The Bat
Tourné en 1926 aux USA, ce film muet est l’adaptation d’une pièce de théâtre à succès de Mary Robert Rinehart (1876-1957) qui fit les belles heures de Broadway. Son scénario a été coécrit par l’auteur elle-même, aidée d’Avery Hopwood. Ce long-métrage de 85 minutes a été réalisé par Roland West, américain lui aussi. Alors que l’on pensait l’oeuvre perdue à jamais, un seul exemplaire de celle-ci a finalement été retrouvé.
Considérée comme une référence du genre, elle fut l’objet de deux remakes, le premier dû au à Roland West lui-même, THE BAT WHISPERS en 1930, et THE BAT (LE MASQUE en français) de Wilbur Crane qui est sorti en 1959. Bob Kane s’en serait d’ailleurs directement inspiré lors de la création de son célèbre personnage de comic: Batman.
L’intrigue prend place, quasi en huit clos, dans une très vieille demeure d’inspiration gothique qui accumule, comme il se doit pour toute intrigue policière à énigme digne de ce nom, des trappes ainsi que des passages secrets multiples et variés. Un braqueur de banque, surnommé «La Chauve-souris» par la presse à cause de son costume étrange et sa capacité à voler, vient de tuer le président d’une banque. À la suite de ce meurtre, les protagonistes se mettront à la recherche dans la maison appartenant aux défunt d’une pièce secrète dans laquelle ils espèrent trouver un copieux magot .
Selon la légende, THE BAT a été filmé de nuit, afin d’en souligner l’atmosphère sombre. Les décors se distinguent par leur originalité, leur élaboration soigneuse, toutes deux très bien mises en valeur par les jeux de lumière et la photographie. Escaliers vertigineux, plafonds de hauteur faramineuse, visent à accentuer l’écrasement des personnages qui nous apparaissent dès lors comme des marionnettes manipulées par un mystérieux «deus ex-machina». Intégrant de nombreuses innovations et des plans très graphiques inspirés par le courant expressionniste allemand, Roland West imprime à son oeuvre une atmosphère lourde et sombre, tempérée par ailleurs d’intermèdes légers et drôles.
S’y retrouvent bien évidemment la quantité requise de fusillades, de mystérieux visiteurs aux arrières-pensées tortueuses, tout comme les personnages emblématiques de ce type de littérature et de cinéma d’époque. Les incontournables couple d’amoureux, douairière autoritaire, servante naïve et un peu gourde aux inévitables bévues, majordome énigmatique dont l’apparition vous glace le sang… ne manquent donc pas à l’appel.
A l’instar de certaines œuvres inspirées des écrits d’Agatha Christie, impératrice britannique du roman policier du style «whodunit» (qui peut être traduit littéralement par «qui l’a fait») et contemporaine de l’auteur, l’intrigue peut sembler à certains moments décousue, voire même tirée par les cheveux. Et le spectateur éprouve parfois quelques difficultés à assembler les différentes pièces du puzzle aussi nombreuses que disparates en apparence.
Lors de sa sortie, THE BAT avait été très apprécié pour ses effets spéciaux et décors élaborés, extrêmement novateurs. Sa transcription actuelle rend parfaitement l’atmosphère d’origine et les conditions de projection de l’époque du muet, griffures de pellicule comprises. L’accompagnement musical, dépouillé et répétitif, réussit néanmoins à se faire envoûtant au fil de l’intrigue. Et en fin de compte, cette oeuvre aux indéniables qualités graphiques et de mise en scène, se révèle drôle et rafraîchissante par la relative simplicité de son propos, due à la fois au décalage d’époque mais aussi à l’intention initiale du réalisateur.
