Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie-France -Allemagne - 1973 - Antonio Margheriti
Titres alternatifs : La morte negli occhi del gatto, Les diablesses
Interprètes : Jane Birkin, Hiram Keller, Venantino Venantini

retrospective

Seven deaths in the cat’s eye

Antonio Margheriti (alias Anthony M. Dawson pour les intimes) fut souvent surnommé le « Roger Corman italien », à la fois pour son talent de « bricoleur » de séries B (il était un spécialiste des effets spéciaux et des maquettes) et pour son côté stakhanoviste puisqu’il compte à son actif une bonne cinquantaine de films tournés entre 1960 et 1990. Ayant travaillé dans absolument tous les genres du cinéma populaire transalpin, Antonio Margheriti aura légué aux cinéphiles une belle poignée d’œuvres incontournables, que ce soit à travers ses petits films de SF très plaisants et souvent inventifs (LA PLANETE DES HOMMES PERDUS, 1961), deux grands films fantastiques avec Barbara Steele (LA DANSE MACABRE et LA SORCIERE SANGLANTE, 1964), des westerns baroques (ET LE VENT APPORTA LA VIOLENCE, 1970) ou des péplums délirants (URSUS, LA TERREUR DES KIRGHIZ, 1964). Si, dans les années 80 le réalisateur a sombré dans la médiocrité et l’opportunisme, faute de moyens (le fauché YOR, LE CHASSEUR DU FUTUR, 1983), il est l’un des rares artisans du cinéma de genre italien à ne pas s’être reconverti dans le télévisuel à l’orée des tristes années 80. SEVEN DEATHS IN THE CAT’S EYE (« la mort dans les yeux du chat » en v.o) est une des dernières bandes intéressantes de Antonio Margheriti dont les films suivants n’auront plus qu’une valeur « alimentaire ».
Ecosse 1897. La jeune Corringa (Jane Birkin) revient vivre, après des années passées dans un couvent, dans le château familial de Dragonstone. Elle y retrouve sa mère Alicia (Dana Ghia) et sa tante Lady Mary (Françoise Christophe), la maîtresse des lieux ; elle y fait la connaissance de l’inquiétant Dr Franz (Anton Diffring), du Père Robertson et de son cousin James, un jeune homme mentalement instable. L’ambiance y est pesante entre les rumeurs de malédiction concernant la lignée Mac Grieff et les tensions familiales concernant l’héritage de Dragonstone. Une nuit, la mère de Corringa est retrouvée morte, étouffée dans son lit ; l’atmosphère du château devient alors irrespirable entre terreur et suspicion et bientôt, d’autres morts mystérieuses surviennent…

SEVEN DEATHS IN THE CAT’S EYE est officiellement le dernier représentant du courant de l’épouvante-gothique à l’italienne dont l’âge d’or se situe entre 1960 et 1966 et dont les maîtres d’œuvre se nomment Mario Bava (LE CORPS ET LE FOUET, 1963), Riccardo Freda (LE SPECTRE DU DR HICHCOCK, 1963) ou Antonio Margheriti (sa DANSE MACABRE peut rivaliser avec les plus beaux fleurons des deux réalisateurs pré-cités). Le film peut être perçu comme une tentative de « revival » d’un genre tombé totalement en désuétude après le soudain et écrasant triomphe du western dès 1965 puis enterré vivant par le succès du giallo et du polar au tout début des années 1970. Il est intéressant de noter que l’année précédant le film, Mario Bava et Riccardo Freda choisissent tous deux d’effectuer un retour au (pseudo) gothique mais sans grand éclat avec respectivement BARON BLOOD et TRAGIC CEREMONY. L’approche de Antonio Margheriti se veut à la fois plus classique (les films pré-cités des deux « maestro » se situent dans un cadre contemporain, SEVEN DEATHS IN THE CAT’S EYE à la fin du 19ème siècle) clairement structuré (par une intrigue linéaire de « thriller gothique ») en même temps qu’elle emprunte ouvertement certains codes visuels et narratifs au giallo alors en plein essor. Tous les topos de l’épouvante gothique sont convoqués dans le métrage : le château familial des Mc Grieff est une succession de couloirs mal éclairés, de pièces secrètes menant à une crypte décorée de toiles d’araignées où grouillent des rats et se décompose un cadavre ; l’innocente héroïne (interprétée par une Jane Birkin physiquement en phase avec le cadre victorien), en chemise de nuit transparente et chandelier à la main guidera le spectateur dans cette accumulation de lieux secrets dominés par d’inquiétantes lignes obliques et diagonales. Antonio Margheriti y dévoile des qualités esthétiques (jeux sur les ombres et la lumière, éclat des touches de couleurs primaires…), une remarquable gestion des espaces et un sens du macabre proche de ce qu’il avait proposé dans LA VIERGE DE NUREMBERG (1963).Les éléments fantastiques qui parsèment le film (le vampirisme, les apparitions post-mortem et prophétiques de la mère de Corringa, la présence d’un chat maléfique sur les lieux des assassinats…) y sont greffés de manière un peu décorative afin d’étoffer un simple « whodunit » proche de certains « krimis » (LE CHATEAU DES CHIENS HURLANTS de Alfred Vohrer, 1967) ou des bandes de William Castle (LA NUIT DE TOUS LES MYSTERES, 1959). L’esthétique en est cependant différente dans la mesure où Antonio Margheriti puise plutôt dans celle du giallo : meurtres en caméra subjective, gros plans sur les mains gantées de cuir du tueur, lame de rasoir scintillant dans l’obscurité et scènes érotiques totalement gratuites (quoique fort chastes et à peine teintées de saphisme). Si, au final, le film s’inscrit dans un sous genre (le « giallo-gothique ») assez rare du ciné populaire italien (LES NUITS DE L’EPOUVANTE de Elio Scardamaglia, 1966, en est certainement son plus beau modèle), il n’en est pas pour autant pleinement réussi. Outre les invraisemblances parfois criantes du scénario, SEVEN DEATHS IN THE CAT’S EYE fonde un peu trop son dispositif sur le simulacre (faux éléments surnaturels, personnages stéréotypés dont on devine aisément la vraie personnalité, mises à mort peu réalistes, révélation finale peu crédible) et n’évite pas toujours le piège du pastiche. Dans sa volonté à la fois nostalgique et commerciale de redonner vie à l’épouvante gothique des années 60, Margheriti semble avoir à moitié échoué en livrant un objet lourdement référentiel auquel manque la sincérité et l’étrangeté qui faisaient le prix et la poésie de DANSE MACABRE. Signalons pour terminer la présence inattendue de Serge Gainsbourg dans un petit rôle (pour le coup franchement parodique !) de détective fort éloigné des crapules qu’il incarna avec délectation dans une poignée de péplums italiens (HERCULE SE DECHAINE de Gianfranco Parolini, 1962).


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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