Un texte signé André Quintaine

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Le Chat et le canari de John Willard – Les adaptations à l’écran

La première de la pièce Le Chat et le canari de John Willard et a lieu le 7 février 1922 à New York et fut jouée 148 fois jusqu’en mai 1922. La pièce n’a semble-t-il jamais été traduite en France, nous la connaissons néanmoins grâce à plusieurs adaptations cinématographiques.

Mécontent que ses héritiers se comportent vis-à-vis de sa fortune comme des chats convoitant un canari, le riche et excentrique Cyrus West décide de jouer après sa mort un mauvais tour aux membres de sa famille. Par l’entremise de son avocat, ses testamentaires apprennent avec stupéfaction qu’ils vont devoir attendre vingt ans avant que la lecture du testament n’ait lieu.

Les vingt années sont passées, les héritiers se retrouvent dans le vieux manoir familial sans imaginer qu’une nouvelle mauvaise surprise les attend : le parent le plus éloigné de Cyrus touchera seul l’intégralité de l’héritage. C’est ainsi qu’Annabelle West est désignée comme seule et unique héritière de la fortune de Cyrus. Celui-ci n’en a pas fini de jouer avec les nerfs des membres de sa famille. Il exige également que son héritière demeure une nuit entière dans le manoir et qu’elle ne devienne officiellement héritière que si elle est considérée saine d’esprit par un médecin. La lecture du testament se déroulant dans un vieux manoir hanté, les héritiers déshérités mettent tout en œuvre et exploitent le cadre sinistre dans le but de faire perdre l’esprit à leurs proches.

Malgré les réticences de l’auteur de la pièce Le Chat et le canari, John Willard craignait en effet que le rebondissement final, dévoilé par le cinéma, ne tue l’intérêt de sa pièce et ses représentations suivantes, La Volonté du mort devient en 1927 la première adaptation de la pièce pour le cinématographe. Laura La Plante, star du muet, interprète Annabelle, nièce de Cyrus West. L’histoire reste la même, avec l’ajout d’une petite nouveauté : un nouveau larron en la personne d’un dangereux maniaque surnommé « le chat », va venir empêcher de tourner en rond les protagonistes.

D’un point de vue historique, le film revêt un intérêt certain. En effet, la mise en scène expressionniste de Paul Leni détient les germes qui, quatre années plus tard, donneront naissance à l’âge d’or du cinéma fantastique. Carl Laemmle, qui était déjà à la tête de la Universal, s’était assuré les talents du réalisateur d’origine allemande après avoir vu son Cabinet des figures de cire (1924) dans lequel Paul Leni maniait déjà avec brio les codes de l’expressionnisme. Conformément aux attentes de Carl Laemmle, le film est un succès, les critiques s’enthousiasmant du fait que Paul Leni fût parvenu à transfigurer la pièce, justement grâce aux décors expressionnistes.

Avec d’autres films de cette époque comme The Bat de Roland West (également disponible chez Hantik Films), la Volonté du mort marque le début d’un sous-genre cinématographique, celui des vieilles demeures sinistres dans lesquelles sont commis des crimes par des meurtriers masqués. Le genre fut très populaire dans les années 30 avec des films comme par exemple Tomorrow at Seven (Ray Enright – 1933), également disponible chez Hantik Films ou encore La Maison de la mort (The Old Dark House de Tod Browning – 1932).

Le début du parlant marque la mise en chantier de nombreux remake de films muets. La Volonté du mort n’échappa pas à la règle avec The Cat Creeps en 1930 (Le Fantôme de l’opéra en 1925 avec Lon Chaney) réalisé par Rupert Julian dont il s’agit du dernier film, et cette fois-ci produit par Carl Laemmle Junior. La version espagnole, La Volundad del Muerto, utilisait les mêmes décors et l’équipe hispanique tournait la nuit, lorsque leurs homologues américains se reposaient. Carl Laemmle estimait que la mouture espagnole signée George Melford, déjà auteur de la variante hispanique de Dracula en 1931, était supérieure à la version de Rupert Julian. Il sera difficile d’en juger puisque le film de Julian semble bien être perdu à jamais.

En 1939, Elliott Nugent signe la quatrième adaptation avec un scénario qui s’offre plusieurs infidélités par rapport au texte d’origine. Les noms des protagonistes changent (Cyrus West se prénomme ici Cyrus Norman) et la lecture du testament a lieu, non pas vingt années après la mort du vieux schnock, mais seulement dix ans plus tard. Quant à l’heureuse élue, elle doit désormais rester saine d’esprit trente jours si elle veut prendre possession de l’héritage. Terminons en signalant que la demeure du riche excentrique s’avère cette fois défendue par des alligators, rien de moins !

