Un texte signé Patrick Barras

Espagne - 1973 - Eugenio Martin
Titres alternatifs : Una vela para el diablo, Der Saat Der Angst, It happened at Nightmare Inn
Interprètes : Judy Geeson, Aurora Bautista, Esperanza Roy, Victor Alcazar, Blanca Estrada

retrospective

A Candle for the Devil

Marta et Veronica, deux sœurs au demeurant vieilles filles, tiennent une auberge pension dans l’Espagne rurale des années soixante dix. Marta, outrée par les mœurs légères et libérées d’une de leur clientes Anglaise, May, provoque accidentellement sa mort. Voyant là un signe divin, elle décide d’entreprendre une croisade visant à débarrasser la société de ses brebis dévoyées, et ce malgré les quelques timides réticences de Veronica. C’est sans compter sur l’arrivée inopinée de Laura, la sœur de May, intriguée par sa disparition subite et par les explications abruptes que lui fournissent les deux soeurs…

Tourné en 1973 par un Eugenio Martin, plus réputé pour ses Westerns ou ses films d’aventure, A CANDLE FOR THE DEVIL (connu dans son pays d’origine comme UNA VELA PARA EL DIABLO) s’avère être une petite production horrifique des plus intéressantes.

En premier lieu, à deux ans de la mort de Franco, le film nous montre que malgré une apparente ouverture au tourisme et malgré un début de pénétration de moeurs et comportements issus de la fin des fameuses années soixante dans la péninsule, l’Espagne ne semble toujours pas près de sortir de l’auberge du franquisme. Le poids de près de trente cinq ans de dictature et de morale nationale-catholique rigoriste est bel et bien sensible dès le début du métrage, que ce soit au travers des propos des protagonistes ou dans leur mise et leurs agissements.

Mais le moralisme dont font montre les deux sœurs n’est cependant pas toujours exempt de failles. C’est d’abord le cas pour Veronica, prompte à chercher du réconfort (et bien plus car affinités) dans les bras de Luis, bellâtre de vingt ans son cadet qui fait office d’homme à tout faire au sein de la pension et pour qui elle tape allègrement dans la caisse de l’établissement. Ça l’est encore plus pour Marta dont la perversion et les refoulements ne tarderont pas à poindre. Notamment au travers de scènes qui mettent en lumière un certain masochisme (lors d’une étonnante scène de fuite à travers des buissons épineux qui griffent ses bras et sa généreuse poitrine à moitié dénudée) ou encore un brin d’exhibitionnisme, sans parler d’un sadisme des plus criants. Nous apprenons par ailleurs en cours de récit que l’aigreur, la haine et le mépris dont se drape Marta ne sont que le fruit de son abandon à la veille de ses noces ; son fiancé ayant décidé de jeter son dévolu sur une créature plus jeune et (affront suprême) plus « moderne ».

Pour le coup, le comportement olé-olé des jeunes touristes dites libérées (Anglo-saxonnes, Allemandes ; et il ne manque plus qu’une scandinave pour que le tableau soit complet…) qui scandalise nos deux Tartuffes en jupons passerait pour relativement anodin à nos yeux. Question de contraste. Contraste également avec la population autochtone d’un petit village cerné de montagnes (enfermement qui trouve son pendant dans la psyché de nos deux harpies) qui est illustré de manière intéressante grâce à des plans (trop rares) volés caméra à l’épaule ou au téléobjectif directement au milieu de ceux qui ne sont de toute évidence pas des acteurs ; tout au plus des figurants pour certains. Il émane de ces quelques plans une vérité documentaire qui se passe de mots.

Mais bon, entendons-nous bien ; en terme de critique des tares du franquisme nous ne sommes quand même pas chez Carlos Saura ; et c’est bel et bien un pur produit d’exploitation que nous livre ici Eugenio Martin. Le cahier des charges est respecté grâce à un savant dosage entre perversions, un soupçon de cannibalisme non consenti, meurtres sanglants aux instruments divers mais toujours tranchants (qui donnent au métrage une coloration slasher des plus agréables), incitation au voyeurisme et nudité généreusement étalée – y compris de manière anecdotique sous les yeux de Marta, partagée entre dégoût et fascination, via quelques plans furtifs sur le service trois pièces glabre d’un adolescent (plans un rien complaisants qui par ailleurs auraient du mal à passer à l’heure actuelle…). Rien ne manque et on serait tenté de dire : « aucune faute de (mauvais) goût » ; pour notre plus grand plaisir coupable.

Avec ses airs de produit Grindhouse « à l’Espagnole », A CANDLE FOR THE DEVIL a à coup sûr de quoi ravir tout bon amateur de bobines d’exploitation bien tordues qui se respecte. Allez, ¡Arriba cabrones!


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- Article rédigé par : Patrick Barras

- Ses films préférés : Il était une fois en Amérique, Apocalypse now, Affreux, sales et méchants, Suspiria, Massacre à la tronçonneuse


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