La passion du docteur Hohner (1944) – Soupe opéra
En 1943, la Universal se lance dans une entreprise risquée : produire un remake de leur classique Le Fantôme de l’Opéra. Tourné dans les décors de l’original de 1925 par George Waggner, cette nouvelle version se révèle médiocre. Toutefois, en dépit d’un accueil critique tiède, le film fonctionne au box-office. Il gagne même un Oscar pour sa direction artistique. Un fait unique pour le cycle horrifique de la compagnie. La Universal envisage rapidement une séquelle dans laquelle Susanna Foster et Claude Rains reprendraient leurs rôles respectifs. D’un côté la soprano en péril, de l’autre le Fantôme. Le scénario de cette suite, intitulée The Climax, s’inspire vaguement d’une pièce du dramaturge Edward Locke. Cependant, le projet évolue.
L’indisponibilité de Claude Rains conduit à son remplacement par Boris Karloff, initialement prévu pour le rôle du Fantôme. Finalement, quoique tourné dans les mêmes décors, The Climax s’émancipe complètement du Fantôme de l’Opéra. Les personnages sont différents (Susanna Foster joue une Angela et Karloff le docteur Hohner) et l’intrigue prend ses distances.
Cette fois, le docteur Hohner, médecin officielle de l’opéra de Vienne, assassine sa fiancée, Marcellina (June Vincent, The Creeper). Dix ans plus tard, il s’amourache de la jeune diva Angela. Jaloux, il refuse qu’elle chante pour d’autres que lui. Le médecin l’hypnotise afin de l’en empêcher.
La passion du docteur Hohner, comme le titre le laisse supposer, constitue surtout un mélodrame. Associé à la vague « horreur » de la Universal, il n’en reprend pourtant aucun élément et même l’argument fantastique se montre quasiment inexistant. L’interprétation est fluctuante. Gale Sondergaard (The Spider Woman) et Karloff sauvent les meubles, contrairement au couple vedette. Turhan Bey (The Mad Ghoul) échoue dans son rôle romantique et Susanna Foster, omniprésente à l’image, épuise. A moins d’être un inconditionnel d’opéra, les nombreux passages chantés risquent de paraitre interminables aux spectateurs.
La passion du docteur Hohner n’est pas une grande réussite. Certains biographes de Karloff estiment qu’il s’agit « du pire film de l’acteur durant toutes les années ‘40 » et que « le métrage permet surtout d’apprécier la touche fast forward de sa télécommande » (Nathalie Yafet). Une appréciation très sévère. Le film possède en effet quelques qualités indéniables. La très belle photographie en Technicolor flamboyant enchante l’œil. La qualité des décors lui valut une nomination à l’Oscar. Et Karloff, même en pilotage automatique et visiblement peu concerné, reste une vraie « présence » à l’écran.
Trop long pour le peu à raconter (l’ensemble dure 86 minutes mais semble bien longuet) aurait gagné à se voir élaguer d’un bon quart d’heure de numéros musicaux. Mais le final, guère logique mais bien amené, rattrape en partie la déception antérieure. Une œuvrette que l’on réservera volontiers aux inconditionnels de la Universal et de Karloff.