Un texte signé Alexandre Lecouffe

U.S.A. - 1963 - James Landis
Titres alternatifs : The sadist
Interprètes : Arch Hall Jr, Richard Alden, Marilyn Manning, Helen Hovey

retrospective

Le sadique

Ed, Carl et Doris, trois enseignants partis en voiture pour se rendre à un match de baseball, tombent en panne et s’arrêtent dans un garage/station service perdu en rase campagne. Ils n’y trouvent âme qui vive jusqu’à l’arrivée d’un jeune homme et de sa compagne qui ont tôt fait de les retenir sous la menace d’une arme à feu. Recherché par la police, le couple prend les trois adultes en otage, ayant besoin que l’un deux répare la voiture avec laquelle ils comptent fuir. Le comportement du jeune hors la loi, nommé Charlie, se fait de plus en plus menaçant puis brutal et les trois otages comprennent que leur vie est en danger : Charlie est un dangereux psychopathe activement recherché pour une série de meurtres gratuits…
L’idée du film fut lancée par le producteur Arch Hall Sr. (simple « consultant » ici), grand pourvoyeur de minuscules séries B destinées au circuit des « drive-ins ». Dans la plupart de ses productions, Hall Sr. destine le rôle principal à son propre fils, Arch Hall Jr., un gros blondinet au visage poupin qui incarne, exceptionnellement, un personnage très négatif puisqu’il est l’adolescent assassin de LE SADIQUE. Le film est réalisé par James Landis (aucun lien de parenté avec John), un habitué des productions Arch Hall Sr. pour lequel il a notamment commis THE NASTY RABBIT (1964), une comédie ultra ringarde dans laquelle des espions soviétiques veulent contaminer les Etats-Unis en y introduisant un lapin infecté. En clair, la réunion de ces trois « talents » de la série Z n’augurait pas forcément du meilleur et LE SADIQUE, qui fut produit pour quelques dizaines de milliers de dollars, tourné en quelques jours dans un lieu unique et destiné aux « drive-ins » avait tout pour allonger la liste des nanars en puissance…Une séquence pré-générique montre en gros plan les yeux exhorbités du « sadique » sur un fond noir ; une voix-off (celle de Arch Hall Sr.) commente la « nature déviante » du personnage et son « plaisir à faire souffrir les innocents ». Après cette introduction qui joue avec les codes de l’épouvante, le film s’oriente dès ses scènes d’introduction vers le réalisme du film noir où trois citoyens ordinaires se retrouvent sous la menace d’un jeune assassin. L’effet de réel est encore accentué par le fait que ce personnage de fiction est inspiré du tueur en série Charles Starkweather qui tua froidement et sans raison une dizaine de personnes avec le soutien de sa petite amie, à la fin des années 50 (le couple a inspiré des films aussi divers que le romantique BADLANDS de Terence Malick, 1973, ou le pseudo-satirique TUEURS-NES de Oliver Stone, 1994). D’un point de vue narratif, la focalisation en grande partie externe et le déroulement des événements en « temps réel » donnent au film un côté quasi-documentaire d’où il puise son impact sur le spectateur. Le climat menaçant du début devient progressivement étouffant à mesure que les trois victimes comprennent que Charlie, si jeune soit-il, n’a aucune pitié ni aucun respect de la vie humaine ; sa compagne Judy, une femme-enfant mutique (on l’entend simplement murmurer à l’oreille de Charlie ou rire de façon inquiétante) semble encore plus dénuée de toute compassion. La violence éclate de manière inattendue, en particulier dans une scène, véritable simulacre de viol, où le psychopathe maltraite Doris, lui enfonce le visage dans la terre en l’insultant et passe la lame de son couteau sur sa gorge dénudée. Un peu plus tard, un autre otage est menacé d’être abattu d’une balle dans la tête dans une scène clé du film que l’on ne peut dévoiler ici. Cette atmosphère de tension et de torture psychologique est servie par une mise en images remarquable : cadres très soignés (caméra subjective avec l’arme à feu en amorce), excellent travail sur la profondeur de champ (isolant ou écrasant les personnages), montage alternant les angles de prise de vues d’un plan à l’autre….La photographie aux noirs et blancs bien contrastés est assurée par le débutant Vilmos Zsigmond, qui deviendra un des chef-opérateurs attitrés de Steven Spielberg et de Brian de Palma. Formellement très achevé, LE SADIQUE étonne par l’audace thématique qu’il déploie, que ce soit au niveau de la violence (pas de champ/contrechamp entre le coup de feu et sa cible,…), des allusions sexuelles (le revolver et le couteau comme flagrantes extensions de la virilité de Charlie) ou du choix, inédit à l’époque, d’une figure de criminel irrécupérable ayant les traits d’un brave adolescent élevé au maïs ! Si l’on ajoute pour finir que la dernière partie du film se mue en « survival » ultra efficace (le premier du genre ?) dont de toute évidence Tobe Hooper saura se souvenir pour son MASSACRE A LA TRONCONNEUSE (1974), LE SADIQUE dépasse son statut de petite série B d’exploitation et accède au rang des films cultes. Enjoy…or die !


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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