Un texte signé André Cote

USA - 2013 - Andrés Muschietti
Interprètes : Jessica Chastain, Nicolaj Coster-Waldau, Megan Charpentier, Isabelle Nélisse, Daniel Kash...

BIFFF 2013DossierFantastic'Arts 2013review

Mama

Deux petites filles sont retrouvées dans une cabane en pleine forêt, cinq ans après un accident de voiture. Revenues à un état animal, elles sont confiées à leur oncle et à leur tante, mais sont suivies par une présence maléfique.

Non content d’être devenu un réalisateur incontournable, Guillermo del Toro se forge en parallèle une carrière de producteur tout aussi intéressante. En effet, à travers ses productions, on peut discerner une patte particulière. Si dans SPLICE, cette patte peut se confondre avec l’arrivée à maturité de son réalisateur Vincenzo Natali (déjà trois films à son actif), il en va autrement pour MAMA, car Andrés Muschietti signe là son premier long-métrage. De cette manière, si la surprise est moindre, le constat est rassurant.

Tout d’abord, il est très difficile de sortir du lot de toutes les ghost stories. Le genre est l’un des plus galvaudés dans le cinéma fantastique et, par conséquent, rempli de clichés. Le long-métrage de Muschietti ne vise pas non plus la facilité en s’attaquant à des poncifs du drame familial : un père fuit en emmenant ses filles, sans rien leur dire, et, victimes d’un accident de la route, celles-ci se retrouvent livrées à elles-mêmes. Le point de départ met à mal notre suspension de crédulité au moment où les petites filles trouvent refuge dans une cabane délabrée durant cinq ans. Le fait que si peu de personnes s’étonnent qu’elles soient parvenues à survivre n’arrange pas les choses. La suite des événements a beau se diriger vers la thématique de l’enfant sauvage (elles sont revenues à un état primitif), on peut avoir du mal à adhérer au récit.

Pourtant, ce serait bien mal avisé de rejeter le film sur la base de ce seul préambule maladroit. L’histoire se révèle touchante au fur et à mesure de son déroulement, en traitant du sujet de la maternité et de la filiation notamment puisque, pour survivre, les deux filles ont été aidées par une entité surnaturelle, un fantôme qui a été comme une mère pour elles, d’où la mama du titre. C’est cet élément qui se révèle le vrai moteur de l’intrigue : cet esprit veut continuer à assumer son rôle de mère. Les amateurs du cinéma de del Toro auront reconnu là l’ombre du cinéaste. Effectivement, dans les films qu’il réalise, comme BLADE 2, L’ÉCHINE DU DIABLE et HELLBOY, ce sont les liens entre un père et son fils qui sont au cœur des intrigues, et il en va de même pour ses productions puisque dans SPLICE, deux savants se conduisent avec une créature issue de manipulations génétiques comme des parents avec leur enfant.

Dans MAMA, cette notion prédomine encore une fois avec la lutte de la tante, jouée par Jessica Chastain. Cette dernière n’a jamais eu d’enfant et s’interroge sur sa capacité à en élever un dès qu’une tierce personne (un grand-parent ou un responsable des services sociaux) lui fait des reproches. Face à elle, le fantôme se révèle une mère possessive qui punit quiconque hausse le ton devant les fillettes. C’est même cet aspect qui permet au long-métrage de Muschietti de se hisser au-dessus du tout-venant. Il faut bien reconnaître que toutes les situations et les péripéties sentent le vu et revu, et si toute l’imagerie et la technique respirent le travail soigné, c’est avant tout le traitement des personnages qui confère à MAMA toute sa saveur, en particulier dans cette humanisation à l’extrême du fantôme. Il (ou plutôt elle, puisque l’on parle du fantôme d’une femme) est décrit comme la représentation archétypale de la mère dans tout ce qu’elle a de plus cauchemardesque. De cette manière, si sa représentation graphique souffre de quelques défauts (on est quelque fois à la limite du simple dessin animée incrusté) on ne peut nier que l’écriture scénaristique lui confère une force émotionnelle appréciable.

Dans un premier long-métrage, il paraît presque naturel de sentir l’ombre du producteur, ce qui peut expliquer la maîtrise et le soin de l’ensemble. On est d’autant plus curieux de voir Muschietti hors du giron de del Toro pour mieux apprécier l’étendue de ses talents. En l’état, MAMA est un film de fantôme plus émouvant qu’effrayant (Mama nous inspire davantage de compassion que de peur), en raison d’un scénario aux ficelles archi-convenues, mais efficace.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood


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