Un texte signé Éric Peretti

Hong Kong - 1988 - David Chung Chi-Man
Titres alternatifs : Tie jia wu di Ma Li A, Roboforce
Interprètes : Sally Yeh, Tsui Hark, John Sham Kin-Fun, Tony Leung Chiu-Wai, Lam Ching-Yin, Dennis Chan Kwok-San, Ben Lam Kwok-Bun

retrospective

I Love Maria

C’est par une étrange coïncidence que furent projetées, lors de la 18ème édition du Festival du Film Fantastique de Paris en 1989, deux productions asiatiques mettant en scène des robots, GUNHED de Masato Harada et I LOVE MARIA de David Chung. Si le film japonais puise son inspiration formelle du côté du cinéma américain, notamment chez James Cameron, celui de Hong Kong, tout en restant un pur produit de l’ex-colonie britannique, est un mélange assez détonant de diverses influences, nipponnes incluses.
L’organisation terroriste The Hero Gang possède un indestructible robot géant et menace de mettre Hong Kong à feu et à sang si une importante somme d’argent ne leur est pas versée par les autorités. Curly (John Sham Kin-Fun), un scientifique farfelu travaillant pour la police, devient par hasard l’ami de Whisky (Tsui Hark), homme solitaire et alcoolique qui veut tirer un trait sur son passé au sein du Hero Gang. Mais le chef du groupe ne voit pas d’un très bon œil l’amitié nouvelle de son vieux complice et décide de l’éliminer en envoyant son dernier robot, le parfait sosie mécanique de sa maîtresse, la cruelle Maria. Lors de l’attaque, le robot est sévèrement endommagé et les deux amis parviennent à fuir. Curly, ému en écoutant Whisky lui conter ses sentiments envers la vraie Maria, parvient discrètement à reconstruire et reprogrammer la machine meurtrière qui, suite à toutes ces manipulations, commence à développer une réelle personnalité…
C’est d’après une idée de Terence Chang, alors producteur au sein de la Film Workshop, que Tsui Hark décide de se lancer dans la production de ce film de science fiction, genre quasi inexistant au sein de l’ex-colonie. Emballé par ce concept de femme robot, il décide de nommer, en fin cinéphile et malgré l’incompréhension générale autour de lui, son métrage I LOVE MARIA, en hommage au robot féminin de METROPOLIS (Fritz Lang, 1926) incarné par Brigitte Helm. Mais à l’inverse du film de Lang, le robot est ici du côté des gentils et représente la face positive et humaine de Maria, alors que son alter ego charnel est mauvaise et insensible.
Pour ce double rôle capital Tsui Hark fait appel à l’actrice Sally Yeh, qui sera un an plus tard la chanteuse aveugle dans THE KILLER de John Woo, dont le charme et les mimiques parviennent aisément à rendre son personnage synthétique très attachant. Pour épauler sa vedette féminine, il recrute quelques acteurs solides dont Mr. Vampire en personne, Lam Ching-Yin, mais aussi Ben Lam Kwok-Bun ou encore Dennis Chan Kwok-San. On retrouve également au générique le jeune Tony Leung Chiu-Wai, acteur fétiche de Wong Kar-Wai qui aujourd’hui jongle parfaitement entre films d’auteurs et grosses productions. A noter les apparitions furtives des réalisateurs Kirk “the beast” Wong et John Woo, ainsi que du monteur David Wu.
Véritable bourreau de travail toujours occupé sur plus de sept projets simultanément, et s’étant octroyé l’un des rôles principaux, Tsui Hark ne souhaite pas assurer la réalisation du film et confie cette tâche délicate, I LOVE MARIA est sûrement l’un des premiers films de science fiction produit dans l’ex-colonie, à David Chung Chi-Man. Brillant chef opérateur, il a notamment exercé sur L’ENFER DES ARMES de Tsui Hark et BOAT PEOPLE d’Ann Hui, le réalisateur par intérim se retrouve dans une position difficile. Sommé par son producteur de livrer un film d’action, dont les folles chorégraphies sont confiées à un Tony Ching Siu-Tung alors fort de son travail sur HISTOIRES DE FANTOMES CHINOIS, Chung met à profit son expérience de cameraman pour, au final, livrer un produit visuellement efficace mais trop souvent confus et bordélique pour remporter l’adhésion.
Le film va trop vite pour que l’on puisse s’intéresser aux personnages et aux situations, quant au scénario, déjà chaotique à la base, il s’embarrasse de pénibles distorsions qui viennent achever la motivation du spectateur pour laisser ce dernier sur une impression assez défavorable.
Pourtant, bien que Hong Kong ne soit pas Hollywood en matières d’effets spéciaux, le film n’a pas à rougir des ses principales attractions, les robots. Le premier, énorme carcasse fumante particulièrement rigide dans ses mouvements et capable de se démembrer en autant de morceaux autonomes avant de se reconstruire, possède un charme désuet, tirant son look de séries japonaises type Bioman. Quant à Maria, machine aux formes généreusement proportionnées et sculptées dans une plaque de chrome scintillante, son design évoque bien sûr celui de son homonyme des années 20, mais aussi celui de C-3PO et de ROBOCOP, qui justement cartonnait au box office lors de la mise en chantier du projet. La mise en scène dynamique de Chung, aidée des chorégraphies aériennes et martiales de Ching Siu-Tung, masque les défauts techniques, sauve le projet du ridicule et permet au film d’obtenir le prix des meilleurs effets spéciaux au Festival de Paris.
Ce n’est donc pas la technique qui plombe le film, mais son co-producteur, le comique Sham Kin-Fun qui endosse le rôle de Curly. Souhaitant obtenir une comédie, il tourne plusieurs scènes dans ce sens et les impose au pauvre Chung qui se retrouve vite dépossédé de son œuvre, Tsui Hark tournant, de son côté, quelques scènes d’action avec le chorégraphe.
Malgré tout ce capharnaüm productif, I LOVE MARIA trouvera son public et fera une belle carrière. Mais aujourd’hui le film contentera surtout les amateurs de cinéma asiatique kitsch, à condition qu’ils supportent les passages comiques particulièrement lourds, tout en restant concentrés sur le semblant d’histoire menée pied au plancher.
Notons pour finir qu’en France le film fut astucieusement rebaptisé ROBOFORCE et amputé de plusieurs minutes de comédie lors de sa diffusion, mais, pour une fois, était-ce vraiment un mal ?


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- Article rédigé par : Éric Peretti

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