Un texte signé Patryck Ficini

France - 2017 - Level Maurice

chroniques-infernales

La Peur

Maurice Level fut, avec André de Lorde, autre tragédien du Grand-Guignol, l’un des Princes de la Terreur des années 1910-1920. Outre leurs pièces de théatre pour ce qui fut l’ancêtre français du gore, tous deux écrivirent nombre de nouvelles appartenant au genre. Conte cruel, macabre, fantastique parfois (pas souvent, pour Level, en ce qui concerne ce dernier point), tout était bon pour faire frémir d’épouvante le lecteur d’alors.
Au Grand-Guignol, l’excellent Level créa les chefs d’œuvre SOUS LA LUMIERE ROUGE et LE BAISER DANS LA NUIT.
A partir des 1500 ( !) nouvelles qu’il rédigea pour des revues, furent composés des recueils plus spécifiquement noirs comme LES PORTES DE L’ENFER ou LES OISEAUX DE NUIT, prochainement réédité au Visage Vert.
Après TRAINS DE CAUCHEMAR, la Clef d’Argent s’associe une nouvelle fois avec les Aventuriers de l’Art Perdu, pour republier des nouvelles oubliées de Maurice Level. Les Aventuriers De l’Art Perdu, c’était les fanzines NUITS BLANCHES et BOUDOIR DES GORGONES…, que du bon, à se procurer autant que faire se peut !
LA PEUR propose donc 10 nouvelles sur quelques 116 pages. 116 pages de pur plaisir pour qui apprécie le charme suranné du cauchemar à l’ancienne.
Son élégance impitoyable, aussi.
L’élégance du verbe, bien sûr, mais aussi parfois celle des sujets eux-mêmes.
Level n’aimait rien tant que se jouer des modernités technologiques de son époque : l’ascenseur dans le magistral AVEUGLE, à la chute sanglante à souhait, le dirigeable dans A NEUF MILLE SEPT CENT METRES, encore plus gore (les effets hémorragiques de l’altitude), mais aussi l’art photographique dans la bien nommée PHOTOGRAPHIE, angoissante au possible. ON et BABEL sont deux textes appartenant au Merveilleux Scientifique cher à Maurice Renard… même si la première a tout d’une géniale histoire de maison hantée ! BABEL, aussi remarquablement écrite que les autres, déçoit un peu malgré le postulat délirant de son idée de base. C’est sans doute le texte le moins convaincant avec l’épouvante ferroviaire trop banale de LA PEUR qui donne son titre au recueil.
Maurice Level maîtrisait pleinement l’art de la chute, tel un Robert Bloch ou un Fredric Brown ante litteram, et il serait délicat, voire indécent d’en dire davantage au risque de par trop déflorer celles-ci…
Level n’hésite pas à reprendre un thème classique du Grand-Guignol dans certaines des ses nouvelles : celui de la vengeance mortelle d’un mari trompé. Il en va ainsi de L’ALLEE et de LA BONNE MERE, des plus cruelles.
Pour conclure citons encore LE TIGRE DU MAJOR ATKINSON, qui mélange ghost story et récit à la Emilio Salgari (le génial papa de SANDOKAN), avec son tigre mangeur d’hommes, un peu comme dans LA STATUA DI VISNU et sans doute comme dans d’autres récits exotiques du même genre .
LA PEUR est un très bon recueil, notamment par la qualité des notes écrites par l’anthologiste Philippe Gontier, qui sont absolument passionnantes.
LA PEUR répondra par sa qualité à la question suivante : à quoi bon se tourner vers les horreurs de la littérature passée, en 2017 ? N’y aurait-il pas forcément mieux aujourd’hui ? Que l’on se méfie une fois de plus des fausses évidences !
Lisons Level pour comprendre ce qui vient d’être dit…


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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