Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie - 1961 - Mario Bava
Titres alternatifs : Ercole al centro della terra
Interprètes : Reg Park, Giorgio Ardisson, Christopher Lee, Leonora Ruffo

retrospective

Hercule contre les vampires

Second film de Mario Bava après LE MASQUE DU DEMON (1960), HERCULE CONTRE LES VAMPIRES est donc son premier film en couleurs si l’on excepte une participation en tant que co-réalisateur avec Henry Levin sur LES MILLE ET UNE NUITS. Chef opérateur de génie, Bava transcende ici l’utilisation du Technicolor comme il l’avait fait du noir et blanc sur son premier film. En s’attaquant au genre alors très en vogue en Italie du « péplum », le cinéaste italien va lui imprimer sa marque et son style et créer le premier véritable « péplum fantastico-gothique ».
HERCULE CONTRE LES VAMPIRES (le titre français est assez mensonger et le titre original signifie « Hercule au centre de la Terre ») est le récit des aventures du héros éponyme qui doit descendre aux Enfers récupérer une pierre magique pouvant guérir sa fiancée Déjanire. Cette dernière est en effet envoûtée par le diabolique Prince Lycos qui veut la sacrifier afin d’atteindre l’immortalité et régner jusqu’à la fin des temps…
Bien que connu comme maître incontesté de l’épouvante gothique, Mario Bava s’est essayé à tous les genres du cinéma populaire et donc au plus apprécié de l’époque : le « muscle-opera ». On retrouve donc dans HERCULE CONTRE LES VAMPIRES des personnages et lieux familiers du péplum classique (Hercule, Thésée ; les Enfers, le Jardin des Hespérides…) ; la plupart des figures mythologiques sont utilisées de manière fantaisiste, les scénaristes italiens prenant beaucoup de liberté par rapport aux légendes gréco-romaines. Ainsi le personnage de Procuste, brigand attirant les voyageurs pour les torturer (en découpant ou en étirant leurs membres !) devient dans le film un gigantesque homme de pierre dont Hercule se débarrasse en le projetant vigoureusement contre un mur ! Peu importe les nombreuses entorses aux récits mythologiques, peu importe le simplisme de l’intrigue et le peu d’épaisseur des personnages, nous sommes dans un « péplum », genre « familial » par excellence et sa naïveté fait souvent partie de son charme.
Cependant, contre toute attente, ce genre va servir véritablement à Mario Bava de terrain d’expérimentation formelle et thématique puisqu’on y retrouve tout l’univers qu’il développera dans ses œuvres à venir (SIX FEMMES POUR L’ASSASSIN, LES TROIS VISAGES DE LA PEUR ou OPERATION PEUR). Les thèmes fantastiques sont en effet prédominants à travers le personnage de Lycos (Christopher Lee, dans un rôle proche du cruel Kurt Menliff du CORPS ET LE FOUET, sa seconde collaboration avec Mario Bava) et par la présence de succubes et de créatures mortes vivantes sortant de leur tombeau. L’imagerie gothique est également convoquée, fait novateur pour un péplum, fut-il fantastique (peut être peut-on en voir quelques traces dans le surprenant MACISTE CONTRE LE FANTÔME tourné quelques mois auparavant par Ricardo Freda). Travelling latéral le long d’immenses toiles d’araignées, couloirs de palais évoquant ceux d’une demeure hantée, femme nue enchaînée à un rocher ou telle autre légèrement vêtue dans sa geôle, prête à être sacrifiée, voilà les images les plus évocatrices de HERCULE CONTRE LES VAMPIRES.
Tout le film est magnifié par l’utilisation incroyable de la lumière et des couleurs primaires dont Bava avait le secret et qui sera tellement imité par la suite (par Dario Argento ou Tim Burton pour ne citer que les plus évidents). Situé en très grande partie dans des lieux supposés obscurs (l’Enfer puis le territoire souterrain de Lycos), le film baigne cependant dans des lumières bleues vertes ou rouges ce qui crée une esthétique artificielle tout à fait poétique. Voulant s’éloigner à tout prix d’un quelconque naturalisme, Bava parvient en fait à recréer un monde. En cherchant à mettre l’accent sur la forme, en cherchant à matérialiser l’irréel, l’étrange, l’hallucination et le rêve, le réalisateur se rapproche du symbolisme. En cherchant avant tout l’élégance formelle, la virtuosité, la beauté artificielle et la sensation, Bava fait œuvre de maniériste.
Le film a bien quelques petits défauts : les répliques « humoristiques » de Télémaque (personnage très secondaire), les énormes rochers « cartonnés » que soulève Hercule ou quelques fils apparents lors de l’attaque des goules ! Tourné pour un faible budget dans des décors restreints ayant déjà servi (aux péplums de V.Cottafavi notamment), Bava parvient à faire oublier ou à masquer ce désavantage (par le jeu sur les couleurs ou l’utilisation de fumée « à la Corman »). Souvent perçu comme mineur dans sa filmographie, HERCULE CONTRE LES VAMPIRES devrait être réévalué en tant que matrice des grands films de Bava à venir et plus particulièrement de son chef d’œuvre du « gothic-space-opera », LA PLANETE DES VAMPIRES (1965).


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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