Un texte signé Alexandre Thevenot

5ème Festival des Maudits Films

Festival des Maudits Films 2013

La cinquième édition du Festival des Maudits Films s’est déroulée du mardi 22 au samedi 26 janvier 2013. Elle était constituée de deux parties distinctes : la section Rétrospective avec la projection de films « maudits » d’hier et d’avant-hier (comprenez de 2007 à 1916) et la section Compétition avec les projections de cinq longs métrages à l’issue desquelles le film ALYCE de Jay Lee fut primé par le jury. Le public, lui, a élu le film de Cyril Tuschi : KHODORKOVSKY.

Mardi 22 janvier

Votre cher rédacteur a mal commencé son festival puisqu’il est tombé malade et a, de ce fait, raté la soirée d’ouverture. Non sans regrets, dirons-nous, parce qu’on gage que la soirée Snake Plissken fut à la hauteur des attentes après l’introduction de Benjamin Cocquenet. Rappelons aussi que tous les longs métrages de la rétrospective furent projetés (à l’exception de SUKIYAKI WESTERN DJANGO) en pellicule 35 mm, choix délibéré du festival de présenter les films, tournés à la pellicule, dans les meilleurs conditions possibles. Pour NEW YORK 1997, l’intérêt était redoublé dans la mesure où le DVD n’avait pu rendre les tons sombres du film, et pour compenser, l’image avait été éclaircie dans son ensemble. Du coup, l’importance du visionnage de la copie pellicule se justifiait amplement pour enfin découvrir le film tel qu’il est vraiment.

Mercredi 23 janvier

Votre cher rédacteur a décidé de braver les éléments extérieurs pour ne désormais rien manquer du festival. Ce soir, c’est Tod Browning qui est à l’honneur. Après une courte présentation des films par un membre du Ciné-Club de Grenoble, le public eut droit à une excellente mise en bouche très applaudie avec LE MYSTERE DES POISSONS VOLANTS (THE MYSTERY OF LEAPING FISH) de John Emerson sur un scénario de Browning. Le film a été réalisé en 1916 et est un festival d’irrévérence, une parodie du genre policier. Le personnage principal ressemble à Sherlock Holmes, mais en beaucoup moins sérieux, il peut changer son apparence en un rien de temps. Il soupçonne des gens de se livrer à un trafic de drogue et de la faire passer par l’intermédiaire des objets de plage que sont les poissons volants. Quand il découvre le pavot et la cocaïne, il n’hésite pas à en prendre, de même tous les rebondissements assez frénétiques mènent vers une fin où règne en maître la poudre blanche, qui donne de la force et de la joie à tous les protagonistes, et qui aide l’inspecteur à mener à bien son enquête. A voir, donc, pour se rendre compte qu’il y a un siècle, la liberté était presque totale !

LES POUPEES DU DIABLE changeait radicalement de ton. Réalisé en 1936, donc en plein code Hayes, le film est beaucoup plus sage, laissant place à une ambiance pulp des plus marquées et pleine de charme. Cette adaptation de Abraham Merrit valait le détour pour les séquences fantastiques dans lesquelles les hommes sont miniaturisés et se retrouvent dans un univers qui n’est plus à leur taille. Elles dégagent une poésie sans trop d’équivalent et qui sied bien aux univers de Browning déjà développés dans FREAKS et DRACULA.

Jeudi 24 janvier

« Une soirée cottafavienne » disait le directeur de la Cinémathèque de Grenoble en guise d’introduction à cette soirée partenariat, qui a permis de sortir des fonds de la Cinémathèque deux péplums italiens qui respiraient bons les muscles, le glaive et les sandales. HERCULE A LA CONQUÊTE DE L’ATLANTIDE fait partie des classiques du genre avec une histoire sans temps morts où le culturiste Reg Park campe un Hercule peu expressif mais proprement musculeux ! Là encore, on ne dira jamais assez combien le film gagne en qualité lorsqu’on le voit en pellicule, et ce, plus encore, quand elle est de bonne facture. Le Technicolor et le scope donnent vraiment l’impression d’assister à une fresque historique, si ce n’est la présence de scènes complètement kitchs. A ce titre, le célèbre affrontement de Protée reste dans les mémoires tout en participant activement au charme désuet de l’œuvre.

Très différent du précédent, LES LEGIONS DE CLEOPÂTRE avait pour originalité de se dérouler en Egypte. Réalisé en 1959, donc deux avant l’autre, il est drôle de voir que le film a beaucoup mieux vieilli. Les costumes et les coiffures semblent tout droit sorties des peintures et des représentations de l’époque, les acteurs tiennent la pose et les décors grandioses font l’attrait d’un film dont l’histoire reste un peu plate, sans vraiment de relief. Mais peut-être souffrait-il de la comparaison avec le film précédent, beaucoup plus effréné, qui aurait peut-être mieux fini la soirée.

Vendredi 25

« Le Bis de B à Z ». C’était la traditionnelle soirée éclectique du festival. L’occasion de voir trois films se succéder qui n’ont rien à voir les uns avec les autres : ELLE S’APPELAIT SCORPION, assez célèbre film japonais de femmes en prison, ELECTRO GLIDE IN BLUE, un anti-EASY RIDER et ELMER, LE REMUE MENINGE, comédie horrifique particulièrement jouissive de Frank Henenlotter. Quoi que l’on puisse penser de ELLE S’APPELAIT SCORPION, œuvre que votre rédacteur n’aime pas trop, la revoir sur pellicule avait son intérêt et permettait de mesurer la teneur de ce film dans lequel le réalisateur multiplie les expérimentations cinématographiques tout en livrant un propos féministe des plus engagés.

