison et DR JEKYLL ET SISTER HYDE de Roy Ward Baker, parce que la Hammer, ça ne fait jamais de mal. Un programme culte qui rend hommage à ces deux femmes qui ont marqué l’histoire du cinéma de genre.
Albert Dupontel nous fera aussi l’honneur de sa présence grâce à la carte blanche que le festival lui a accordé. L’acteur français, décrit comme un « électron définitivement libre », nous propose plusieurs petits plaisirs comme LA FOLIE DES FEMMES d’Erich Von Stroheim, STAR SUBURB de Stéphane Drouot et bien d’autres films qui raviront les spectateurs les plus exigeants.
L’Étrange Festival a aussi invité cette année le pornographe Stephen Sayadian, qui par ses ambitions artistiques et ses références fantastiques, nous a offert les plus belles œuvres de ce genre tant décrié. C’est donc avec joie que l’on pourra découvrir ou redécouvrir en salle et dans d’excellentes conditions des films cultes comme NIGHTDREAMS, CAFE FLESH, DR CALIGARI et PARTY DOLL A GO-GO.
Officiellement ouvert le 5 septembre à 19h, le festival entame les réjouissances avec le film THE AGENT de Seung Wan Ryoo, une réalisation qui nous vient de la Corée du Sud racontant une histoire d’espionnage située à Berlin. Oscillant entre le film chorégraphié comme l’Asie sait si bien faire et le film d’action hollywoodien et pyrotechnique, THE AGENT est un entre-deux perturbant. Sur-découpé, parfois illisible, il ressemble par moment à un téléfilm du vendredi soir et c’est sans compter sur son utilisation répétée du plan moyen. Certains dialogues bancals accompagnés de blagues lourdes voire grotesques n’améliorent pas le rendu général du film. Le métrage débute pourtant par une histoire d’espionnage ingénieuse pour finalement être simplifiée à l’excès et aboutir à une confrontation sans réel impact ni intérêt. Construit en entonnoir, le scénario de THE AGENT évacue tout au long de son déroulement les petites subtilités introduites dans son exposition pour finir dans un déferlement d’explosions aux goûts douteux. Le film procède à une rupture narrative radicale et perd la force de son ambiance initiale pleine de mystère et regorgeant de finesse. Une déception qui ne gâchera cependant pas d’excellentes scènes d’action.
Le second film d’ouverture, quand à lui, éclipse complètement le précédent. Cette petite production, qui selon les rumeurs ne dépasserait pas dix mille dollars de budget, présente un travail sans compromis, bourré de bonnes idées, ainsi qu’un parti pris intelligent et ambitieux. FOUND réalisé par Scott Schirmer met en scène l’histoire de Marty, un enfant de douze ans passionné par les romans graphiques et le cinéma d’horreur, qui découvre que son grand frère est un tueur en série. Rythmé, réfléchi et saisissant, le film de Schirmer est un petit bijou de série B, qui rend hommage autant à PARENTS de Bob Balaban qu’à HENRY, PORTRAIT D’UN SERIAL KILLER de John McNaughton, avec savoir-faire et inventivité.
Les quelques lignes de ce compte-rendu ne suffiront pas à présenter toute la programmation du festival. En effet, cette année, c’est plus de 90 films qui nous sont proposés, répartis sur la compétition Nouveau Genre (associée cette année encore à Canal + Cinéma), deux cartes blanches, un focus, deux hommages, deux nuits, des inédits, des avant-premières, des séances spéciales et une copie restaurée. L’Étrange Festival nous connaît définitivement bien et sait nous faire plaisir.
La richesse de cette programmation ne sera ainsi qu’esquisser, et les coups de cœur de cette année seront privilégiés. Ces films coups de cœur sont d’ailleurs majoritairement ceux des réalisateurs maintenant familiers du festival. On retrouve ainsi, Ben Wheatley avec son nouveau film ENGLISH REVOLUTION A FIEALD IN ENLAND, Calvin Lee Reeder avec THE RAMBLER, ou encore WRONG COPS de Quentin Dupieux dit Mr. Oizo. Marina de Van nous fait, elle aussi, l’honneur d’un très beau film tout en subtilité, une version française de CARRIE intitulée DARK TOUCH, accompagné d’une magnifique photographie, une réussite et un plaisir à ne pas bouder.
Le dernier film de Sono Sion fait, lui aussi, forte impression. Intitulé WHY DON’T YOU PLAY IN HELL ?, le métrage nous embarque dans un monde loufoque, stylisé et violent, rythmé par les diverses attaques de yakuza accompagnées d’un groupe d’amis qui rêve de cinéma. Un scénario hilarant et passionnant qui retrace l’histoire du cinéma japonais en toile de fond.
Quelques nouveaux réalisateurs inattendus se glissent avec talent dans les petites perles que l’on retiendra de cette année. Jeremy Saulnier par exemple, avec son BLUE RUIN nous montre un revenge movie intelligent et rythmé. Une quête violente et parfois drôle, le travail de Saulnier trouve toujours le ton juste pour un film de cinéphile en manque d’action décalée.
Le film NORTHWEST de Michael Noer, est aussi une belle surprise. Un drame danois tinté d’histoire de gangsters rappelant la trilogie PUSHER de Nicolas Winding Refn. Entre le récit social et l’ultra violence, le métrage donne un rythme tourbillonnant proprement passionnant.
Enfin BELENGGU, un film indonésien, se fait remarquer avec un travail intelligent et atypique entre DONNIE DARKO et les réalisations de David Lynch.
SNOWPIERCER, un des films les plus attendus du festival, est aussi dévoilé en avant-première et c’est avec délice qu’on découvre cet excellent métrage adapté de la bande dessiné du même nom. Présenté par le réalisateur Bon Joon Ho ainsi que le dessinateur et le scénariste de la bande dessiné, Jean-Marc Rochette et Benjamin Legrand, c’est un plaisir savoureux dégusté dans une salle comble et comblée.
La programmation, suivant la constante des éditions précédentes, a fait une place toute particulière aux documentaires. Deux superbes films, L’AUTRE MONDE et THE SECRET GLORY, réalisés par Richard Stanley, sont ainsi proposés. Construits comme complémentaires, ils nous plongent dans des mondes remplis de mystère et de légendes entre la quête du Graal et les implications des nazis dans l’ésotérisme. Ces deux documentaires sont simplement passionnants. On notera aussi le documentaire REWIND THIS qui raconte l’histoire de l’avènement de la VHS dans les années 80 à travers différents intervenants comme Lloyd Kaufman, Atom Egoyan ou encore Mamoru Oshii, ainsi que divers passionnés de cette technologie.
Le festival se finit le 15 septembre lors de la séance de clôture qui nous permet de découvrir le film de Vincenzo Natali, HAUNTER. Une histoire de maison hantée s’inspirant de différents films comme LES AUTRES d’Alejandro Amenabar ou encore UN JOUR SANS FIN d’Harold Ramis. Un scénario un peu faible avec des techniques de réalisation datées, le métrage de Natali offre tout de même une histoire sympathique et distrayante.
Dix jours intenses se finissent enfin, les spectateurs épuisés par ce marathon cinématographique quittent les dernières salles en ne pensant qu’à une seule chose, « vivement l’année prochaine ».

Retrouvez notre couverture de l’Etrange festival 2013.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Mazel Quentin

- Ses films préférés :


=> Pour prolonger votre lecture, nous vous proposons ce lien.
Share via
Copy link