Un texte signé Rodolphe Dumas

USA - 2004 - David & Scott Hillenbrand
Interprètes : Nate Richert, Patrick Cavanaugh, Danielle Fishel, Patrick Kilpatrick

review

Gamebox 1.0

Les films traîtant du thème des jeux vidéos peuvent globablement se partager en 2 catégories : d’un côté, les adaptations plus ou moins fidèles telles les RESIDENT EVIL, SILENT HILL, HITMAN ou autres DOOM qui, dans la grande majorité, n’ont pour principal but que d’utiliser les titres de franchises connues pour en tirer de nouveaux profits. De l’autre côté, on peut trouver des films qui utilisent la thématique des jeux vidéos pour offrir une réflexion « plus profonde » sur le domaine, créer un univers, confronter la réalité et la virtualité… On pourra inclure dans cette catégorie forcément plus ouverte des œuvres telles que AVALON de Mamoru Oshi, EXISTENZ de Cronenberg, TRON de Steven M. Lisberger ou encore LE COBAYE de Brett Leonard ainsi que le film qui nous intéresse aujourd’hui : GAMEBOX 1.0.

Charlie (Nate Richert), totalement déprimé suite à l’assassinat de sa copine Kate (Danielle Fishel) par un flic véreux, vit complètement replié sur lui-même, son monde se résumant à celui des jeux vidéos qu’il teste et aux souvenirs douloureux de sa vie avec Kate. Les seuls êtres vivants qu’il croise sont ses collègues de travail mais il a cessé d’entretenir des relations autres que professionnelles avec eux, préférant se réfugier dans d’autres réalités. Il reçoit un jour un mystéreux colis contenant un étrange casque et un courrier lui annonçant qu’il est un des béta testeurs sélectionnés pour essayer un jeu vidéo révolutionnaire qui permet d’utiliser ses propres souvenirs et de faire intervenir ses propres connaissances dans l’action. Malgré ses réticences, la curiosité l’emporte et Charlie se lance dans l’essai de « Gambox 1.0 ». Le premier contact est troublant et impressionnant mais bientôt l’expérience l’effraie quand il se retrouve plonger dans le jeu sans le vouloir.

Les frères Hillenbrand (qui ont notamment réalisé ensemble le rigolo KING COBRA, l’improbable PINATA : SURVIVAL ISLAND et les teen comedies DORM DAZE 1 & 2) nous entraînent dans un film bourré de références et de clins d’œil aussi bien à des jeux vidéos qu’à des films et propulsent nos personnages dans les univers de « Gamebox 1.0 » comme autant de « levels » à traverser pour terminer le jeu. Après un rapide point de vue sur la vie fantômatique de Charlie, la partie peut commencer avec le premier niveau de « Gamebox 1.0 ». Nommé « Crime Spree », ce stage au décor urbain, nocturne et froid rappellera au premier coup d’oeil l’excellent jeu Max Payne (impression renforcée par la voix off désabusée). On plonge donc en plein polar pour faire connaissance avec les personnes ayant fait partie de la vie de Charlie et leurs nouvelles fonctions dans « Gamebox 1.0 ». Après quelques péripéties, nos aventuriers se retrouvent dans le monde de « Zombie Land » (inutile de souligner le rapprochement avec les hits Silent Hill et Resident Evil) où ils sont poursuivis par une horde de zombies au travers d’une forêt avant de se réfugier dans une cabane. Leur fuite les mènera ensuite sur « Alien Planet » où l’armée combat une invasion d’extra terrestres dans un décor désertique. Le jeu les entraînera enfin dans les couloirs immaculés d’un hôpital avant de les renvoyer dans un sous sol sordide et moite. Malgré le côté totalement décousu de l’ensemble (le passage d’un monde à l’autre se faisant sans transition aucune), on suit sans déplaisir les péripéties de Charlie au travers de ces mondes plus ou moins familiers. Cependant, il serait très réducteur de voir ici un simple « film de geeks ».

