Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Hong Kong - 1975 - Chang Cheh
Titres alternatifs : Disciples of Shaolin
Interprètes : Fu Sheng, Chi Kuan-Chun, Fung Hak On

retrospective

Les Disciples de Shaolin

Un jeune paysan (Alexander Fu Sheng) débarque naïvement dans une petite ville pour retrouver un des ses amis d’enfance (Chi Kuan-Chun) qui lui permet de trouver un travail dans une fabrique de textiles. Mais la concurrence est rude entre les commerçants et le patron d’une entreprise rivale vient semer la zizanie dans la fabrique en tentant de recruter de force les employés.
L’inclusion de ce titre dans le fameux (et pour certains interminable!) “cycle de Shaolin” orchestré par le maître Chang Cheh est probablement du à de pures considérations commerciales car le métrage entretient fort peu de relations avec le fameux monastère. Après un générique très classique au cours duquel Fu Sheng démontre ses aptitudes martiales nous entrons dans le vif du sujet: une intrigue nettement plus construite et dramatique que les habituelles rivalités entre Chinois et Mandchous. Ici, le héros n’est pas vraiment un homme à l’idéal chevaleresque développé, c’est un candide cependant désireux de gagner sa vie rapidement et d’obtenir une part du gâteau, symbolisé par quelques signes extérieurs de richesse, comme des chaussures neuves, une jolie femme et une montre en or. Fu Sheng incarne ce personnage, à la fois sympathique et peu recommandable, qui, peu à peu, va se renier pour se mettre au service du plus offrant sans jamais basculer complètement du “côté obscur”. Impossible, évidemment, de ne pas penser au JUSTICIER DE SHANGHAI, une des plus grandes réussites de Chang Cheh, sorti trois ans plus tôt et développant une intrigue similaire. Chi Kuan Chun, pour sa part, représente la bonne conscience du héros, un autre combattant jadis tenté par les sirènes de la puissance et de l’argent facile mais qui est parvenu à rentrer dans le droit chemin. Il tente de mettre en garde Fu Sheng mais l’ascension sociale de ce dernier est si rapide qu’on le devine englué dans un processus sans espoir, dont l’inéluctabilité ne laisse guère place au doute pour les familiers de l’univers de Chang Cheh, dans lequel une mort glorieuse et très sanglante constitue l’ultime et unique possibilité d’expiation.
Même si les prémices de l’intrigue sont donc nettement plus riches que de coutume, le fond reste rudimentaire : seuls les deux personnages principaux bénéficient vraiment d’un développement conséquent. Les « méchants » ne sont, eux, que des silhouettes et le contexte sociopolitique, tout comme les conditions de travail dans l’entreprise textile, ne fournissent qu’un prétexte à moult affrontements. Dommage car il y avait certainement là matière à de plus intéressants enjeux. Mais l’essentiel devait demeurer le “simple” spectacle et nul ne semblait avoir la volonté (ou même l’envie) d’élever un peu le débat. Comme toujours dans le cinéma machiste et homo érotique de Chang Cheh, les deux jeunes femmes incluses dans le récit sont, pour leur part, de simples stéréotypes : la prostituée au grand cœur ayant trouvé l’amour dans les bras du héros et la pure et chaste demoiselle éplorée. Elles ne pèseront pas lourds dans la spirale infernale qui, inéluctablement, emporte Fu Sheng et le conduit à son tragique destin.
LES DISCIPLES DE SHAOLIN s’avère, en outre, une œuvre charnière dans la carrière du cinéaste, dans le sens que son chorégraphe attitré, l’excellent Lui Chia Liang, allait quitter le navire juste après pour entamer une carrière de réalisateur exceptionnellement riche en chefs d’œuvre tandis que Chang Cheh allait, de son côté, s’enfermer dans la surenchère bis de ses films mettant en vedette les Five Deadly Venoms. Les combats, puisqu’il faut si attarder dès que l’on évoque le genre “kung fu”, sont assez peu nombreux mais ils ont l’avantage de s’intégrer adroitement au récit, sans paraître le ralentir uniquement. Ils sont d’un bon niveau général même si, avouons le, aucun ne sort du lot.
Techniquement, l’ensemble est correcte mais trahit un manque d’ampleur et de budget, les entreprises pharaoniques produites par la Shaw au début des seventies (comme LES 14 AMAZONES ou LES 13 FILS DU DRAGON D’OR) mais, en réalité, le métrage a simplement été distribué par la prestigieuse compagnie de Sir Run Run Shaw. Il a été financé à Taiwan, de manière indépendante, par Chang Cheh et la différence en terme de “valeur ajoutée” est patente.
Bref, en dépit de quelques bonnes idées, le scénario des DISCIPLES DE SHAOLIN aurait gagné à être travaillé davantage afin d’élever le niveau de ce qui, en l’état, reste cependant un bon divertissement. C’est déjà ça mais le cinéaste a fait tellement de titres plus intéressants que l’on ressort fatalement un brin déçu de cette vision.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

Share via
Copy link