Un texte signé Philippe Delvaux

USA - 1975 - Alex de Renzy
Interprètes : John Leslie, Ken Turner, Annette Haven, Leslie Bovee, Gail Lawrence, Justine Lynne, Samantha Morgan, Candida Royale, Joey Silvera, Monique Starr,.Enjil von Bergdorfe, Desiree West, Linda Wong

retrospective

Femmes de Sade

Arrivé au terme de sa peine, Rocky De Sade, un géant mal embouché, est libéré d’une prison californienne. Il viole illico la petite amie d’un codétenu qui lui avait fait la fleur d’un lift, après avoir copieusement tabassé son ancien camarade de chaîne. On le retrouve ensuite errant dans le quartier chaud de San Francisco, levant l’une ou l’autre prostituée qu’il n’aura de cesse d’humilier, de violer et de frapper. La brute s’invite de force dans une soirée SM où toutes ses victimes sont réunies et se concertent pour méditer leur vengeance.

Avec FEMMES DE SADE, nous nous retrouvons devant un porno de qualité, chose des plus rares dans l’univers ultra formaté du genre. Alex de Renzy a bénéficié d’un budget autorisant quelques décors, accessoires et surtout quantité d’acteurs et d’actrices. En outre, la mise en scène, sans traduire un réel génie, se montre cohérente et en phase avec les enjeux de son scénario : montrer les corps en action sans pour autant les réduire à l’étal de boucherie du tout-venant de la pornographie. Le montage est dynamique, la photographie des plus correctes.

L’ensemble baigne dans une musique funky typique des seventies et auquel le temps a conféré une agréable patine.

Les actrices sont jolies et semble prendre plaisir aux scènes de sexe (hormis les viols naturellement). On retrouve quelques gloires ou connaissances du cinéma pour adultes, comme Annette Haven (qui a d’ailleurs débuté dans un autre film d’Alex de Renzy, LADY FREAKS), Leslie Bovee, Abigail Clayton, Candida Royale, Desiree West, et le stakhanoviste Joey Silvera (plus de 800 films depuis 1973 !)

Le titre semble référer au divin marquis, mais le scénario n’en garde que de rares éléments : le patronyme du protagoniste principal et sa propension à humilier ses victimes ou encore le fait qu’il sort de prison (Donatien Alphonse de Sade y aura quant à lui séjourné à de multiples reprises).

Quelques notes d’humour parsèment le métrage : le montage alterné nous montre un codétenu faire l’amour à sa petite amie tandis que, patientant dehors, De Sade ouvre une cannette de bière placée (hors champ) au niveau de son bassin, « éjaculant » la mousse de sa bière. Plus tard, dans une séquence où une jeune femme évoque une de ses expériences qui la voyait livrée à quelques mécanos dans les cales d’un paquebot, et tandis que ces derniers la recouvrent d’huile pour lui faire l’amour, la bande son écarte tous les cris, halètements ou autres bruits pour ne conserver que le seul bruit répétitif … du piston (plus récemment et moins sexuellement, Lars Von Trier et Bjork useront d’un procédé similaire pour jouer de la musicalité d’un décor industriel dans DANCER IN THE DARK).

On a aussi plaisir à suivre une intrigue qui, même sans grand intérêt et parsemée de digressions, nous change des enchaînements ininterrompus de scènes de sexe.

Disons à titre de comparaison, et pour prendre une référence connue, que FEMMES DE SADE vaut 100 fois mieux que DEEP THROAT tourné 3 ans plus tôt, en termes de qualité cinématographique.

Pour ce qui est du sexe, on retrouve les grandes figures pornographiques classiques : masturbation, pénétration, fellation, sodomie, éjaculation. Un peu de domination (simulée) et de SM ultra soft pour pimenter le tout. La légèreté de ce dernier point nous éloigne d’ailleurs de ce que le titre référentiel à Sade aurait pu nous laisser croire. FEMME DE SADE n’a rien de sadique et fort peu de Sadien. Il s’agit d’un porno mainstream. Tout juste note-t-on une scène d’urophilie et de scatologie au final mais rien d’extravaguant (le montage laisse planer le doute sur la véracité de cette performance). Cela dit, on salue la performance de Ken Turner qui se prodigue une auto-fellation, figure recréée récemment (et différemment) dans SHORTBUS.

La dernière scène du film s’érige en climax. Il s’agit d’une longue séquence déroulant tous les fastes d’une orgie SM costumée (et bon enfant, rien de glauque ici). Profusion d’acteurs et de costumes et multiplication des scènes de sexe en font un régal oculaire (ou bandatoire pour ceux qui regardent ce film par leur bassin).

Auparavant, l’intrigue nous égare un temps dans le quartier chaud de San Francisco (le North Beach sex district), et plus particulièrement dans un sex-shop tenu par un des protagonistes, Johnny (interprété par la légende alors presque débutante, John Leslie), lequel passe son temps à fantasmer sur les clientes en goguette. Tantôt, voilà notre héros transporté dans un établissement de bain chinois traditionnel sur fond montagneux, par la simple apparition d’une visiteuse orientale, tantôt quelques paroles lâchées par un couple transforment notre manager en gynécologue prêt à toutes les auscultations. Dans le premier cas, on voit bien là la référence au cinéma chinois (ceux de la Shaw Brothers ou de la Golden Harvest) alors en pleine explosion dans les cinémas de quartier, lesquels étaient justement susceptibles de programmer FEMMES DE SADE. Dans le second cas, on peut imaginer un clin d’œil au fondateur DEEP THROAT ou à WATER POWER (voyez la chronique ad hoc). On se demande d’ailleurs si toutes ces séquences dans le sex-shops ne servent pas in fine de publicité pour ledit lieu. On sait en effet que la production de films pornographiques était alors en relation étroite avec l’industrie des sex-shops.

Alex de Renzy, le réalisateur, est mort en 2001. Il aura œuvré toute sa carrière quasi exclusivement dans le porno (on lui doit un film indépendant et un documentaire en faveur de la légalisation des drogues douces). Il a commencé sa carrière avec PORNOGRAPHY IN DENMARK (1970) qui suit de peu sa visite à l’exposition « Sex-69 » à Copenhagen. Il enchaîne ensuite sur un film de montage célèbre : A HISTORY OF THE BLUE MOVIE.

FEMMES DE SADE est un des rares classiques de la pornographie à avoir relativement bien passé l’épreuve du temps.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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