En effet, Charlie, n’est devenu le geek qu’il est que par la force des choses. Ce n’est pas un adolescent attardé qui ne vit que pour terrasser des dragons ou se créer une « seconde vie » de star mais bel et bien un homme blessé qui se réfugie dans un monde virtuel pour échapper à une réalité qui le fait trop souffrir (on imagine aisément qu’un autre film et une autre thèmatique l’auraient fait plonger dans l’alcool ou la drogue). Il est tout à fait conscient de cette fuite mais se laisse malgré tout aller à cette faiblesse. Cependant, il va prendre au fil du film une stature de vrai héro notamment parce qu’il va devoir faire des choix et en assumer seul la responsabilité. Par exemple, le fait d’avoir rassemblé ses amis, sa défunte Kate (rebaptisée Princess dans le jeu : on retrouve bien la thématique du héro qui vient au secours de sa bien aimée, de sa princesse…) ainsi que son meurtrier dans « Gamebox 1.0 » va avoir des répercussions qu’il n’attendait pas et les enjeux vont s’en trouver décupler. Un très bon point donc pour les scénaristes Patrick Casey et Worm Miller qui ont su donner une épaisseur inattendue à ce personnage et, du coup, à l’ensemble du métrage puisque d’une certaine manière il prend les aspects d’un film d’initiation : Charlie évolue, change, tire des leçons de ce qui lui arrive et apprend de ses erreurs. Et même si du coup, le message s’en trouve un peu troublé (les jeux vidéos doivent-ils être considérés comme potentiellement dangereux ou comme des guides à suivre pour trouver sa voie ? peut on tirer du virtuel des leçons applicables au réel ?), on peut apprécier cet effort d’écriture.

Malheureusement, si les bonnes intentions sont bien là, il est évident que les moyens étaient trop maigres pour toutes les mettre en image. Ainsi les personnages, qui donnent l’impression d’avoir été découpés à la hâche sur fond vert, sont mal incrustés dans des décors qui se révèlent définitivement plats. Alors oui, l’idée première était bien évidemment de reconstituer les textures des décors de jeux vidéos et on pourrait donc être indulgent voire même adhérer à l’ensemble. Mais le problème c’est que ce « Gamebox 1.0 » est supposé proposer un moteur révolutionnaire ultra puissant et réaliste alors que là, on serait plus proche des performances d’une Megadrive. On est donc obligé de se rendre à l’évidence que les ambitions étaient de loin supérieures aux moyens.
De la même manière, si les frères Hillenbrand ont de vraies bonnes idées (par exemple, lorsque Charlie et Princess se réfugient dans la cabane de « Zombie Land », ils ont baigné l’endroit dans une lumière rouge saturée et très aggressive qui donne une ambiance très intéressante), leur tentative de traîter l’image avec l’effet Orton (comme dans AVALON par exemple) est un ratage complet qui dessert largement le métrage tant il fatigue l’œil au bout d’un moment. On peut donc imaginer que les frangins auraient pu revoir leurs ambitions esthétiques à la baisse afin que le film garde une plus grande cohérence et soit un peu moins irritant pour la rétine.

Mais inutile de leur jeter la pierre car si leur film peut paraître un peu trop ambitieux, à aucun moment il n’est prétentieux. On suit donc l’ensemble sans s’ennuyer et on peut tout à fait s’amuser à retrouver toutes les références éparpilleés tout au long du métrage. De plus, le personnage de Charlie, bien interprété par Nate Richert (qui a déjà joué dans le précédemment cité PINATA : SURVIVAL ISLAND des mêmes frères Hillenbrand mais aussi dans quelques épisodes de SABRINA L’APPRENTIE SORCIERE) est assez fouillé pour donner un intérêt supplémentaire à ce sympathique film.


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- Article rédigé par : Rodolphe Dumas

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