Un texte signé Philippe Delvaux

Japon - 2017 - Kyoshi Kurosawa
Titres alternatifs : Sanpo suru shinryakusha, Before we vanish
Interprètes : Masami Nagasawa, Ryuhei Matsuda, Mahiro Takasugi, Yuri Tsunematsu

asian-scansBIFFF 2018L'Etrange Festival 2017

Avant que nous ne disparaissions

Alors que leur couple traverse une période difficile, Narumi découvre que son mari Shinji a disparu. Il réapparaît mystérieusement quelques jours après, mais il semble différent, apaisé et serein. Tout irait pour le mieux si ce n’était pas le début de crimes violents dans la région…
Kurosawa a été découvert par le public occidental à la fin des années ’90, par le biais de ces films d’horreur froids et posés (KAÏRO, CURE, CHARISMA, ….). Par la suite, le réalisateur a élargi son registre et a vogué vers un cinéma d’auteur plus classique, qui a d’ailleurs parfois trouvé le chemin de nos salles. Mais le voilà revenir vers le cinéma de genre depuis une série télé (SHOKUZAI, diffusé chez nous en salle) et trois films déjà, tournés en trois ans seulement : LE SECRET DE LA CHAMBRE NOIRE, CREEPY et AVANT QUE NOUS NE DISPARAISSIONS.

AVANT QUE NOUS NE DISPARAISSIONS s’inscrit pleinement dans ce retour et forme un sorte de diptyque avec CREEPY. Rappelons que ce dernier voyait un gourou d’apparence tout ce qu’il y a de plus banal prendre l’ascendant sur des familles et s’installer chez eux (un dispositif qu’on a trouvé aussi dans le BORGMAN d’Alex Van Warmerdam, ou qu’on peut retrouver chez Sono Sion ou dans un autre japonais récent, HARMONIUM, mais qui est en tous cas radicalement distinct du THEOREME de Pasolini). Un homme enquête dès lors pour démasquer l’usurpateur.

AVANT QUE NOUS NE DISPARAISSIONS apparait comme une version expanded de CREEPY : cette fois, ce sont des extra-terrestres qui prennent la place d’êtres humains, préparant l’invasion de la terre et l’éradication de l’humanité. Une femme et un journaliste, chacun de leur côté, tenteront d’y voir clair. Mais pourront-ils – et voudront-ils – sauver l’humanité ?

L’extra-terrestre de Kurosawa ressemble à ses fantômes, c’est-à-dire au commun des mortels. A part l’étrangeté de leurs actions, rien ne les distingue de la masse. C’est plus facile en termes de couts de production, mais ça renvoie surtout à l’aliénation (alien-nation ?) de l’humanité. Car prendre une menace externe (l’invasion extra-terrestre ici, les fantômes autrefois) n’est qu’un prétexte pour parler de la condition humaine. C’est d’ailleurs toujours le cas dans la bonne science-fiction.

Ici, c’est l’aliénation de la femme par son travail, par son couple en déréliction. C’est l’aliénation du métier de journaliste, qui pour préparer son scoop se fait complice (tout le thème de C’EST ARRIVE PRES DE CHEZ VOUS) et bascule du côté de l’envahisseur, c’est l’aliénation d’une nation qui échoue à voir la menace (qui pourrait prendre au sérieux un prophète nous annonçant une telle invasion ?).

L’invasion extra-terreste préparée par une avant-garde prenant possession des corps, voilà un thème traité à de multiples reprises par la SF.

Ici, on se contentera de pointer que l’Etrange festival programmait, comme en écho, un autre film japonais, à l’ambiance et au traitement radicalement opposé : KODOKU : MEATBALL MACHINE.

Là, l’outrance gore règne. Le corps est dépossédé. L’alien se montre à voir. Son invasion est immédiatement brutale. Et pourtant, le métrage est précédé d’une assez longue introduction à ses personnages. Pour les incarner un tant soit peu avant de les désincarner, au sens propre, et en torturer les chairs.

MEATBALL MACHINE souffre d’un défaut de rythme, à savoir qu’une fois l’invasion commencée, le réalisateur semble ne plus accorder d’importance qu’à ses combats, mais oublie d’en grader la progression. Certes les monstres diffèrent un peu, mais le tout reste très répétitif.

Mais ce qui rapproche les deux films… c’est leur défaut commun : leur final reste assez convenu, très rapide et un peu forcé : l’amour sauvera l’Homme.

Pour le Kurosawa, cet épilogue déforce selon nous le film : trop vite expédié, reposant sur un deus ex machina, une pirouette. C’est un regret et qui empêche AVANT QUE NOUS NE DISPARAISSIONS de rejoindre le niveau de CREEPY.

Bref, un demi regret pour un cinéaste qu’on retrouvait, du moins dans le genre qui nous occupe en ces pages, dans une phase ascendante depuis quelques années.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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