Iceman (1984) : Leçon de liberté livrée par un vieillard de 40 000 ans

C’est quoi la liberté ? Pour beaucoup, ne pas être en prison, c’est déjà beaucoup. Pour d’autres, avoir la possibilité d’exprimer son opinion à sa guise, c’est la base. Iceman, un vieux film des années 80 donne une réponse plus philosophique…

Une équipe de scientifiques mène des recherches dans une station arctique et réalise une découverte exceptionnelle : un néandertalien parfaitement préservé dans un bloc de glace depuis 40 000 ans. Surpris mais ravis, les chercheurs établissent que les cellules de leur nouvel ami demeurent toujours fonctionnelles, ce qui signifie qu’elles peuvent être… réanimées. Les savants s’attellent à la tâche et, soigneusement, ramène leur spécimen à la vie. Alors que les scientifiques espèrent tirer des informations fascinantes de son métabolisme, de leur côté, le docteur Shephard, anthropologue, et sa consoeur le docteur Brady, biologiste, tentent d’engager un dialogue avec l’homme de l’âge de pierre. C’est eux qui vont d’ailleurs faire les découvertes les plus surprenantes… Mais l’ensemble de la classe scientifique est-elle prête à entendre le message que celui que tout le monde surnomme désormais Charlie a à leur délivrer ?

La préhistoire, c’est dans le vent

En 1984, lorsque Iceman s’élançait sur les écrans, la préhistoire avait le vent en poupe. La Guerre du feu en 1981, Le Clan de la caverne des ours en 1986… Des réalisateurs tentaient même une approche originale comme Ken Russel qui faisait régresser William Hurt dans Au-delà du réel (1980). Fred Schepisi, metteur en scène de The Devil’s Playground (1976) et de Un cri dans la nuit (1988), opte, quant à lui, pour une approche différente.

Certes, cette histoire d’homme de Neandertal emprisonné dans la glace revenant à la vie peut paraître faiblement crédible de nos jours. Et pour être tout à fait honnête, elle ne l’était pas non plus à l’époque… Mais, en fin de compte, ce n’est pas la forme qui compte, c’est le fond. Or, la thématique abordée par Iceman traverse facilement les âges. La liberté est effectivement une question toujours d’actualité…

Une fois qu’il est revenu à la vie, Charlie se voit offrir un vivarium d’une taille suffisamment imposante pour rendre jaloux n’importe quel châtelain. Pourtant, ses 400 mètres carrés ne lui suffisent pas et c’est ainsi qu’il découvre une maladie moderne : la dépression. En somme, dans son vivarium de luxe, Charlie démontre que ce n’est pas la taille de la cage qui compte mais les barreaux qui la délimitent.

À travers sa passion obstinée pour la nature, Charlie définit ce qu’est la Liberté, la vraie, c’est-à-dire celle des grands espaces. Charlie n’en a rien à faire, d’amasser des biens de consommation ! Il rejoint d’ailleurs Brad Pitt quand le héros de Fight Club déclare que ce qu’il souhaite, au plus profond de lui, c’est chasser le cerf sur les ruines des banques !

Un discours subversif mais confus

Bon, ce n’est pas exactement le désir qu’exprime Charlie, mais ce qu’il dit reste une déclaration particulièrement subversive quand, dans le même temps, les scientifiques ne pensent qu’à disséquer l’ancêtre des écoterroristes. Leur objectif à eux, c’est de découvrir le secret que renferment ses cellules. Ils espèrent ainsi pouvoir cryogéniser les riches atteints d’une maladie incurable pour les soigner lorsque la science aura fait les avancées suffisantes… Il paraît que c’est ce qu’on appelle le progrès…

C’est en tout cas une belle histoire et une leçon originale que propose Iceman. Malheureusement, le film de Fred Schepisi livre son discours de manière quelque peu chaotique. Le message philosophique se perd dans des aspects ésotériques et spirituels brouillons, voire obscurs. Par ailleurs, les passages d’humour obligés découlant des malentendus générés par la rencontre entre l’homme préhistorique et son homologue moderne se révèlent un peu trop téléphonés et alourdissent le propos. Tout aussi inutile est la découverte par Charlie de la femme émancipée avec ses cheveux courts et son pantalon. La liberté dont elle dispose pour choisir ses compagnons donne même lieu chez notre ancêtre à une déception qui se lit clairement sur son visage, mais que l’on partagera sans peine…

Retour vers la préhistoire

Ces petits désagréments seront néanmoins vite oubliés grâce à une action rondement menée. La musique, très jolie, est assurée par Bruce Smeaton, auteur attitré de Peter Weir avec lequel il a travaillé sur Les voitures qui ont mangé Paris et le superbe Pique-nique à Hanging Rock. La photographie dotée d’un charme très années 80 assure un charme suranné, et les maquillages de Charlie surgelé s’avèrent excellents.

Enfin, les amateurs de la décennie seront heureux de retrouver à l’écran deux visages familiers de l’époque avec James Tolkan qui allait passer à la postérité en incarnant le proviseur Strickland harceleur de Michael J. Fox, ainsi que Danny Glover, futur coéquipier de Mel Gibson dans la saga L’Arme Fatale. Bien sûr, il ne faut pas oublier Timothy Hutton qui allait incarner quelques années plus tard les inoubliables Thad Beaumont et George Stark dans l’excellent La Part des ténèbres de George A. Romero.