Un texte signé Philippe Chouvel

Italie - 1968 - Sergio Sollima
Titres alternatifs : Corri Uomo Corri, The Big Gundown 2
Interprètes : Tomas Milian, Donald O'Brien, Chelo Alonso

retrospective

Saludos Hombre

Les nouvelles aventures de Cuchillo, paysan mexicain voleur et expert en lancer de couteaux. Il se retrouve cette fois embarqué malgré lui dans une course au trésor, un magot destiné à la cause révolutionnaire, et convoité par bien des partis.
Tandis que le Mexique connaît une longue période de troubles, où la dictature militaire écrase le peuple et persécute les opposants au régime, Manuel Sanchez, surnommé Cuchillo, cherche sa voie au milieu du chaos ambiant. Esquivant de son mieux le zèle des soldats, il vit de menus larcins, connaît des amours tumultueuses avec la fougueuse Dolores, et reste un lanceur de couteaux exceptionnel. Malgré ses talents, Cuchillo échoue en prison. Dans sa cellule, il fait la connaissance de Ramirez. L’homme, d’apparence ordinaire, est en fait le personnage-clé de la cause révolutionnaire. Il est en effet le seul à connaître l’emplacement du trésor de Juarez, ex-leader des partisans, abattu par les militaires. Juarez était parvenu à réunir un butin colossal destiné au peuple : trois millions de dollars en or. Cette fortune a été dissimulée dans un endroit secret que seul Ramirez connaît désormais.
Cuchillo l’aide à s’évader, et les deux hommes se rendent dans un village. Malheureusement, une troupe de bandits menés par l’implacable Riza débarque peu après, et le desperado veut évidemment savoir où est l’or. Ramirez refuse de coopérer, et la conversation tourne à la fusillade. Ramirez est mortellement blessé en voulant protéger une femme. Avant de mourir, il confie à Cuchillo un document permettant de retrouver le trésor.
Quand on évoque le western spaghetti, le nom de Sergio Leone est prononcé en premier lieu, l’homme ayant eu le mérite de ressusciter un genre moribond. Après, on ne peut pas réduire la qualité des films dans ce domaine à son seul nom. D’autres auteurs ont contribué à donner au western spaghetti ses lettres de noblesse, parmi lesquels deux autres Sergio : Corbucci et Sollima. SALUDOS HOMBRE (auquel on préfèrera le titre original : CORRI UOMO CORRI, bien plus évocateur) est le troisième western de ce réalisateur, qui a d’abord œuvré dans le peplum, puis dans l’espionnage. Il a alors abordé le western, genre qui va lui permettre d’exprimer au mieux ses appartenances politiques, ouvertement de gauche, et de défendre certaines valeurs comme l’humanisme. Réalisé en 1968, SALUDOS HOMBRE fait donc suite au magistral LE DERNIER FACE A FACE (1967) et à COLORADO (1966), dans lequel le personnage de Cuchillo apparaît pour la première fois.
Cela dit, on ne peut pas considérer SALUDOS HOMBRE comme une véritable suite de COLORADO. Si la cadre est le même, le propos est cette fois différent, et même le personnage de Cuchillo comporte certaines modifications. Il reste cependant un voleur, et un lanceur de couteaux hors-pair, un talent dont il n’abuse pas, et qu’il exploite essentiellement à la fin du film. Avant cela, il aura été le personnage central d’une sorte de « road-movie », impliqué contre sa volonté dans une course au trésor déterminante pour l’avenir du peuple mexicain. S’il réussit dans son entreprise, Cuchillo devient le héros d’une nation, le libérateur, l’icône des Mexicains. Mais auparavant, de nombreux adversaires vont se retrouver sur sa route, tous très différents, mais poursuivant un même but : un homme en noir, tireur d’élite et ex-shérif ; un chef guérillero ; une jolie blonde membre de l’Armée du Salut et son père, qui est le maire d’une petite ville du Texas, où le magot est planqué ; et enfin deux mercenaires français à la solde du Président Diaz, le dictateur en place. Ce beau monde va se croiser tout au long du film, passer des alliances, combattre, se trahir, démontrant une absence complète de morale. Dans cette galerie de personnages, seuls deux hommes, finalement, resteront fidèles à leur ligne de conduite : Cuchillo, et l’homme en noir, Nathaniel Cassidy.
SALUDOS HOMBRE défend haut les couleurs du western « politique », peut-être la sous-classe la plus riche du western spaghetti. C’est une ode à la justice, la fraternité et la liberté. Et qui mieux que Tomas Milian pouvait incarner Cuchillo (reprenant son rôle après COLORADO). Milian, né à Cuba, a été comme Sollima ouvertement engagé politiquement, et on le retrouvera de ce fait dans la plupart des westerns estampillés « Zapatta ». Il est entouré ici d’acteurs formidables, comme Chelo Alonso, ex-gloire du peplum, et John Ireland, dans un rôle malheureusement trop court. Le rôle de Cassidy, l’homme en noir, est interprété par le sous-estimé Donald O’Brien, dont la grande carcasse et les cheveux blonds évoquent un Gordon Mitchell, autre gloire du cinéma bis. O’Brien a jalonné sa carrière de westerns majeurs, tels KEOMA, 4 DE L’APOCALYPSE ou encore MANNAJA. Il joue tout en sobriété, compensant ses talents limités par une présence formidable. Bien qu’il déclare à un moment, lorsqu’on lui demande s’il croit en la cause du peuple : « c’est aux hommes que je ne crois pas », son entente avec Cuchillo est un bel exemple d’amitié, et la marque caractéristique de Sollima l’humaniste.
SALUDOS HOMBRE est donc une belle réussite. Et même si la gravité du sujet est trop souvent oubliée au profit d’un humour un peu trop insistant, la dernière partie retrouve le ton initial pour s’achever sur un souffle épique et libertaire. De quoi redonner le moral en ces temps où l’ultra-libéralisme apporte plus d’inquiétudes que de satisfactions.


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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