Un texte signé Alexandre Thevenot

Russie - 2007 - Oleg Ryaskov
Titres alternatifs : Sluga Gosudarev
Interprètes : Dmitriy Miller, Valeriy Malikov, Aleksandr Bukharov...

review

Fantassins

En 1709, les forces armées suédoises dirigées par le roi Charles XII, après avoir démantelé la Pologne, marchent sur les terres russes. Le Tsar Pierre 1er organise sa défense et détruit l’essentiel des ravitaillements que les suédois pourraient utiliser. C’est dans ce contexte terrible et complètement hostile que deux nobles ennemis jurés, adeptes du duel, sont envoyés sur ordre du roi Louis XIV en Europe du Nord. L’un rejoint la cour de Suède, l’autre celle du Tsar, sans savoir que le destin de l’Histoire les fera de nouveau se rencontrer au cours de la bataille de Poltava.

Oleg Ryaskov est un producteur, scénariste et réalisateur russe qui a beaucoup œuvré pour la télévision ou le théâtre que ce soit en tournant des documentaires et des séries ou en filmant des pièces. FANTASSINS, réalisé en 2007, semble être son deuxième long métrage pour le cinéma.

D’emblée, le film se démarque par la qualité de sa photographie et par son ambition : épouser la petite et la grande histoire. La reconstitution historique, si l’on en juge par l’abondance des couleurs, le foisonnement des costumes et l’exactitude des reproductions, donne le tournis. On est très bien installé dans ce début de XVIIème où les aspects sauvages et rustiques des contrées lointaines côtoient le faste de la cour du Roi Soleil à Versailles. Si l’histoire met un peu de temps à débuter, prenant le rythme de la fresque, c’est pour mieux nous emporter dans un récit aux multiples péripéties. L’ambiance construite, les trames se développent plus ou moins en parallèle. On assiste à des scènes tantôt du côté russe, tantôt du côté suédois, qui permettent de comprendre le cheminement des deux personnages principaux. Des retours à Versailles s’ajoutent à la fois pour montrer l’écart entre la vie de la cour et celle de l’armée en marche, et pour servir une histoire amoureuse quelque peu artificielle.

Mais si ces qualités esthétiques laissent augurer le meilleur, FANTASSINS reste un film confus. L’histoire multiplie les trames, met en jeu une multitude de personnages secondaires ce qui fait qu’on se sent très vite perdu. Il n’est pas toujours aisé de suivre le déroulement des actions ; et cela d’autant plus que la narration hésite entre la grande histoire, la bataille entre deux nations, et la petite histoire qui est la rivalité entre deux hommes. C’est là, la grande faiblesse du film.

L’œuvre, un moment fascinante se perd complètement dans cet entre-deux et ne parvient pas à s’équilibrer, ni à clarifier toutes les manœuvres individuelles et politiques qu’elle choisit de nous montrer.

De la même façon, le film tombe dans des travers du cinéma historique contemporain hollywoodien qui ne sont pas toujours très pertinents. L’utilisation du scope est optimale pour donner ce ton monumental, celle des ralentis l’est beaucoup moins. Ces ralentis soulignent de manière presque grotesque des moments forts et bien évidemment affaiblissent leur dimension dramatique. A tout instant, le film verse naïvement dans le pathos et les larmes. On pourra bien entendu trouver dans ces effets une sorte de sincérité romanesque qui cadre finalement bien avec l’histoire, et aussi une construction visant à contraster avec des séquences plus violentes. Les affrontements sont à ce titre assez sanglants et les affres de la guerre décrits avec une certaine dureté.

Il y a peu de nuances, et cela est vrai aussi dans la querelle qui sépare les deux personnages principaux. Dans LES DUELLISTES, Ridley Scott parvenait à éviter cela en mettant les deux hommes dans la même armée. D’une même façon, il pariait sur la force de son histoire et utilisait le contexte historique dans le seul but de mieux la cadrer.

Il est utile de noter que le film ne tombe pas dans un patriotisme exacerbé. Si les russes dans l’action font preuve de ténacité, leur politique et les jeux d’espionnage qui s’organisent entre les camps opposés annulent un éventuel parti pris. FANTASSINS est décidément une œuvre neutre, un peu trop conventionnelle. Cette petite production qui a tout d’une grande possède néanmoins un certain charme… à l’ombre bien sûr, de BARRY LYNDON et des DUELLISTES.


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- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

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