Un texte signé Éric Peretti

USA - 1948 - Jack Bernhard
Titres alternatifs : Unknown Island
Interprètes : Virginia Grey, Phillip Reed, Richard Denning, Barton MacLane, Dick Wessel, Dan White, Phil Nazir, Ray Corrigan

retrospective

L’île inconnue

Totalement dépaysant et offrant à ses lecteurs la possibilité d’oublier une morne réalité, le récit d’aventure sur le thème du monde perdu connu ses lettres de noblesses vers la fin du XIXe et le début du XXe, notamment sous la plume de Edgar Rice Burroughs, Arthur Conan Doyle ou encore H. G. Welles. Bien vite, l’industrie cinématographique, alors en pleine expansion et désireuse de proposer des produits toujours plus surprenants, y puise son inspiration pour la mise en chantier de films fort novateurs dont certains s’imposeront comme des monuments incontournables du Septième Art, à l’image du MONDE PERDU (Harry O. Hoyt, 1925) et KING KONG (Merian C. Cooper & Ernest B. Schoedsack, 1933).
Immuables, ces histoires relatent la découverte, souvent fortuite, par un groupe d’individus, d’une île mystérieuse qui ne figure sur aucune carte et où a survécu une civilisation ancestrale, avec ses rites et ses croyances. Parmi les explorateurs, l’on retrouve régulièrement un aventurier dont le cynisme ne cache guère longtemps un cœur d’or, des reporters avides d’un scoop ou encore des financiers cupides. Bien évidemment, il y a toujours une femme au sein du groupe, objet de toutes les convoitises et alibi parfait pour justifier les luttes intestines qui causeront bien des pertes. Face à eux, la faune et la flore sont hostiles, la nature domine les lieux, recelant son lot de plantes carnivores et de créatures légendaires tel le fameux chaînon manquant entre l’homme et le singe, ou encore des dinosaures.
Et c’est là que se trouve l’attrait pour ce genre de films, dans la présence de ces monstres légendaires qui surgissent sur l’écran pour le plus grand bonheur des spectateurs. Bien avant l’ère du tout numérique, ces créatures prennent vie grâce au génie de Willis O’Brien et de ses maquettes animées image par image. Si le travail à fournir est fastidieux, le résultat est par contre des plus sympathiques, parvenant à donner un cachet inimitable et, à l’époque, convaincant.
L’ÎLE INCONNUE est un film d’aventure tel que décrit plus haut qui, s’il se pare lui aussi de la présence de dinosaures, ne peut, de par l’étroitesse de son budget, s’offrir le luxe de payer un maître en animation comme O’Brien pour faire vivre ces monstres. Cela va bien sûr s’en ressentir à l’écran et inévitablement entraîner le métrage vers la catégorie peu enviable des navets ringards.
Ted Osborne, ancien aviateur de la Marine, a survolé durant la guerre une île cachée au large de Singapour. Il a pu, depuis son appareil, prendre une photographie qui semble révéler la présence d’une créature gigantesque. Aidé financièrement par sa fiancée, Carole, il offre une grosse d’argent au capitaine Tarnowski afin que ce dernier le conduise à bord de son bateau vers cette île mystérieuse. John Fairbanks, ancien marin devenu alcoolique après avoir échoué sur l’île et vu tous ses compagnons se faire dévorer par des monstres, se laisse convaincre par Tarnowski de rejoindre l’équipage…
Ultra codifié, le scénario n’offre aucune surprise, le casting ne comporte pas de vedettes charismatiques, la mise en scène est plus que simpliste et les créatures sont tellement ridicules qu’elles provoquent d’abord la consternation, puis l’hilarité. Les brontosaures, toujours vus de loin, sont d’une rigidité surprenante mais nettement moins risibles qu’un autre animal d’un genre indéterminé dont l’animation, à base de câbles et de roulement à billes, pouvait à la rigueur faire illusion sur des manèges enfantins de fêtes foraines. Mais le meilleur reste les deux attractions principales, les tyrannosaures et le singe géant. Anticipant sur la technique qui sera utilisée pour GODZILLA (Ishiro Honda, 1954), ces animaux agressifs seront interprétés par des figurants en costumes. Affichant une hauteur d’environ 2m50, la panoplie de tyrannosaure laisse trop clairement entrevoir les jambes des figurants au niveau des pattes arrière. Quant à la tête, elle oscille au bout d’un long cou qui menace de plier au moindre mouvement brusque. Guère mieux loti, le malheureux Ray Corrigan, abonné aux rôles simiesques, arbore une superbe toison orange d’où émerge un faciès de rat pourvu de deux canines proéminentes. Inutile de préciser que le combat qui va opposer un tyrannosaure au singe reste un grand moment de n’importe quoi.
Rajoutons à cela quelques clichés purement hollywoodiens, qui pourraient être insultants si le film n’était pas aussi absurde, à l’égard des étrangers. Ici il s’agit des membres de l’équipage, des malais qui préfèrent parler un mauvais anglais que leur langue maternelle lorsqu’ils sont entre eux, et qui se font mater par le capitaine et son second, seulement armé de gourdins alors qu’eux ont des machettes, lors d’une ridicule tentative de mutinerie afin de ne pas aller sur l’île qui terrifie leurs ancêtres.
Vous l’aurez compris, L’ÎLE INCONNUE ne se pose définitivement pas comme un classique à redécouvrir ou même comme une curiosité à tenter. Il s’adresse plutôt aux nostalgiques de récits naïfs agrémentés d’effets spéciaux très rudimentaires mais capable d’atteindre un niveau de ridicule jubilatoire.


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- Article rédigé par : Éric Peretti

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