Un texte signé Tom Flener

Japon - 1995 - Hisayasu Sato
Titres alternatifs : Wife in Heat: While Husband is Away, Sukebe-Zuma : Otto no rusu ni
Interprètes : Kouichi Imaizumi, Kiyomi Ito, Kinako

retrospective

Rafureshia

Hisayasu Sato était très prolifique entre 1985 et 1996. Il a en effet tourné une cinquantaine de films pendant cette décennie. Malgré cette myriade de titres, sa réputation en Occident ne s’est basée que sur le seul et très gore SPLATTER : NAKED BLOOD (1995). Ce n’est qu’en 2005 qu’il est retourné sur scène avec un segment de RAMPO NOIR (un regard plus détaillé sur la carrière de Hisayasu Sato se retrouve dans SF34).
RAFURESHIA, tourné entre LOVE – ZERO = INFINITY (1994) (voir SF34) et SPLATTER : NAKED BLOOD, est un ovni dans la filmographie de Hisayasu Sato. Cette comédie nous présente plusieurs constellations bizarres de caractères qui se dissolvent pour se reformer dans des groupes pas moins étranges.
Alisa, jeune fille, est emprisonnée par son père sur une île, loin des influences néfastes de la civilisation. Il voue un amour plus que paternel à sa fille et lui faire l’amour sur la table à manger semble être son passe-temps favori. Néanmoins, impatiente de découvrir la grande ville, Alisa se sauve et nage vers la civilisation. Entretemps, Harumi, femme de ménage frustrée, souffre non seulement sous l’influence d’un mari insensible, mais aussi de sa belle-mère tyrannique. Cette dernière, ennuyée que sa belle-fille ne soit toujours pas enceinte, lui montre comment faire jouir son fils. Ayant enfin atteint la terre ferme, Alisa, à peine sortie de l’eau, est violée par trois clochards, avant d’être sauvée par un beauf qui s’avère être un mac au service de la belle-mère de Harumi. Ajoutez à ces bizarreries un bébé adulte, un travesti amnésique, une tronçonneuse, une mallette pleine d’argent et un combat de couteaux, et le résultat est probablement l’un des plus étranges, mais certainement aussi l’un des plus drôles, pinku eiga jamais réalisés.
D’un style plus conventionnel que les autres films de Hisayasu Sato tournés pendant la même période, RAFURESHIA met l’accent sur l’histoire et les personnages. Bien que ceux-ci ne soient jamais dotés d’une grande profondeur psychologique (la courte durée d’à peine une heure y joue sûrement un rôle), le réalisateur prend un plaisir fou à les jeter dans des situations plus incongrues les unes que les autres. Ainsi, on n’est pas surpris d’apprendre que le film est apparemment basé sur un manga.
Les acteurs arrivent, malgré tout, à conférer à leurs personnages une certaine crédibilité, et cela sans même sacrifier l’aspect délibérément caricatural de leurs rôles. Le film est axé sur les personnages féminins, et même si les hommes aident à faire avancer l’intrigue, on est poussé à sympathiser avec Alisa et Harumi.
Malgré le style moins prononcé, Hisayasu Sato arrive, comme toujours, à tirer le maximum d’un budget sûrement assez limité, et son savoir-faire est évident pendant toute la durée du métrage. Celui-ci étant un pinku eiga, les scènes de sexe sont obligatoires, mais ceux s’attendant à des scènes érotiques vont être particulièrement déçus. Malgré quelques plans très probablement hardcore (bien que l’évidence visuelle soit voilée pour des raisons de censure nippone), les scènes de sexe sont concentrées sur la première partie du film. En outre, le jeu exagéré, mais hautement amusant, des acteurs confère à ces scènes un caractère parodique et évite ainsi toute intention titillante.
Ceux qui connaissent l’œuvre de Hisayasu Sato savent que la comédie reste un genre rarement abordé dans sa filmographie. Il n’est donc aucunement surprenant de découvrir avec RAFURESHIA une comédie hors-norme, fou-furieuse, qui rappelle dans ses thèmes le cinéma anarchique de Takashi Miike. L’inceste, l’homosexualité, le travestisme, le viol, la prostitution sont des sujets tout sauf politiquement corrects, que chacun des deux a traités à un moment ou l’autre de sa carrière. Ces thèmes sont rarement présents dans les comédies occidentales. Et quand il le sont, c’est encore plus rarement qu’ils sont abordés d’une façon dénuée de reproches ou non dénigrante. En ce qui le concerne, Hisayasu Sato présente ses personnages et leurs fétiches comme tout à fait naturels. Il évite tout préjudice, et même montre de la sympathie envers leurs préférences sexuelles. Ainsi, s’ils arrivent à s’échapper de leurs situations pour le moins déconcertantes, c’est juste pour se retrouver finalement dans d’autres constellations tout aussi politiquement incorrectes. Malgré ça, ou peut-être justement à cause de ces dénouements, le message que Hisayasu Sato semble vouloir transmettre est que chacun de nous a le droit au bonheur, même s’il le trouve dans les endroits les plus invraisemblables. Et ça, c’est quand même un message à porter proche de son cœur.


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- Article rédigé par : Tom Flener

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