Un texte signé Philippe Delvaux

USA - 2011 - Marcus Nispel
Titres alternatifs : Conan 3D, Conan the barbarian
Interprètes : Jason Momoa, Stephen Lang, Rachel Nichols, Ron Perlman, Rose Mc Gowan

review

Conan

Marcus Nispel fait partie, à l’instar d’un Alexandre Aja, de cette génération de réalisateurs hollywoodiens tristement englués dans les remakes : MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE, VENDREDI 13 et CONAN (contrairement à l’américain, le titre français du reboot a laissé tombé « le barbare »). Son seul scénario original a accouché d’un film non sans intérêt mais néanmoins bancal. C’est cependant dans ce PATHFINDER qu’on peut trouver les prémisses du CONAN qui nous occupe présentement. Le héros de Robert Howard trouvant son origine dans les archétypes mythologiques nordiques.

Si l’ancien vidéaste de MTV a fait illusion le temps de son premier film, la relecture parfaitement réussie, quoique non nécessaire, de MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE, la suite de sa carrière, bien que jalonnée de blockbusters, s’avère moins glorieuse. PATHFINDER, on l’a dit, n’a pas réussi à trouver ni le ton juste … ni son chemin vers les écrans de cinéma de nombre de pays. VENDREDI 13 n’aura guère eu de mal à faire mieux qu’un original qui, s’il fonde le succès commercial du slasher, n’en reste pas moins un travail bâclé et sans âme. Mais la version de Nispel, si elle relève le niveau, ne transcende cependant guère un matériau de base standardisé.

Et nous arrivons avec CONAN [LE BARBARE] à la relecture d’un chef d’œuvre absolu de l’heroïc fantasy des ’80.

Le film de John Milius (1982), fusionnant le péplum, alors mort depuis 15 ans, au fantastique, explose le box office, s’inscrit au panthéon du cinéma de genre et relance une vaguelette d’heroïc fantasy qui sombrera hélas presque immédiatement dans le Z nanardeux (KALIDOR/RED SONJA, LES BARBARIANS…). Début des années ’90, l’heroïc fantasy disparait en grande partie des cinémas mais la donne change du tout au tout une décennie plus tard quand Peter Jackson convainc New Lines d’investir dans sa fresque du SEIGNEUR DES ANNEAUX. Non seulement l’heroïc fantasy revient pour une nouvelle vague qui engendre d’autre sagas (au hasard : NARNIA) mais encore le fait elle désormais au format des blockbusters.

Ce contexte n’est pas neutre, en ce qu’il va redéfinir un CONAN de 2011 sous évidente influence du chef d’œuvre de Peter Jackson. Et parler d’influence relève presque de l’euphémisme. Très gênante, la scène d’ouverture de CONAN pompe en effet sans vergogne LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, avec son histoire de masque permettant de contrôler le monde, sculpté dans un lointain passé, obligeant les peuplades d’alors à livrer d’intenses combats au sorcier maléfique heureusement défait. Le masque est brisé en neuf morceaux partagés entre les vainqueurs et tombe dans l’oubli, jusqu’à ce qu’un ambitieux mage aux noirs desseins tente de le reconstituer. Remplacez « masque » par « anneaux » et vous vous exposeriez à un procès en plagiat !

Et pour enfoncer le clou, la direction artistique recycle des pans entiers de décors de la trilogie Jacksonienne. Regardez bien, vous discernerez sans peine Minas Tirith. Pour un peu, on s’attend à voir surgir Legolas au détour d’une forêt !

Mais que le CONAN de Millius soit un chef d’œuvre ne devrait pas nous faire d’office jeter à la poubelle toute tentative de relecture, même si celle-ci se voit plombée par l’ombre pesante de Jackson. Autrement dit, hormis ce vilain démarrage, le reste du spectacle vaut-il le déplacement ?

Hélas non. Le CONAN de Nispel est un gros nanar assumé et relève plus de CONAN LE DESTRUCTEUR à la sauce Richard Fleisher que de CONAN LE BARBARE version John Millius. Avec Nu Image aux commandes, pouvait-on d’ailleurs vraiment espérer autre chose ?

Le scénario échoue à imbriquer harmonieusement ses deux pauvres arcs narratifs : la quête du méchant voulant reconstruire le masque et celle de Conan cherchant à venger le meurtre de son clan et de son père. On a l’impression que seuls les décors importent et servent in fine de narration. Conan passe de la ville au temple puis à la grotte puis sur mer juste pour nous montrer le talent des décorateurs. Mouais. Si au moins ces décors étaient convenablement exploités. Mais non, ce ne sont que palettes numériques ou poudre aux yeux (le bateau porté par des éléphants et qui n’est jamais vraiment utilisé).

Moins qu’au déroulé d’un scénario, on assiste donc à une succession de saynètes dont on pourrait facilement inverser l’ordre sans chambouler la compréhension de l’ensemble. Ainsi de l’attaque du bateau, sans guère d’intérêt narratif ni d’ailleurs d’enjeu dramatique (les assaillants sont massacrés en deux coups de cuillère à pot) et qui ne doit sa place dans le film que pour l’inscrire dans le sillage tracé par le succès de la saga PIRATES DES CARAÏBES. Plus tard, un Conan touché d’une dague empoisonnée et qui semble ne rien ressentir à aucun moment du film témoigne sans doute de scories de réécritures qui ont subsisté par défaut d’attention. D’autres séquences sont parfaitement ineptes. Ainsi, et sans trop en révéler, le climax de la grotte n’est jamais justifié par le scénario et, à un peu y réfléchir, est complètement stupide. Quant à l’artefact permettant de conquérir le monde, à part faire saillir quelques veines sur le visage d’une possédée, il ne semblera guère effrayant. A tout instant, le soufflé retombe donc.

Mais tout ça ne serait peut-être qu’un moindre mal si la mise en scène transcendait cette base guère engageante. Avec MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE, Marcus Nispel avait prouvé qu’il pouvait créer une mise en scène parfaitement raccord avec son sujet. Ce n’est pas le cas ici où tout avance plan-plan, de l’ouverture et l’exposition du jeune Conan (à des années-lumière de la leçon de cinéma que constituent les 20 premières minutes de la version de Milius) aux dernières séquences (Conan dépose la princesse sur l’air de « j’te file un lift vite fait et j’me casse ») absolument dénuées de dramaturgie. Et entre les deux, on suit les péripéties sans déplaisir, mais sans non plus noter de génie particulier. En outre, les adversaires de notre cimérien sont loin de se hisser à sa hauteur, ce qui est pour le moins problématique dans un film de baston.

Enfin, cherchons quand même les bons points… euh, ben, y’a des jolies filles aux seins nus et c’est à peu près tout !

Bref, à l’instar de l’autre remake foiré cette année d’une œuvre culte du début des années ’80, TRON LEGACY, CONAN (2011) se regardera comme un spectacle lambda, vaguement distrayant mais dont les coutures craquent de partout, et qu’on oubliera dès l’entame du générique de fin. John Milius peut dormir tranquille, ses lauriers ne sont pas prêt de se faner à l’ombre du rameau rachitique de Nispel.

CONAN est exploité sur certains écrans en 3D. Nous avons, pour cette critique, vu la version 2D sans remarquer un travail spécifique de profondeur de champs. Celle-ci semble une fois de plus un simple outil marketing, ou un positionnement nécessaire pour remplir un parc de salles désormais dual et en demande de produits 3D.

CONAN est sorti en salle le 17 août 2011.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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