Un texte signé Rodolphe Dumas

USA - 2008 - George Bessudo
Interprètes : Jamie Anne Allman, William Lee Scott, Kelly Hu, Steven Weber, Nick Heyman

review

Farmhouse

Un an après LAKE DEAD sorti en 2007, George Bessudo réalise son deuxième long métrage, FARMHOUSE. Si de l’un à l’autre, il a gardé sensiblement les mêmes ingrédients (un peu de psycho thriller, une lichette de survival et un brin de torture), il a ajouté au petit dernier une dose d’ésotérisme et de symbolisme religieux afin d’amener un twist final qu’il souhaiterait inattendu…

Scarlet (Jamie Anne Allman) et Chad (William Lee Scott), couple brisé par la perte de leur enfant, souhaitent faire table rase du passé. Ils prennent donc la route en abandonnant leur ancienne vie mais, suite à un accident de voiture, se retrouvent bloqués au milieu de nulle part. La providence prendra la forme de Lilith (Kelly Hu) et Samael (Steven Weber), un couple de sympathiques viticulteurs qui proposent de les héberger pour la nuit… On s’en doute, cette nuit sera des plus mouvementées pour Scarlet et Chad.

Et c’est bien là le gros défaut du métrage : son écrasante prévisibilité. Loin d’avoir réalisé un mauvais film avec FARMHOUSE, George Bessudo ne semble cependant pas pouvoir s’empêcher de donner au spectateur des informations trop évidentes, comme pour lui dire : « attends, bouge pas, tu vas voir, j’te prépare un truc !!». Ainsi les divers rebondissements, quand ils surviennent, ne fonctionnent pas car ils ont préalablement été désamorcés.

D’emblée, on ne peut qu’être frappé par les noms des deux viticulteurs : Samael et Lilith. Quiconque a ne serait-ce que d’infimes notions en ésotérisme a déjà entendu ses deux noms, Samael étant l’Ange de la mort et Lilith, un démon de la nuit. Les indices sont déjà assez flagrants mais, comme si cela ne suffisait pas, Samael insiste bien sur son nom lors des présentations (« mon nom n’est pas Samuel, mais Samael »). Dans le livre AUX PORTES DE L’ENFER de William Hjortsberg (ANGEL HEART de son titre original ainsi qu’au cinéma sous la direction d’Alan Parker), l’identité véritable de Louis Cyphre restait dissimulée derrière un jeu de mot, certes assez simple, mais bien senti. Donc même en cas de gros manque d’inspiration, on se dit que Bessudo aurait au moins pu tenter un coup similaire afin de ménager un peu son effet (monsieur et madame Ahel ont un fils ? Sam, évidemment !!! voilà, ça marche !). A un autre niveau, le phénomène se renouvelle avec le cas de leur employé, Alal. Ce dernier nom s’avère peut être moins connu mais une scène où on le voit offrir une pomme à Scarlet (qui l’accepte et mord à belles dents dedans) vient nous éclairer un peu plus sur son personnage (chez les Sumériens, Alal était un démon tentateur). Rien qu’avec ces quelques éléments, les identités et les motivations des trois habitants de la ferme se retrouvent divulguées et il en va de même pour les enjeux concernant Scarlet et Chad.

Sans avoir à pousser trop loin les interprétations religieuses, on arrive à lire très (trop) clairement dans le jeu de Bessudo. En effet, si on voit Scarlet cèder à la tentation en croquant dans le fruit défendu qu’est la pomme, Chad fait quant à lui largement honneur à la production de Samael. Le vin est, comme chacun sait, une boisson hautement liée à la religion et si sa consommation modérée sert à une certaine prise de conscience, l’ivresse, elle, est synonyme de désinhibition et de péché. Dés lors, il devient évident que nos deux « malheureux » sont en plein purgatoire et que leur passé qu’on sait douloureux est aussi bien trouble. Le fond du film s’effondre donc complètement.

De plus, là où des films comme LE SIXIEME SENS ou LES AUTRES supportent d’être regardés à plusieurs reprises (à la recherche d’éléments supplémentaires ratés la fois précédente par exemple) par leur intelligence, FARMHOUSE ne nécessite pas réellement de second visionnage tant les indices sautent aux yeux et les ficelles sont grosses (certes Bessudo n’est ni Shyamalan ni Amenabar et le comparer à eux peut paraître éxagéré mais Dave Payne, par exemple, avait su offrir avec son REEKER un film à la fois gore, fun et bien pensé). Le seul intérêt qui puisse à la limite subsister pour les plus curieux, c’est une recherche un peu plus approfondie sur les références accumulées dans le film puisque beaucoup de scènes peuvent être rapprochées de légendes judéo-chrétiennes. Quoiqu’il en soit, tout cela reste assez frustrant.

D’autant que d’une manière générale, Bessudo a su donner une ambiance et une atmosphère intéressantes à l’ensemble en alternant moments de pression (la détresse de Chad qui tente de sauver Scarlet de la noyade), humour sadique (la pointe dans l’œil, Samael qui se moque de Alal, la râpe à fromage sur la rotule…) et tristesse (tous les flash-backs, très bien découpés et agencés dans le film, qui nous dévoilent le passé de Scarlet et Chad) !! Il est donc vraiment dommage qu’il ait lui-même saboté le cœur même de son film en en livrant toutes les clés trop facilement.


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- Article rédigé par : Rodolphe Dumas

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