Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

USA - 1993 - Fraser C. Heston
Titres alternatifs : Needful Things
Interprètes : Max von Sydow, Ed Harris, Amanda Plummer, Bonnie Bedelia, J.T. Walsh, Duncan Fraser

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Le Bazaar de l’épouvante

Publié en 1991, « Bazaar » s’impose immédiatement comme un des meilleurs romans de Stephen King. Basée sur la thématique traditionnelle du personnage mystérieux se proposant d’exhausser les souhaits d’individus lambda, cette œuvre faustienne rappelle, également, les œuvres de Ray Bradbury et possède un côté « Quatrième dimension » prononcé. La morale, inchangée depuis le mythe de la lampe magique et du génie, se résume à « prenez garde à ce que vous désirez, vous pourriez l’obtenir ». A l’époque, la popularité du King est à son sommet et tous ses romans bénéficient d’adaptations cinématographiques à succès. Lawrence D. Cohen, déjà responsable du scénario de CARRIE (et du FANTÔME DE MILBURN d’après Peter Straub), se voit chargé d’en écrire une version destinée à la caméra de Peter Yates (BULLIT). Mais ce-dernier capitule et laisse la place à Fraser Clarke Heston, le fils de Charlton, qui effectue ses débuts pour les grands écrans après avoir signé deux téléfilms. Insatisfait du scénario, le réalisateur convoque W.D. Richter (réalisateur du très culte BUCKAROO BANZAI) qui livre une nouvelle version, tournée en Colombie-Britannique en 1992.

Le film sort durant l’été 1993 aux USA et un an plus tard en France, recevant un accueil plutôt froid et injuste. D’une durée d’environ deux heures, LE BAZAAR DE L’EPOUVANTE condense l’intrigue touffue du pavé littéraire du King (plus de 600 pages) mais sauvegarde l’essentiel : la critique de la consommation effrénée et du matérialisme. « Durant les années 80, tout semblait pouvoir s’acheter, cette décennie était la grande vente du siècle et il ne restait à fixer un prix que pour l’honneur, le respect, l’intégrité et l’innocence. » déclara Stephen King. Il ne fut pas le seul à tourner en dérision la société consumériste comme en témoigne également « American Psycho » ou « L’avocat du diable », tous deux également portés à l’écran avec réussite. Leland Gaunt (Max von Sidow, absolument parfait) débarque à Castle Rock pour y ouvrir son « bazar des choses utiles ». Dans sa boutique, chacun trouve ce qu’il désire depuis toujours : une carte dédicacée d’un joueur de base-ball, des objets ayant appartenus à Elvis, une amulette capable de soulager l’arthrite, etc. Gaunt ne demande en outre pas grand-chose : un peu d’argent mais, surtout, un petit service. Une blague, un tour pendable à jouer à quelqu’un. Rien de méchant. Du moins en apparence…

Stephen King reprend sa localité fétiche de Castle Rock et la place à un tournant, à la charnière des années ’80 et ’90. Ce qu’il restait d’innocence s’évapore, remplacé par un culte du profit. Le long-métrage reprend cette thématique et s’interroge sur les notions de Bien et de Mal. Lorsque le héros demande au prêtre s’il croit au Diable celui-ci répond « je crois que j’y suis obligé, on ne peut avoir l’un sans l’autre ». Or, le Diable se personnifie sous les traits de Leland Gaunt (« j’ai bien connu le petit charpentier de Nazareth, il était promis à un bel avenir mais il a mal fini ») et sa présence va, insidieusement, pousser à la folie les habitants de la ville.

LE BAZAAR DE L’EPOUVANTE fut un échec commercial, remboursant à peine son budget d’environ quinze millions de dollars. L’adaptation est pourtant respectueuse et convaincante, quoique réduite à 116 minutes. Beaucoup de sous-intrigues sont expurgées. Or, en 1996, Frazer Heston a l’opportunité de remanier son film pour une version longue destinée à la télévision. Si Tobe Hooper avait eu droit à un remontage raccourci des VAMPIRES DE SALEM destiné aux salles obscures, le cinéaste effectue le travail inverse en réinjectant bien des passages coupés, portant la durée de cet « extended cut » à trois heures ! Plus de soixante minutes supplémentaires qui permettent d’approfondir les relations entre le shérif (un Ed Harris sans reproche) et sa fiancée Polly (Bonnie Bedelia, l’épouse de John McClane dans les deux premiers DIE HARD et déjà présente dans LES VAMPIRES DE SALEM). Le personnage de Cora (Lisa Blount, vue dans PRINCE DES TENEBRES), quasi absent de la version cinéma, se voit ici développé et son obsession pour Elvis permet une sous-intrigue supplémentaire. Le film démarre en outre différemment, la version longue débutant par une poursuite en voiture. Beaucoup de scènes se trouvent allongées dans le « TV cut », parfois de quelques secondes, parfois d’une ou deux minutes. On note aussi plusieurs scènes supplémentaires qui permettent de mieux connaitre les protagonistes. Par contre la violence est atténuée (les – rares – plans sanglants sont omis) et les insultes supprimées, par exemple lors de la scène des PV.

La version longue est-elle nécessaire ? Sans doute pas. Elle souffre de problème de rythme que ne possède pas la version cinéma, laquelle était satisfaisante et efficace. Le format 4/3 et l’atténuation du gore et des grossièretés transforment le long-métrage en mini-série avec les défauts et qualités inhérents à ce type de transposition : davantage de fidélité à l’œuvre mais, aussi, un côté parfois languissant. Le succès des mini-séries conduisit d’ailleurs à de nombreuses adaptations télévisuelles du King (Mick Garris s’en fit le spécialiste) sans qu’aucune ne soit réellement mémorable.  Revoir LE BAZAAR DE L’EPOUVANTE dans ce montage de trois heures demeure donc anecdotique mais intéressant pour les fans du romancier. On conseillera cependant au grand public le cut de deux heures, plus nerveux et convaincant. Mais on apprécie surtout d’avoir – enfin ! – le choix entre ces deux versions si différentes qu’elles s’apparentent pratiquement à deux films distincts !

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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer - Ses auteurs préférés - Graham Masterton, Christophe Lambert, Thomas Day, Stephen King, Clive Cussler, Paul Halter, David Gemmell


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