Un texte signé Patryck Ficini

- Perkins H.T.

chroniques-infernales

Spy, Kiss and Kill : Baron voit double !

On sait le succès immense de JAMES BOND dans les années 60, ainsi que l’influence qu’il exerça sur le cinéma de genre italien (DICK MALLOY 077 et bien d’autres), et même américain (MATT HELM, FLINT). A tel point que des héros bien français, précurseurs, comme COPLAN et OSS 117 furent adaptés dans le plus pur style 007 par RICCARDO FREDA ou ANDRE HUNEBELLE.
La littérature pop américaine modernisa le personnage de NICK CARTER, pour en faire « la réponse américaine à JAMES BOND », comme le disait une pub de l’époque. Pour l’anecdote, les Français en firent aussi un espion, en livre comme en film (avec EDDIE CONSTANTINE). Les AGENTS TRES SPECIAUX furent adaptés en romans avec le succès que l’on sait.
Les Anglais jouèrent la carte féminine avec la fascinante MODESTY BLAISE, sur laquelle on devrait écrire un dossier complet, qui dépassa largement l’imitation pour proposer une vision nouvelle et sacrément bien écrite.
Curieusement, en France, l’influence de IAN FLEMING (et surtout des productions BROCCOLI) fut moins palpable en littérature. Dans le roman d’espionnage français, les références restaient JEAN BRUCE, PAUL KENNY, voire ANTOINE DOMINIQUE (LE GORILLE). Il faut dire qu’on imagine peu aujoud’hui le succès fracassant et durable des best-sellers BRUCE et KENNY. De toute façon, les ¾ des séries d’espionnage avaient au moins l’exotisme et les jolies filles en commun avec BOND…
La plupart des séries du FLEUVE NOIR, sans doute le plus important fournisseur du genre (avec des tirages incroyables : on parle de 80 à 150.000 exemplaires dans LES CAHIERS POUR LA LITTERATURE POPULAIRE N°6 !), restaient donc assez sages si on les compare avec le délire ambiant des pelloches consacrées à BOND et ses clones. Pas ou peu d’aspirant maître du monde ou d’organisation secrète, pas de gadgets ou de S.F, mais la guerre froide et les hommes de l’ombre. Quelque chose d’assez sombre et réaliste, en phase avec l’actualité des sixties (ce qui fait le succès de SAS, encore aujourd’hui).
Heureusement, certains comme F.H. RIBES (alias RICHARD BESSIERE) n’hésitèrent pas à jouet la carte bondienne. Citons pour mémoire les aventures pleines d’entrain de LECOMTE qui l’opposent à une sorte de FU MANCHU. COUP DE SANG traitait à sa façon du vampirisme. METEO SUR COMMANDE avait un thème tout droit sorti des AVENGERS.
HENRI VERNES, toujours prompt à moderniser les exploits de son héros BOB MORANE, écrivit quelques bouquins pour la jeunesse dans la lignée de 007, comme l’excellent ORGANISATION SMOG, qui fait un peu penser à OPERATION TONNERRE. Après tout, MORANE avait lui aussi droit à une girl par livre. 18-19 ans, dommage qu’il n’en fît rien !
BARON, créé par H. TREMESAIGUES sous le pseudo de H.T. PERKINS (merci aux érudits du forum A PROPOS DE LITTERATURE POPULAIRE pour l’info !), fut de ceux-là à en lire cet incroyable BARON VOIT DOUBLE.
Le roman s’ouvre sur un teaser formidable, bourré d’action et digne des pré-génériques de BOND (il évoque d’ailleurs celui de BONS BAISERS DE RUSSIE). Il faut noter que les bagarres qui impliquent le karaté sont mieux troussées que la moyenne de ce qui se faisait alors (BRUCE LEE n’était pas encore passé par là). PERKINS devait connaître les arts martiaux, puisqu’il dépasse un peu la prise de judo et l’atémi qu’on mettait alors à toutes les sauces.
BARON est un héros plein d’humour, aux répliques très vives, dignes du SEAN CONNERY de la grande époque. Charmeur, il a droit à sa girl, une belle poupée qui bosse pour les services secrets chinois. Il est défini ainsi P. 74 : « 8 réactions sur 10 : celles d’un gosse : 2, d’un tueur, et 5 d’un homme très intelligent. » Ce qui fait 15 sur 10, comme le constate BARON !
Les rapports entretenus avec son patron et sa secrétaire sont savoureux et fort drôles, tout comme ceux qu’il noue avec ses adversaires. En fait, le roman tout entier respire la bonne humeur et la Dolce Vita des sixties !
L’intrigue tourne en apparence autour d’une invention révolutionnaire qui intéresse les Russes, les Français, les Ricains et les Chinois : le steack au pétrole capable de nourrir toute la planète !
Les chassés-croisés d’espions pour s’emparer d’une arme nouvelle, de plans top secret ou d’une quelconque invention sont monnaie courante dans le roman d‘espionnage populaire. Ce n’est bien sûr qu’un prétexte (un MacGuffin, aurait dit Hitchcock) pour faire s’entre-tuer tout ce petit monde.
Cette intrigue cache ici une trouvaille plus intéressante : les espions chinois veulent remplacer le N°1 des services secrets français (BARON !) par un sosie parfait. Le loup dans la bergerie.
Les histoires de sosies sont légion dans la culture populaire, comme celles de robots humains (titre d’une mission de BARON qu’on adorerait lire !).
Accusé de meurtre, le vrai BARON goûte donc, avant le héros de MIDNIGHT EXPRESS et LARGO WINCH, aux geoles d’ISTAMBUL (grosse destination des agents secrets des sixties). Il s’évade, retrouve son sosie et, à la suite d’une bagarre, parvient à faire douter ses ennemis de qui est qui ! Jusqu’à la fin, le lecteur et les méchants ont donc deux BARON pour le prix d’un, sans plus savoir à quel saint se vouer. Le baiser révélateur de la secrétaire du patron de BARON éclaircira les choses définitivement…
BARON VOIT DOUBLE est un bon et beau bouquin de gare, qui se lit en à peine plus de temps qu’il n’en faut pour visionner un petit TERENCE HATHAWAY. Le style est clair, simple, hyper efficace. C’est le genre de romans idéal pour passer un bon moment sans se prendre la tête. Un roman qu’on pourrait aussi conseiller à ceux qui n’aiment pas lire. Ce que les profs de français n’ont évidemment jamais fait, préférant que la lecture demeure une corvée ! Les bouquins pondus en une semaine et lus en 2 heures, c’est mal, chère madame !
BARON VOIT DOUBLE est bondien, oui, un peu comme les LECOMTE. Un JAMES BOND aux petits pieds, certes, tout prêt pour une adaptation bis en Italie, mais un JAMES BOND tout de même. Et frenchy, s’il-vous-plaît !
BARON, FREDERIC BARON… Vous connaissez le nom !
Note : MICHEL GERMONT signa aussi les aventures d’un PETER BARON, autre agent secret cette fois au FLEUVE NOIR.

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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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