Un texte signé Vincent Trajan

Australie - 1977 - Peter Weir
Titres alternatifs : The Last Wave
Interprètes : Richard Chamberlain, David Gulpilil, Nandjiwarra Amagula, Olivia Hamnett

L'Etrange Festival 2016retrospective

La Dernière Vague

Après un PIQUE-NIQUE A HANGING ROCK (1975) fortement influencé par les cultures ancestrales aborigènes et fortement teinté d’onirisme, le réalisateur australien Peter Weir remet le couvert deux ans plus tard avec LA DERNIERE VAGUE (THE LAST WAVE) qui reprendra peu ou prou les mêmes thèmes, pour y développer encore un peu plus les difficiles rapports entre concepts aborigènes / européens.
Pour son troisième long métrage, l’homme a cette fois mis les petits plats dans les grands en s’octroyant un budget relativement confortable pour l’époque (pas loin de 500 000 euros), et en faisant appel à un “jeune premier” prometteur : Richard Chamberlain (LA TOUR INFERNALE, LES TROIS MOUSQUETAIRES…).

Dans LA DERNIERE VAGUE, l’Australie est en proie à des phénomènes météorologiques inhabituels : une pluie de grêle en plein milieu du bush va vite faire écho à de violentes tempêtes sur Sydney, accompagnées par d’étranges pluies noires et de dérèglements climatiques en tous genres …
C’est dans ce cadre-là que l’avocat David Burton (Richard Chamberlain), se retrouve attaché à défendre une poignée d’aborigènes accusés de l’assassinat de l’un d’entre eux. Au fil de son enquête pour découvrir la vérité sur cette affaire, David y décèle l’éventualité d’un meurtre tribal lié à des pratiques ancestrales; éventualité qui permettrait aux aborigènes d’être acquittés devant des jurys compréhensifs pour ce genre de “pratiques” rituelles. Or contre toute attente, les accusés récusent eux-mêmes cette thèse, tandis que David lui, est assailli chaque nuit par d’étranges visions prémonitoires…

A partir de là, LA DERNIERE VAGUE s’attache d’entrée de jeu à une étude introspective de la personnalité de cet avocat à priori banal au travers de sa relation avec les accusés, pour s’aventurer dans les méandres d’un univers onirique (les visions de noyade de la population de Sydney) qui flirte souvent avec un aspect mystico-fantastique (le passage de la frontière rêve / réalité, les pouvoirs magiques des chefs de tribus etc.).
Afin de présenter la culture aborigène de son pays via quelques rites religieux, Peter Weir aura la riche idée de s’entourer d’une fondation tribale afin de coller au mieux avec la réalité des coutumes ancestrales (c’est d’ailleurs son président, Nandjiwarra Amagula qui joue le personnage de Charlie) et de véritables aborigènes tribaux pour jouer leurs propres rôles. Une manière de “légitimer” son récit tout en lui donnant un aspect ô combien crédible… et force est de constater que ça marche plutôt bien, tant le film possède une aura mystique si particulière ! Il faut dire aussi que la prestation habitée de l’acteur aborigène David Gulpilil (son apparition dans le rêve de David Burton) et celle de Nandjiwarra Amagula y sont tout bonnement excellentes.
Mais au-delà de son travail de mise en scène des pratiques claniques ancestrales, Peter Weir garde en tête que la majeure partie de LA DERNIERE VAGUE s’articule autour des antagonismes / incompréhension entre la culture aborigène et la culture européenne (lors de la scène du tribunal, notamment). Faisant ainsi un vibrant écho au PIQUE-NIQUE A HANGING ROCK, le réalisateur réussit ainsi à donner à son thriller une couleur mystique certes appuyée, mais aussi une dimension sociale très forte.
En effet, Peter Weir va s’employer à décrire le clivage bel et bien réel entre les différentes ethnies de Sydney (les blancs souvent aisés / les aborigènes désœuvrés et acculturés) puis le combat – perdu d’avance ? – de la tribalité pour survivre au sein d’une grande ville industrialisée et européanisée…
Et mine de rien, LA DERNIERE VAGUE mélange habilement le suspense du thriller et les éléments oniriques du fantastique (les visions nocturnes de David, la culture mystique aborigène, le symbolisme religieux…) pour mettre en place un film fort et habilement construit dans lequel chaque personnage principal possède un rôle charnière qu’on découvrira petit à petit tout au long du parcours initiatique de David Burton…

A l’arrivée, LA DERNIERE VAGUE va marquer de son empreinte les années 1977/1978 (prix spécial du jury lors du festival du film fantastique d’Avoriaz, meilleure photographie / meilleur son lors de l’Australian Film Institute Awards…) et révéler au grand jour le talent d’un Richard Chamberlain alors en pleine ascension (il gagnera le prix du meilleur acteur au festival international du film de Catalogne en 1982 avant de connaître la consécration avec LES OISEAUX SE CACHENT POUR MOURIR…).
De son côté, à Peter Weir gagnera vite ses galons de réalisateur incontournable (GALLIPOLI avec Mel Gibson en 1981, L’ANNEE DE TOUS LES DANGERS en 1982 avec Sigourney Weaver…) jusqu’à connaître la véritable consécration en 1989 avec LE CERCLE DES POETES DISPARUS…
Qui a dit que le cinéma de genre ne menait à rien ?


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- Article rédigé par : Vincent Trajan

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