Un texte signé Stéphane Bex

USA - 1979 - Ricou Browning
Titres alternatifs : Mr No Legs
Interprètes : Richard Jaeckel, Ron Slinker, Ted Vollrath, Lloyd Bochner, John Agar

retrospective

L’infernale poursuite

Lou trafique un peu de drogue avec l’aide de Tony (l’homme qui va bien) pour le compte du puissant d’Angelo qui n’a jamais été attrapé par la police. Lors d’une vente au cours de laquelle on essaie de rouler Lou, Mr No Legs – qui s’appelle aussi Lou – handicapé sur un fauteuil spécialement équipé, fait à la fois son apparition et justice. Le jeune Ken, élément de la bande et étudiant à ses heures, se retrouve responsable de la mort de sa fiancée puis éliminé de façon expéditive par Lou 2 après que Lou 1 utilise la ruse de la drogue pour camoufler la mort en overdose accidentelle. C’en est, en tout cas, trop pour Andy, frère de la victime et premier membre du duo de choc qu’il forme avec Mike de la brigade des stups, duo ayant voué son existence à l’éradication du fléau que représentent les substances illicites. Avec l’aide de Chuck – exit Mike -, un autre flic dévoué à la justice, avec l’aide de Gwen, une prostituée au grand cœur et la piste que représente le corps de Ken, Andy parviendra-t-il à venger cette blessure familiale, stopper le puissant d’Angelo et lever le voile sur la corruption qui pourrit l’intérieur du service ?
Au panthéon des titres malvenus, L’INFERNALE POURSUITE (1981) a l’honneur de se placer dans les tout premiers rangs tant le film semble peu répondre au programme annoncé et n’a rien à voir non plus avec le western agrume selon John Ford. On devrait lui préférer son titre original plus explicite MR NO LEGS voire même le nanaresque et bien plus drôle DESTRUCTOR sous lequel il apparaît parfois. On aurait encore pu baptiser plus justement L’IMPROBABLE POURSUITE cet ovni cinématographique qu’on a pu voir à l’étrange festival cuvée 2010 et qui ressort aujourd’hui sous l’égide de Bach Films.
Improbable en effet, le film l’est à de nombreux égards.
Improbable l’onomastique de son réalisateur, Rico BROWNING, à la saveur d’une familiarité de terroir chapeautée par un haut patronage fantastique.
Improbable le réalisateur lui-même, dont les hauts faits d’armes résident dans l’incarnation par trois fois de la lagonesque créature (L’ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR, LA REVANCHE DE LA CREATURE, LA CREATURE EST PARMI NOUS) et dans le poste de réalisateur de seconde équipe et cadreur pour les séquences sous-marines des James Bond. Comme quoi revenir sur le plancher des vaches quand on a passé sa vie dans l’eau n’est pas sans risque.
Improbable le scénario du film débutant comme un documentaire sur le trafic de drogue, se poursuivant en mob story avant de virer au drame funky-intimiste de deux flics nourris par les épisodes de STARSKY ET HUTCH et s’achever pour un final « grandiose » en course poursuite à la SHERIF, FAIS MOI PEUR.
Improbable son personnage de grand méchant incarné par Ted Vollrath, rescapé de la guerre de Corée et amputé des deux jambes, devenu premier handicapé à obtenir la ceinture noire de karaté et dont c’est ici le premier et dernier film. Avec son fauteuil suréquipé (roues dotées de shurikens, fusils télescopiques), le personnage incarne une redoutable machine de guerre comme le soulignent à l’envie les accroches des jaquettes et des affiches qui compensent par l’hyperbole et les mauvais jeux de mots ce qui fait défaut chez le personnage : « La vie en a fait un démon. Même les flics évitent de se trouver en face de lui » ou encore « Les flics veulent mettre la main dessus. La mafia veut sa tête. Mais personne ne veut le rencontrer face à face… « 
Improbable les scènes d’action incohérentes ou d’une lenteur désespérante, mention spéciale étant accordée au pachydermique et apathique Andy (Ron SLINKER), catcheur de son état, dont c’est heureusement le seul film. Reste un hallucinant combat entre le héros planqué dans sa Camaro et le “Mutilateur” armé d’une épée ; et quelques ralentis bienvenus ont le mérite de livrer au public la démonstration des talents de Vollrath dont le fameux retourné sur chaise roulante, le balayage de bras ou la machette aquatique.
Improbables les dialogues et le doublage associant les platitudes les plus communes («  – comment ça va Tony ? – Bien ») avec les saillies brusques et immotivées censées relever l’action fléchissante et donner relief et tension à l’œuvre. (« Andy, tu as osé me faire perdre mon heure de déjeuner pour une filature ! »).
Improbables enfin les décors qui vérifient de façon presque absurde tous les poncifs du genre : étroitesse des commissariats, anonymat des dépôts de banlieue servant de repaire aux trafics, jardin avec piscine pour la demeure censément luxueuse d’Angelo et – pompon garanti – la chambre psycho seventies pop abritant l’absence d’ébats entre le catatonique Andy et la call-girl sympa.

Bref, on pourrait encore en ajouter d’autres, tant le film paraît concourir au titre de nanar soit affligeant soit génial. On ne saurait trop le conseiller en fin de soirée, moment où il livre pleinement son bouquet de répliques appelées à devenir cultes, de personnages à la psychologie en goguette et son relent de réactionnisme moral. Ouvrant en force les années 1980 et opérant la mélancolique transition avec les seventies, L’INFERNALE POURSUITE peut constituer ainsi, comme involontaire parodie, une bonne introduction aux nanars de l’époque reganienne dans lesquels l’action fait office de discours. Sous le rugissement des Camaros s’annule la crise du doute et les remises en question de la loi. Il s’agit désormais d’aller vite et d’échapper aux démons du passé, quand bien même le véhicule que l’on utiliserait pour ceci ne serait qu’une chaise roulante.


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- Article rédigé par : Stéphane Bex

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