Portier de Nuit
PORTIER DE NUIT est un autre film incontournable. Les années 50 : Max, ancien officier S.S., est aujourd’hui simple portier de nuit dans un hôtel de Vienne. Travailler de nuit, c’est sa façon à lui de se cacher du monde qui réclame des comptes, mais aussi de lui-même, de sa culpabilité. Une nuit, il tombe nez à nez avec Lucia, venue passer quelques jours à Vienne avec son mari, chef d’orchestre. Ils se reconnaissent tout de suite. Lucia était en quelque sorte la “ protégée ” de Max lorsqu’il officiait dans un camp. Elle était alors à peine âgée de 14 ans, et une étrange relation de soumission à domination était installée entre eux. Ce lien va recommencer lorsque le mari de Lucia quitte Vienne. Lucia demande à rester seule à Vienne. Max est en relation avec d’anciens S.S., qui comme lui, sont en quête de rédemption. A cette fin, ils cherchent à se faire juger, mais en supprimant auparavant toutes les traces de leurs méfaits, y compris les témoins encore vivants. Max refuse de donner Lucia, se marginalise vis-à-vis d’eux et se retrouve sur leur liste noire. Pour sauver leur vie, Max et Lucia s’enferment dans leur appartement.
PORTIER DE NUIT est un essai sur les mécanismes du pouvoir et ses relations ambiguës avec l’amour, qui est forcément moins puissant. Max exerce le même pouvoir sur Lucia que Hitler sur la foule. Comme Lucia vis-à-vis de Max, la foule était fascinée et soumise à Hitler, et cette obéissance teintée d’adoration pouvait aller jusqu’à la mort.
Liliana Cavani tisse une relation sadomasochiste entre Max et Lucia. Il s’agit d’une métaphore de la guerre, qui, selon elle, mobilise tous les composants sadomasochistes qui sont en nous en montrant un dominant et un soumis. La guerre renforce ces composants en les rendant légaux. Pasolini, avec SALO OU LES 120 JOURS DE SODOME, va bien plus loin dans ce domaine.
PORTIER DE NUIT, en outre, montre que “ toutes les victimes n’ont pas été innocentes.”. On voit les autres détenus assister sans sourcilier au viol de Lucia par Max. A un moment, Max offre à Lucia la tête d’un détenu qui la tourmentait et dont elle se plaignait. Par la même occasion, il fait de Lucia une coupable, dans le sens où c’est elle qui a commandité ce crime. Le film refuse catégoriquement de proposer une reconstitution politique manichéenne.
Cette relation qui recommence quelques années plus tard est censée montrer la lutte de Max pour accepter sa responsabilité dans les crimes qu’il a commis et envers Lucia. Il cherche à se débarrasser de sa culpabilité. Mais la passion se révèle autrement plus forte que ces désirs plus terre à terre.