Un texte signé Sylvain Pasdeloup

Dossierretrospective

The She Beast

Au beau milieu du 18ème siècle, à Vaubrac, petite bourgade inhospitalière de Transylvanie régie par un comte du nom de Van Helsing, une sorcière, Vardella, est chassée et attrapée par les villageois en colère. Sans attendre la présence de leur maître, exorciste émérite, les hommes de Vaubrac s’empressent d’empaler la créature démoniaque et de la condamner au bûcher avant que son corps ne finisse dans un lac environnant. Vardella a cependant le temps, dans son supplice, de maudire ses tortionnaires et leur descendance.
Deux siècles après ces événements tragiques Veronica et Philip, jeune couple anglais en voyage de noce, arrivent à Vaubrac, guère devenu plus hospitalier que deux siècles auparavant, et après une panne de voiture sont obligés d’y faire une halte prolongée. Après une rencontre avec le descendant du comte Van Helsing ainsi qu’avec un aubergiste affreux, sale et méchant leur présence va réveiller Vardella. Philip, aidé par Van Helsing, va devoir se battre contre Vardella pour sauver l’âme de Veronica et pour débarrasser Vaubrac de la sorcière.
Tourné en 1966 « The She Beast » est le premier des trois films officiellement réalisés par Michael Reeves, jeune réalisateur anglais, que d’aucuns disaient surdoués, qui mourut tragiquement à 25 ans d’une overdose médicamenteuse. Contrairement aux deux films suivants de son metteur en scène, les ambitieux « The Sorcerers » et « The Witchfinder General » « The She Beast » est lui un film d’horreur à tout petit budget, 40000 dollars environs, que Michael Reeves, dans sa soif de cinéma, accepta de mettre en boîte dans le seul but de provoquer quelques frissons et des rires nourris. Ainsi, si la scène d’ouverture ressemble à s’y méprendre à celle d’au moins une douzaine d’autres films de terreur (la mise au bûcher de la sorcière) c’est bien sur le chemin de la dérision que veut ensuite nous emmener Michael Reeves. Ainsi le descendant du comte Van Helsing, dépossédé de son château par un pouvoir communiste fantoche, vit dans une caverne, un crâne humain sur sa table de chevet et ressemble plus à un professeur Tournesol sous acide qu’au personnage légendaire de Bram Stoker.
De même, tout au long de son film Michael Reeves distille moult gags visuels plutôt amusants sur l’idée que se faisait, et que se fait peut-être encore, l’occident sur les régimes communistes prédominants alors en Europe de l’Est. Au choix, les habitants de Vaubrac sont sales, idiots, obsédés sexuels et le pouvoir, représenté par des policiers incompétents, y est tourné en ridicule, notamment dans une course poursuite vraiment hilarante à laquelle prend part un curieux motard moustachu sorti de nulle part.
Pour autant Michael Reeves n’oublie pas de truffer son film de scènes violentes et même un poil gore comme ce meurtre brutal à la faucille lors duquel le sang de l’affreux aubergiste vient éclabousser le visage de la sorcière ou la scène initiale du bûcher. Le maquillage de Vardella est d’ailleurs assez spectaculaire et ce personnage hideux, véritable craignos monster, provoque au choix sourires ou effroi à chacune de ses apparitions.
Du côté de l’interprétation nous retrouvons ici le très british Ian Ogilvy dans le rôle de Philipp. Ogilvy, ami d’enfance de Michael Reeves sera également de ses films suivants, sorte de fil conducteur entre ces différents opus. Veronica est elle campée par Barbara Steele, alors déjà propulsée icône du cinéma d’horreur européen. Barbara Steele accepta pour le film un cachet de 1000 dollars pour seulement un jour de tournage…que Michael Reeves mit à profit en la faisant travailler 18 heures de suite, ce qui explique peut-être les traits parfois tirés de la star. Si ces deux personnages ne se départissent que très peu de leur sérieux les performances savoureuses de Mel Welles, grand habitué du cinéma de Roger Corman, dans le rôle de l’odieux aubergiste, et surtout de l’excellent John Karlsen dans celui d’un Van Helsing de pacotille permettent de rendre le film comestible.
Rempli d’invraisemblances scénaristiques et bien loin d’être aussi intéressant et ambitieux que les deux opus suivants de Michael Reeves « The She Beast » représente une curiosité pour tout amateur de bis qui se respecte et s’avère, grâce au second degré qui le parsème, somme toute assez agréable à suivre.


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- Article rédigé par : Sylvain Pasdeloup

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