Un texte signé Alexandre Thevenot

Italie - 1970 - Sergio Sollima
Titres alternatifs : Città violenta
Interprètes : Charles Bronson, Jill Ireland, Michel Constantin

L'Étrange Festival 2010retrospective

La cité de la violence

Jeff Heston (Charles Bronson) est un tueur à gages totalement invincible. Un jour, lors d’une promenade en voiture avec sa compagne Vanessa, il est poursuivi par des bandits. À la suite d’une fusillade, il est blessé et arrêté. À sa sortie de prison, il n’a plus qu’une idée en tête : retrouver Vanessa et se venger des bandits qui l’ont mis dans cette situation.
Le spectateur plonge immédiatement dans le film en suivant une longue course poursuite inventive en voiture. Très influencé par son confrère Sergio Leone et les premières minutes mémorables d’IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST, cette première séquence est quasi-muette : aucun acteur ne parle, seul le vrombissement des moteurs compte. La poursuite s’achève sur une petite place en terre bordée de paisibles maisons avec un duel. À l’issue de celui-ci, Charles Bronson achève presque tous ses ennemis. L’espace d’un instant éternel, les corps mordent la poussière, la chaleur de l’environnement est accentué par l’incendie d’un véhicule, cette terre « sableuse », tous ces éléments prouvent dans un premier temps que l’âme du western spaghetti est toujours là.
Mais il n’est plus question du Far West ici. Reste cependant la figure de Charles Bronson, viril et charismatique à souhait, dont la force n’aura d’égale que sa faiblesse. Il est là, sous la voiture, en bien mauvaise posture. Il redresse la situation en tirant dans les jambes de ses adversaires, mais non pas comme un héros, plutôt comme un débrouillard, un rusé égocentrique.
Pour l’anecdote, cette séquence forte n’a pas manqué de marquer le jeune Nicolas Winding Refn, réalisateur de BRONSON (2008). Enfant, nous confie-t-il, il avait rarement le droit de regarder la télévision. Déjouant les règles parentales, LA CITÉ DE LA VIOLENCE est l’un des premiers films qu’il ait vus presque entièrement et c’est ce passage sur lequel il est tombé en allumant la télévision qui l’a enchanté. Et on le comprend. Tous les stéréotypes du western italien sont là ! Cependant, le réalisateur ne se contente pas de faire un honnête travail d’artisan. Si l’histoire n’est pas franchement son point fort, Sergio Sollima sait compenser certaines faiblesses scénaristiques par une mise en scène à la fois inventive et très efficace, qui n’est pas sans rappeler sa trilogie du western (COLORADO, LE DERNIER FACE À FACE, SALUDOS HOMBRE) pour la virtuosité des affrontements et les jeux de regards.
LA CITÉ DE LA VIOLENCE peut aussi être compris comme le témoignage d’un cinéma de genre italien en train d’évoluer. S’il ne peut pas renier l’héritage du western spaghetti, il met en avant des thèmes qui seront récurrents plus tard dans les policiers italiens (les « polizioteschi »), à savoir l’accomplissement d’une vengeance personnelle souvent assouvie par l’utilisation de méthodes violentes.
En revanche, Jeff Heston, que le spectateur accompagne jusqu’au démantèlement d’une organisation criminelle, n’est pas un policier. Sa violence et ses méthodes peuvent ainsi être légitimées et cohérentes avec le personnage. Le film n’atteint donc pas la dimension subversive que pouvaient avoir les « polizioteschi » mais reste néanmoins un bon thriller d’action dans lequel les morceaux de bravoure s’enchaînent et où la violence est omniprésente.
Les retournements de situation incessants permettent au spectateur de suivre le film sans trop d’ennui. Si des baisses de tension sont perceptibles par moment, c’est tout de même l’amour de la série B qui l’emporte. En effet, grâce à l’ouverture dans un premier temps, puis l’environnement, les paysages magnifiques, les acteurs, ainsi que grâce à la partition d’Ennio Morricone qui vient comme souvent sacraliser les images, le film emporte l’adhésion du spectateur. En outre, il reste également ce qui est l’une des caractéristiques du cinéma de genre italien, c’est-à-dire la concision. Le film ne s’embarrasse jamais de longueur et livre un pur bonheur de cinéphile, à l’image de ce final rapide et efficace. LA CITÉ DE LA VIOLENCE à défaut d’être un pur chef-d’œuvre s’avère tout de même un bien joli voyage nostalgique dans une période désormais révolue du cinéma.


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- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

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