Un texte signé Vincent Trajan

Italie - 1972 - Luciano Ercoli
Titres alternatifs : La Muerte Acaricia a Medianoche
Interprètes : Susan Scott, Simon Adreu, Peter Martell, Claudie Lange, Carlo Gentili

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La Mort Caresse à Minuit

La Mort Caresse à Minuit est un giallo italien du tout début des années 1970, savamment mis en scène par Luciano Ercoli et ô combien efficace dans son esthétique.

Une mise en scène esthétique…

Valentina est une jeune et belle top model qui a besoin d’un peu d’argent pour arrondir ses fins de mois festives. Pour le compte de Novella 2000, un magazine de presse à sensations, elle décide de se porter volontaire pour tester sous couvert d’anonymat une nouvelle drogue, le HDS. L’expérience a lieu chez elle en présence de son ami le journalise Gio Baldi et d’une équipe médicale. Après une phase euphorisante de quelques minutes, Valentina est en proie à de violentes hallucinations au travers desquelles elle est le témoin d’un meurtre. En effet, elle assiste au travers de ses bouffées délirantes à l’assassinat d’une femme battue à mort par un homme armé d’un gant aux pointes acérées dans l’appartement en face du sien. Le lendemain, Valentina découvre avec stupeur son nom et sa photo dans la presse : Gio s’est jouée d’elle et n’a pas respecté son anonymat. Secouée par ses visions, la top model décide alors de se rendre dans l’appartement en face du sien afin de se rassurer. Or, le tueur au gant d’acier est présent dans les lieux et la prend en chasse. Elle parvient à s’échapper in extremis et s’en va directement au commissariat pour porter plainte. Mais suite à la publication de l’article sur sa prise de HDS, elle n’est pas prise au sérieux par les autorités. Valentina décide donc de mener son enquête elle-même et apprend qu’un meurtre a effectivement eu lieu dans l’appartement en face du sien… 6 mois plus tôt !

Une mise en scène très géométrique

Le moins que l’on puisse dire c’est que le réalisateur Luciano Ercoli est arrivé avec force dans le petit monde du giallo en signant trois films en trois ans : Photo Interdite d’Une Bourgeoise en 1970,  Nuits d’Amour et d’Épouvante en 1971 et enfin La Mort Caresse à Minuit en 1972. Ces trois longs métrages ont la particularité d’être reliés entre eux via l’actrice Nieves Navarro (qui est aussi la femme d’Ercoli dans la vie civile). Conscient du peu de succès public de Photo Interdite d’Une Bourgeoise et Nuits d’Amour et d’Épouvante, le metteur en scène a décidé de mettre les petits plats dans les grands pour La Mort Caresse à Minuit. De fait, l’homme fait le choix de proposer des meurtres sadiques perpétrés avec un gant de fer serti de pointes qui ne sont pas sans rappeler le film 6 Femmes Pour l’Assassin de Mario Bava afin de cibler le public type du giallo. De plus, le réalisateur a aussi décidé de reprendre les solides bases formelles de ses deux précédentes œuvres. Ainsi, Luciano Ercoli réalise un excellent travail sur les prises de vue qui laissent la part belle aux géométries rectangulaires, lignes droites, angles travaillés, symétries et jeux de miroirs incessants. Sur ce plan-là, la mise en scène est superbement menée et colle à merveille avec les ambiances du scénario qui flirtent parfois avec le côté fantastique lors des hallucinations de Valentina (on pense notamment d’ailleurs à L’Oiseau au Plumage de Cristal de Dario Argento).

… et une singularité narrative

Et c’est en effet via le mélange des genres que Luciano Ercoli aime se détacher de la masse. Tout comme pour Photo Interdite d’Une Bourgeoise et Nuits d’Amour et d’Épouvante, le réalisateur intègre dans sa narration des éléments de comédie qui tranchent avec le côté angoissant des meurtres. De plus, le metteur en scène n’hésite pas prendre le contrepied du genre en rajoutant ici et là des teintes psychédéliques et des couleurs tapageuses dans une esthétique pop totalement assumée. Le réalisateur cherche volontairement à casser les codes trop stricts du giallo pour mettre en place un film aux multiples facettes. De fait, Ercoli prend un malin plaisir à mélanger les genres afin de sortir des sentiers battus. Ainsi, certaines scènes intérieures (notamment dans l’appartement de Valentina qui donne sur celui où se sont déroulés des meurtres) rappellent furieusement Fenêtre sur Cour d’Alfred Hitchcock tandis que d’autres s’attarde sur le thriller et le polar. Qui plus est, le film s’offre aussi une charge sur la presse à scandales et la course au sensationnalisme et laisse entrevoir le délitement de la société italienne, notamment lors de la scène de la visite de l’asile par Valentina.

Des jeux de miroirs

Un difficile numéro d’équilibriste

Malgré toutes ses bonnes intentions, La Mort Caresse à Minuit souffre malheureusement de baisses de rythme, notamment en milieu de métrage après une première demi-heure menée tambour battant. C’est un peu le revers de la médaille du parti pris du mélange des styles voulu par Luciano Ercoli dans la mesure où la tension du giallo n’est pas présente tout du long. Cependant, le scénario co-écrit entre Sergio Corbucci et Ernesto Gastaldi tient bien la route puisqu’on suit avec intérêt l’enquête de Valentina et de Gio sur le mystérieux tueur au gant d’acier. Il faudra attendre le dernier quart d’heure pour que le film s’emballe dans une surenchère de violence. Ici encore, Ercoli fait preuve d’une imprévisibilité quasi outrancière qui prend à revers le spectateur dans un final dantesque ! Imparable.

En définitive, La Mort Caresse à Minuit se place sans conteste comme un film singulier dans la mesure où il ne se laisse pas enfermer dans le cahier des charges trop strict du giallo. Luciano Ercoli signe-là un long métrage superbement bien mis en scène mais un peu bancal tant il prend de libertés artistiques. La Mort Caresse à Minuit  n’en reste pas moins un long métrage hautement intéressant qui a le mérite d’être empreint d’une réelle personnalité marquante. Voilà un film à (re)découvrir d’urgence !

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- Article rédigé par : Vincent Trajan

- Ses films préférés : Le Bon, la Brute et le Truand, Le Nom de la Rose, Class 1984, Les Guerriers de la Nuit, Nosferatu - Ses auteurs préférés - Maxime Chattam, Stephen King, Franck Thilliez, Bernard Minier, Jean-Christophe Grangé

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