Un texte signé Philippe Delvaux

Japon - 2007 - Hideo Nakata
Interprètes : Kumiko Aso, Takaaki Enoki, Reona Hirota, Teisui Ichiryûsai, Mao Inoue, Tae Kimura, Taiki Kobayashi, Hitomi Kuroki

asian-scans

Kaidan

Au 18e siècle, le samouraï Shainzaemon Fukami tue dans un accès de colère l’usurier Saetsu qui venait lui réclamer le remboursement de ses dettes. Avant de mourir, ce dernier maudit Fukami, qui devient rapidement fou et trucide sa femme avant de se suicider. Vingt-cinq ans plus tard, Shinkichi, le fils du samouraï, tombe amoureux d’Oshiga, une des filles de Saetsu. Les deux tourtereaux ignorent tout du passé de leurs familles et de la malédiction que l’usurier avait étendu à la descendance de son meurtrier. Lors d’une dispute de couple, Shinkichi blesse Oshiga près de l’œil. Une coupure similaire à celle infligée par son père à celui d’Oshiga ! La blessure s’infecte et défigure Oshiga. Shinkichi trouve refuge dans les bras d’une femme plus jeune, Ohisa. Apprenant cette trahison sur son lit de mort, Oshiga maudit à son tour son amant : elle tuera toutes les femmes que Shinkichi aura l’impudence d’encore aimer.

Le film s’ouvre sur une séquence de théâtre traditionnel où un conteur nous dévoile la source de la malédiction et le meurtre de Saetsu. Le film est donc un récit, ce que viendra sporadiquement nous rappeler la voix of du conteur. Ce faisant, Nakata ancre son KAIDAN dans la tradition du film de fantôme classique.

KAIDAN est adapté de l’œuvre de Sanyutei Encho, écrivain de littérature d’horreur du 19e siècle qui a été régulièrement porté au cinéma. L’adaptation du roman par Nakata a d’ailleurs déjà été précédée d’un KAIDAN KASANE-GA-FUCHI tourné en 1960 par Kimiyoshi Nasuda. Ce dernier s’attachera encore à l’écrivain en 1970 mais est surtout connu pour une palanquée de Zatoichi. Et la même histoire a encore été adaptée en 1926 et en 1957. Un classique donc.

Le titre retenu par Hideo Nakata est des plus simples, KAIDAN signifiant justement « fantôme ». Une manière on ne peut plus directe de signaler qu’on revient aux sources de la tradition, sources mises à mal par la relecture contemporaine opérée par le même Hideo Nakata dans son RING qui avait durablement révolutionné le film de frousse japonais d’abord, asiatique ensuite, mondial enfin.

Avec KAIDAN, on repart donc sur la vision japonaise classique du fantôme, expression des tourments intérieurs et concrétisation d’une faute. Pour autant, Nakata réfute certains des postulats, ou plutôt des postures, qu’il avait lui-même posés avec RING : pas besoin des longs cheveux masquant le visage, ni d’effets de montage, ni d’un maquillage rendant inhumain l’aspect du fantôme. Dix ans de suites, de remakes et de copies carbones ont épuisé ce filon et un retour à une imagerie plus traditionnelle est sans doute le meilleur moyen de repartir sur des bases saines. Aussi n’est-il en rien gênant de resituer l’intrigue dans le passé : les actions des protagonistes ont la même portée morale quelle que soit l’époque.

Nakata sait également retenir ses effets, économisant les apparitions surnaturelles et ne leur conférant qu’un temps limité à l’écran. Tant mieux, car ce faisant, il réussit à nous recentrer sur son histoire et surtout à nous faire percevoir la peur ressentie par les protagonistes.

Visuellement, la photographie et la composition des plans font de KAIDAN un des meilleurs Hideo Nakata. Le rythme le rend même bien supérieur à RING. On suit l’implacable déroulé de la malédiction qui frappe tous ceux qui entourent Shinkichi. Malédiction qui pourrait bien n’être que la folie d’un homme en proie au remord d’une faute passée, celle d’avoir abandonnée son amante en détresse et mourante.

On s’en voudrait de ne pas évoquer la très belle musique de Kenji Kawaï … mais aussi la très mauvaise chanson du générique de fin, en décalage complet avec la tonalité de l’ensemble.

Aux côtés de RETRIBUTION (Kyoshi Kurosawa) et de REINCARNATION (Takashi Shimizu), KAIDAN fait partie d’une anthologie de trois films de fantômes produits par Takashige Ichise.

KAIDAN est à recommander aux fans d’Hideo Nakata, aux fondus de films de fantômes asiatiques à l’ancienne et plus largement à tout amateur de fantastique.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


=> Pour prolonger votre lecture, nous vous proposons ce lien.
Share via
Copy link