Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie - 1962 - Riccardo Freda
Titres alternatifs : Maciste all'Inferno
Interprètes : Kirk Morris, Hélène Chanel, Vira Silenti

retrospective

Maciste en enfer

Figure emblématique du cinéma d’aventure italien, Maciste apparaît dès l’époque du muet, notamment dans un MACISTE EN ENFER datant de 1926 et signé Guido Brignone. Doté d’une force surhumaine, défenseur acharné de la veuve et de l’orphelin, Maciste est un « homme du peuple » qui surgit généralement de nulle part, traverse les époques (de l’Antiquité au 19ème siècle) et les continents pour faire triompher le Bien. Ce véritable don d’ubiquité peut être vérifié à travers quelques titres de ses aventures rocambolesques : MACISTE CONTRE LE FANTOME (Giacomo Gentilomo, 1961), MACISTE CONTRE ZORRO (Umberto Lenzi, 1963), MACISTE CONTRE LES MONGOLS (Domenico Paolella, 1963)… Le grand réalisateur Riccardo Freda, après s’être spécialisé dans les films en costumes (THEODORA, IMPERATRICE DE BYZANCE, 1953) puis dans l’épouvante (LES VAMPIRES, 1956, diamant gothique qui a lancé le genre en Italie) s’est ensuite essayé au péplum (LE GEANT DE THESSALIE, 1960). MACISTE EN ENFER est en fait sa seconde rencontre avec le héros musclé après LE GEANT A LA COUR DE KUBLAI KHAN tourné l’année précédente dans lequel Maciste poussait le peuple chinois à se défaire du joug du cruel chef Mongol. Abandonnant toute forme de classicisme, Riccardo Freda allait avec MACISTE EN ENFER livrer un véritable film-somme empruntant des éléments aux différents genres dans lesquels il avait œuvré jusque là.
Au début du 17ème siècle en Ecosse, Martha Grant, accusée d’être une sorcière, est condamnée au bûcher ; avant de périr, elle profère une malédiction à l’encontre du village. Un siècle plus tard, des scènes d’hystérie collective se multiplient près de l’arbre où la sorcière a péri alors qu’une descendante de celle-ci vient s’installer dans le village avec son époux. La jeune femme est rapidement emprisonnée et promise au bûcher à son tour, la malédiction de la sorcière poussant les villageois à croire qu’elle est elle aussi une adepte de Satan. Convaincu de son innocence, le Bourgmestre décide d’envoyer le valeureux Maciste aux Enfers afin qu’il y trouve l’âme damnée de la sorcière et mette fin à la malédiction.
La première surprise de ce MACISTE EN ENFER tient au fait qu’il développe sur près d’un tiers de sa longueur une structure de film d’épouvante gothique où la malédiction d’une sorcière est le point de départ d’événements surnaturels et d’un climat inquiétant où les peurs collectives sont prépondérantes. Après une séquence d’ouverture qui rappelle un peu celle du MASQUE DU DEMON (1960) de Mario Bava, Riccardo Freda compose une série de tableaux aux images évocatrices que ce soit dans la façon d’éclairer de teintes vertes irréelles l’intérieur d’une auberge où sont réfugiés les villageois apeurés ou de filmer l’arrivée nocturne et silencieuse d’une diligence et dans son axe, à l’arrière-plan, un imposant et menaçant château. Cette première partie du film, à la fois réaliste (le contexte historique est celui de l’Inquisition) et fantastique (la jeune femme accusée d’être une sorcière voit la Bible qu’elle vient de toucher prendre feu) se termine à l’arrivée de Maciste (à cheval et vêtu d’un simple pagne). Sauvant la jeune héroïne du lynchage, il déracine ensuite l’arbre maudit, ouvre ainsi une porte de l’enfer et fait entrer le film dans une dimension purement féerique. La représentation du monde souterrain proposée par Riccardo Freda est en effet assez inhabituelle car elle associe à une imagerie chrétienne des éléments de la mythologie grecque : on y voit des damnés torturés par des démons, des flammes infernales dévorant leurs victimes mais on y croise également Prométhée enchaîné à son rocher ou des hommes oiseaux. La présence dans ce lieu de la sorcière (qui a le pouvoir de rajeunir et d’apparaître sous des traits charmants pour séduire Maciste) et d’un géant belliqueux ajoute à cette vision des enfers des archétypes issus des contes de fées. La réussite visuelle de cet univers pourtant hétéroclite tient au fait que le réalisateur mélange habilement des éléments naturels (la quasi-totalité des scènes sont filmées dans de véritables grottes et cavernes) et artificiels (les magnifiques éclairages où dominent le rouge et le doré) ; elle permet aussi de faire oublier le manque de charisme de son héros. Ce dernier devra se battre tour à tour contre un lion, un serpent, un aigle, des taureaux (!) dans des scènes qui frôlent parfois le ridicule mais n’entament en rien le plaisir de suivre ce récit initiatique qui se double dans sa dernière partie d’une réflexion métaphysique. Plastiquement moins riche et mémorable que celle créée par Mario Bava dans HERCULE CONTRE LES VAMPIRES (1961), la peinture de l’enfer de Riccardo Freda mérite amplement une visite respectueuse.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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