Un texte signé Patryck Ficini

France - 2013 - Degüellus

chroniques-infernalesFestival du film policier de Liège

Pestilence

« Au deuxième claquement, le sang avait perlé de la plaie rougie. (…) Le troisième coup de fouet décolla clairement un bout de peau qui s’enroula, laissant voir un muscle gorgé de sang qui ne demandait qu’à s’épancher. De grosses gouttes écarlates coulèrent le long du garde qui à présent pleurait. » (P. 71)

Après NECROPORNO et avant BLOODFIST, PESTILENCE est le second volume de la collection TRASH, une série de romans horrifiques extrêmes qui se veut la digne héritière de GORE/Fleuve Noir. GORE, la collection culte qui fut des plus insultées en son temps pour sa forme comme pour son contenu.
PESTILENCE se déroule au Moyen-Age, un univers sombre ravagé par la violence et la peste du titre. Un médecin enquête sur ce qui pourrait bien s’avérer n’être autre qu’un terrifant complot.
On se souvient de la série télé française, assez intéressante, INQUISITIO (outre la peste, un inquisiteur intervient ici aussi, hélas tout à la fin du roman). On pense au film PESTE NOIRE mais aussi, pour tout un chapitre où les nobles retranchés dans leur château font la fête, au MASQUE DE LA MORT ROUGE d’Edgar Allan Poe. Car PESTILENCE est autant un roman historique qu’un nouveau bouquin gore. Dédié à Jess Franco, PESTILENCE vaut bien davantage que par ses scènes violentes (les coups d’épée), sexuelles (les orgies) ou gore (les ravages de la peste). Il dresse avant tout un formidable paysage médiéval, saisissant de réalisme, avec des personnages forts et passionnants (le médecin héros du roman, le nain montreur d’ours, le noble paillard plus noble d’âme qu’on ne le croirait, le prêtre obscurantiste). Le tout servi par une écriture sans faille qui pourrait tout à fait s’adapter à tout roman purement médiéval, notamment avec ses dialogues colorés et souvent drôles (vus de notre siècle). Le gore, fût-il pornographique (une gorge profonde exécutée sur un pestiféré), n’est jamais gratuit ici ; il s’acclimate tout à fait à l’atmosphère générale de PESTILENCE. Depuis LA CHAIR ET LE SANG, difficile de représenter autrement cet « âge des ténèbres ».

« Avec un soupir, Bernard serra les liens de l’enfant et la lança au milieu du feu, comme s’il ajoutait une bûche. Un craquement de bois couvrit le bref cri et le brasier s’anima de braises qui voletaient dans l’air, comme autant de lucioles infernales.
D’abord il ne se passa rien. L’enfant semblait bercée par les flammes. Puis Bernard vit le visage de la petite s’embraser. Sa peau rougit et craquela. L’oeil gauche prit une teinte verdâtre puis coula en bouillonnant tandis que ses lèvres éclataient sous la chaleur. Mais la prunelle droite de l’enfant le fixait. » (P. 7)

PESTILENCE est parfois émouvant, comme ici, avec la mort atroce de tous ces pauvres gens. Personne n’est épargné, ni les femmes ni les enfants. PESTILENCE n’a rien d’un roman gore « pour rire », même s’il comporte de l’humour, comme la vie. On est loin d’un Eric Verteuil. Tout est à prendre au premier degré, souffrance et désespoir. L’écrivain Degüellus est très fort dans son genre.
Dire qu’il y a encore des gens qui pensent qu’un Gore est obligatoirement mal écrit !


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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