Ne disons rien de ELECTRO GLIDE IN BLUE puisque le rédacteur a préféré s’éclipser de la salle Juliet Berto pour se rendre au cinéma le Club et voir un film de la Compétition : THANATOMORPHOSE, le premier long métrage de Eric Falardeau dont quelques courts métrages avaient déjà été chroniqués sur le site auparavant. La moindre des choses que l’on puisse dire, c’est que ce film ne respire pas la gaieté en contant l’histoire d’une femme témoin de la décomposition de son propre corps. Peut-être que cette difficulté d’accès expliquait le fait qu’il y avait peu de monde à cette séance. Pourtant, amateurs de rareté trash, à mi-chemin entre Brachkage, Buttgereit et Cronenberg, ce film devrait vous plaire. Une critique plus développée sera publiée prochainement sur le site.

Enfin, fut venu le temps de la séance de minuit avec ELMER. Les programmateurs ne se sont pas trompés car les rires et les applaudissements ont fusé tout au long du film. L’organisme bleu qui drogue son ami, lui parle et se repaît du cerveau de ses victimes y était certainement pour quelque chose dans ces réactions ; puisque certaines scènes, en même temps que très bien faites techniquement, sont tout simplement gores et hilarantes à la fois. Ajoutons à cela une VF qui accentue le côté comédie du film et c’était une excellente séance de minuit. Mais en sortant, c’était déjà samedi, et l’on était déjà ému à la pensée qu’il ne restait qu’une soirée et qu’il faudrait ensuite attendre une année entière avant de revoir de bons films maudits dans une ambiance conviviale sur les écrans grenoblois.

Samedi 26 janvier

15 heure, librairie Decitre. Laurent Fourcart discute avec Benjamin Cocquenet et Guillaume Pic au sujet de son dernier livre sur la grandeur et la décadence du péplum italien. L’occasion de faire écho aux films de la soirée Cottafavi et de parler du genre plus généralement : ce qui fait son intérêt, la place qu’il a au sein du cinéma de genre et au sein du cinéma tout court. La discussion n’a pas attiré beaucoup de monde, preuve peut-être que le péplum n’attire pas les foules, mais cela a permis de resserrer le groupe et de rendre le moment plus convivial avec pauses et moments de franches rigolades.

La soirée de clôture, comme toujours, certifiée « grindhouse », faisait écho au nouveau film de Tarantino DJANGO UNCHAINED en présentant deux films qui exploitent, à leur manière, la figure de DJANGO. Si l’on peut regretter l’absence du célèbre film de Corbucci, DJANGO LE PROSCRIT, western espagnol de 1964, montrait qu’il est naturel de renommer les films tournés avant le premier DJANGO en réutilisant le célèbre nom du héros, et ce, même s’il n’a rien à voir avec l’histoire racontée. Au-delà de ça, le film est véritablement anecdotique et reprend sans savoir-faire les codes du western américain. Le surjeu des acteurs et la VF hilarante faisait passer le film pour une sorte de nanar. D’ailleurs, la salle a pas mal ri devant certaines scènes assez absurdes.

On n’a pas jugé bon de voir SUKIYAKI WESTERN DJANGO, film assez médiocre de Takashi Miike et qui ne rentre peut-être pas vraiment dans la catégorie de « film maudit ». Tarantino joue dedans et il s’agit d’un film hommage au western italien qui tente grossièrement de rappeler que, si le western spaghetti existe, c’est bien parce qu’il a repiqué des éléments aux films de sabre japonais. Si vous voulez en savoir plus, le film est chroniqué sur le site.

La deuxième partie de soirée fut de nouveau consacrée au visionnage d’un film de la section Compétition (nous en aurons vu 2 sur 5), l’attendu ANTIVIRAL de Cronenberg Jr. Le fils s’en tire plutôt bien pour un premier film. Il marche nécessairement sur les pas de David mais parvient à s’en départir pour livrer un thème que n’avait jamais exploité le père : le milieu de la célébrité et les conséquences de la fan attitude. L’atmosphère est froide, quasi-clinique, et si de nombreux défauts se font sentir, il faut avouer que Brandon a un certain talent et l’on espère à l’avenir qu’il puisse faire face à ces faiblesses de nouveau venu pour livrer un film autrement plus construit. Pour en savoir plus, la chronique du film est disponible ici.

Conclusion

Le festival ainsi achevé, on est forcé de se rendre compte qu’il a moins attiré de monde que les années précédentes. Cependant, la soirée Snake Plissken a permis de faire salle comble, preuve que les gens sont intéressés par ce pan du cinéma peu mis en avant en général. Dans tous les cas, cette cinquième année pour les Maudits Films a été de nouveau alléchante et nous comptons désormais les jours jusqu’en janvier 2014 (pour ce prochain festival, pourraient être diffusés des films de genre qui se passent pendant la première guerre mondiale, avis aux programmateurs !!!).


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- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

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