Un texte signé Vincent Trajan

USA - 1933 - Franck Capra
Titres alternatifs : Grande Dame D'Un Jour
Interprètes : Warren William, May Robson, Guy Kibbee, Ned Sparks, Walter Connolly

retrospective

Lady For A Day

Au tout début des années 30, Frank Capra commence à prendre du galon et impose de plus en plus sa patte idéaliste et humaniste, au travers de ses films typiques de l’American Way Of Life d’après crise.
Après un AMERICAN MADNESS de 1932 qui a posé les jalons de la comédie dramatique sociale mettant en scène le John Doe (le monsieur tout le monde américain) si cher à Capra (la série de films des MR DEEDS, MR SMITH…), le réalisateur va transformer l’essai, un an plus tard avec LADY FOR A DAY (GRANDE DAME D’UN JOUR).

Le pitch est simple : Apple Annie (May Robson – UNE ETOILE EST NEE) est vendeuse de pommes, itinérante dans les rues de New-York. Semi clocharde sans-le-sou attirée par la bouteille, elle n’en reste pas moins une figure emblématique de la ville de par sa gouaille et sa gentillesse envers les autres (véritable porte-bonheur pour le gangster Dave The Dude – Warren William – qui ne joue à aucun jeu sans lui avoir acheté une pomme, point d’ancrage pour les miséreux…). Mais Apple Annie est aussi une vieille femme tourmentée…
En effet, pour ne pas faire honte à sa fille partie vivre en Espagne, elle lui fait croire au fil de ses lettres qu’elle mène grand train dans la haute société, et qu’elle est mariée à un certain notable, E. Worthington Manville.
Mais lorsque sa fille (Jean Parker) lui annonce son arrivée à New-York, en compagnie de son fiancée (Barry Norton) et de son père, le comte Romero, un haut dignitaire espagnol (Walter Connoly), afin de régler les préparatifs de son futur mariage, Annie va se retrouver au pied du mur. C’est alors que Dave The Dude décide d’établir un stratagème pour qu’Apple Annie devienne effectivement Mrs E. Worthington Manville, le temps du séjour de sa fille et faire ainsi illusion auprès du comte Romero…

Derrière ce scénario en apparence gentillet, Frank Capra va vite imposer son regard, certes idéaliste de la société américaine, mais toujours empreint de sincérité. Pour ce faire, l’homme va décrire une situation de crise très réelle dans les bas-fonds du New-York des années 30 (les licenciements, la mendicité…) au côté du faste de la bourgeoisie dans les hauts immeubles de la ville. Ce contraste sera d’ailleurs mise en exergue par une subtile utilisation de la lumière / obscurité…
Mais loin de tomber dans le pessimisme ambiant et le drame pur et dur, Frank Capra va délayer des situations plus légères en jouant sur les ambivalences de chacun de ses personnages (les gangsters, notamment) lors de la mise en œuvre d’une multitude de plans pour que la « supercherie » d’Apple Annie / Mrs E. Worthington Manville puisse fonctionner.

Malgré un petit temps mort en fin de métrage (la scène de répétition des invités et l’angoisse d’Apple Annie) et quelques passages larmoyants un peu trop appuyés, LADY FOR A DAY possède un ressort comique / dramatique fort bien ficelé, si bien que le spectateur passera du rire aux larmes en un tour de main.
De plus, tous les dialogues font mouches et le jeu des acteurs est tout bonnement excellent. A ce titre, les prestations de Warren William dans le rôle du gangster dandy et de son homme de main Happy McGuire, interprété par Ned Sparks, sont irrésistibles. Les deux hommes se complètent à merveille avec leurs personnages si différents (l’un est extravagant, l’autre est rabat-joie) mais si complémentaires. Pour un peu, le duo en éclipserait presque May Robson…
Certes, Capra prend parfois des raccourcis faciles et des situations un peu trop idéalistes lorsque la police, la mairie et le gouverneur de New-York s’associent avec les gangsters, ou quand la haute bourgeoisie accepte les mendiants en son sein, pour jouer le jeu d’Apple Annie, mais il faut bien avouer qu’on se laisse volontiers prendre au jeu pour tomber sous le charme de LADY FOR A DAY. « Croyez-vous aux contes de fées ? » demandera souvent Dave The Dude à ses partenaires d’un jour… il faut croire que le réalisateur lui, veut y croire et faire en sorte que les spectateurs y croient aussi…

Après plus de 10 ans de métier et son premier film THE BALLAD OF FISHER’S BOARDING HOUSE de 1922, on sent que la machine Frank Capra est bien huilée.
A cette époque d’après crise, l’Amérique a besoin de rire, l’Amérique a besoin d’y croire, l’Amérique a besoin d’entertainment… et ça, Capra l’a bien compris, et va parfaitement capter l’air du temps au fil de ses comédies sociales humanistes.

LADY FOR A DAY marque donc la montée en puissance de Frank Capra dans le cinéma américain en ce début des 30’s. Et même si le film n’a pas remporté d’Academy Award cette année-là, malgré 4 nominations – dont celles du meilleur réalisateur et de la meilleure actrice pour May Robson (c’est Katharine Hepburn qui remportera le prix, au final) -, force est de constater que LADY FOR A DAY a réussi à mettre Frank Capra sur les rails d’un succès qui se confirmera plus tard, notamment avec L’EXTRAVAGANT MR DEEDS (1936), MR SMITH AU SENAT (1939), L’HOMME DE LA RUE (1941) ainsi que le légendaire ARSENIC ET VIEILLES DENTELLES (1944)…

En 1961, l’homme fera un remake de LADY FOR A DAY avec MILLIARDAIRE POUR UN JOUR (POCKETFUL OF MIRACLES) avec Bettie Davis et Glen Ford, mais le film n’aura malheureusement pas la même portée que le métrage de 1933, malgré des qualités techniques et des moyens financiers plus importants. Les temps ont changé…


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- Article rédigé par : Vincent Trajan

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