Ce classique de la fin des années 30 bénéficie de l’interprétation de plusieurs stars dont Bob Hope. L’acteur, qui se spécialisera dans les comédies par la suite, fait ici l’une de ses premières apparitions et supporte le film sur ses épaules avec la belle Paulette Goddard. Cette dernière sortait tout juste de l’audition pour Autant en emporte le vent et le rôle dont héritera finalement Vivian Leigh. Paulette Goddard se rattrapera avec Le Dictateur de Charles Chaplin. Le reste du casting se révèle également bien pourvu ; signalons la présence de George Zucco, dont la carrière était alors à son apogée puisque, dans la peau du professeur Moriarty, il affrontait Basil Rathbones dans Les Aventures de Sherlock Holmes d’Alfred L. Werker.

Il faudra ensuite attendre les années soixante pour que le cinéma, ou la télévision, s’intéressent à nouveau à la pièce Le Chat et le canari de John Willard, avec Katten och Kanariefågeln. Peu d’informations circulent malheureusement sur ce téléfilm suédois datant de 1961, si ce n’est qu’il a été mis en scène par Jan Molander, que le rôle d’Annabelle West est tenu par Lena Granhagen et que le scénario semble fidèle à la pièce de théâtre.

Finalement, en 1979, Radley Metzger met en scène la dernière adaptation au cinéma de la pièce Le Chat et le canari de John Willard, avec cette fois-ci Carol Lynley dans le rôle d’Annabelle. James Mason était prévu pour incarner le personnage de l’avocat, mais le rôle a finalement été confié à Wendy Willer. Signe des temps, la lecture du testament se fait par l’intermédiaire d’un support filmique car Cyrus s’était filmé avant de mourir. Le Chat et le Canari (The Cat and the Canary) possède la particularité d’être le seul film de son auteur non strictement réservé aux adultes. En effet, Radley Metzger apparaît comme étant l’un des pionniers de l’érotisme et de la pornographie avec des films comme Thérèse et Isabelle (1968), Carmen Baby (1967) ou Camille 2000 (1969). Lorsque Gorge profonde ouvra la voie aux films pornographiques en 1972, Metzger s’y engouffra également et signa sous le pseudonyme d’Henry Paris les films Naked Came the Stranger (1975) ou encore The Opening of Misty Beethoven (1976). Le talent que Radley Metzger montrait dans ses films frivoles ne profita malheureusement pas à Le Chat et le Canari. Cette association avec son ami producteur Richard Gordon, qui souhaitait profiter du succès commercial des adaptations d’Agatha Christie alors en vogue (Mort sur le Nil – 1978), s’avéra un semi-échec.

Il serait dommage de ne pas conclure ce tour d’horizon en évoquant le film à l’origine de cet article, et sa sortie en DVD chez Hantik Films : One Body Too Many. Dans cette adaptation non officielle de la pièce de John Willard, Albert Tuttle se retrouve bien malgré lui embarqué dans une étrange histoire. Alors qu’il était venu vendre une assurance vie à Cyrus J. Rutherford, il découvre que son client est décédé depuis peu. Là, les membres de sa famille attendent impatiemment de connaître le nom de l’hériter qui ne sera pas dévoilé avant que le vieil excentrique ne soit mis dans sa tombe. Des règles stupéfiantes sont également exigées par le bonhomme qui prévient que les mieux lotis deviendront les laissés pour compte si ses exigences ne sont pas respectées. Tuttle demeurera auprès de la belle Carol Dunlap afin de la protéger de l’avidité de sa famille. One Body Too Many dispose d’un casting de qualité avec en tête d’affiche Jack Haley, l’homme de fer du Magicien d’Oz de Victor Fleming auquel il participa quelques années auparavant. À ses côtés, on trouve Jean Parker qui venait d’être séduite par le Fantôme à vendre de René Clair (1935). Bela Lugosi (« le » Dracula de 1931) est également de la partie dans un rôle de majordome particulièrement drôle. One Body Too Many se révèle être un divertissement très sympathique. Il fait partie, avec The Bat de Roland West ainsi que La Maison de la mort de Tod Browning, de ces fameux films se déroulant dans des vieilles demeures sinistres où sont commis des crimes par des meurtriers masqués.



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- Article rédigé par : André Quintaine

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