Un texte signé Patryck Ficini

Italie - 1989 - Umberto Lenzi
Titres alternatifs : Hitcher in the Dark
Interprètes : Josie Bissett, Joe Ballagh, Jason Saucier

retrospective

Le Voyageur de la Peur

Un fou capture une jeune femme dans son camping-car. Il lui coupe et lui teint les cheveux pour qu’elle ressemble à la mère qui l’a abandonné. Et tous deux filent vers l’enfer…
Inutile de rire : ce film s’est bien titré HITCHER 2 aussi. Après tout, les Italiens avaient fait LA PROIE DE L’AUTO-STOP des années avant Robert Harmon, il ne faudrait pas l’oublier…. A la fin des années 80, c’était la grande mode des fausses suites de succès américains en Italie. Il y eut ainsi LA CASA 3, 4, 5 (titre italien de EVIL DEAD !), et même un TERMINATOR 2 ! Quelle importance ? Ces fausses contrafaçons (qui s’arrêtaient souvent au titre) étaient une mode des plus amusantes, qui ne trompaient de toute façon aucun connaisseur du cinéma de genre. Et qui oserait aujourd’hui sortir un HELLBOY 3 ou un DIE HARD 5 avant les grosses prods officielles gorgées de dollars ? Peut-être certains pays du Tiers-monde, c’est à voir et à vérifier… FILMIRAGE, la boîte de Joe d’Amato qui produit ce psycho-thriller d’Umberto Lenzi, s’était un peu spécialisée là-dedans (LA CASA) ainsi que dans le film érotique post NEUF SEMAINES ET DEMI qui fit les beaux jours de M6. FILMIRAGE tirait un peu les dernières cartouches du bis italien, un bis qui fait tout pour singer (avec un certain talent, n’en déplaise à certains) la série B américaine, par ses acteurs du cru (David Hasselhoff dans l‘agréable DEMONIAQUE PRESENCE !) et ses décors naturels. Avec tout de même des perles à part comme BLOODY BIRD de Michele Soavi !
HITCHER IN THE DARK a donc tout d’un film made in USA. Le mimétisme est parfait. Trop aux yeux de ceux qui lui reprocheront justement ce manque de style italien. Pour un maître du polar typé comme Umberto Lenzi, cela peut même surprendre. Toujours est-il qu’il s’en fit une spécialité dans les années 80 (LA MAISON DU CAUCHEMAR, même pseudonyme). Aucun tic et maniérisme à l’italienne dans sa réalisation très carrée, mais ultra efficace. Seule la belle musique du trop négligé Carlo M. Cordio indique la provenance du film…
Lenzi ne cherche nullement à copier HITCHER au-delà du titre. Si le film avec le génial Rutger Hauer présentait un auto-stoppeur démoniaque, tueur fou hors normes, ici le danger vient du conducteur qui ramasse des mignonnes sur la route. La première, il la tue (et notre peeping Tom prend même des photos !), la seconde il la séquestre, développant avec elle des relations amour/haine aussi malsaines qu’angoissantes. Car le malade mental est ici parfois attendrissant, avec de gros problèmes psychologiques (d’érection aussi !) et une réelle souffrance (tendance Norman Bates), rien à voir avec l’incarnation mystérieuse du mal absolu chez Robert Harmon. Ici le mal est profondément humain, et pour cela tout aussi terrifiant. Car le tueur d’HITCHER IN THE DARK n’est ni plus ni moins que le routard du crime classique aux Etats-Unis, terriblement réel. Des monstres comme ça, les faits divers en sont pleins !
La tension est bonne. Elle connaît même un heureux crescendo. Les rapports inquiétants, parfois vaguement ambigüs, entre bourreau et victime sont soignés.Et l’arrivée providentielle du petit ami de la fille ne la sauve pas : le pauvre est capturé, tabassé et torturé (le cinglé inscrit des lettres au couteau sur son torse, seule scène de sadisme graphique). Dans la foulée, le tueur se croit dans LA BETE TUE DE SANG FROID et veut enfoncer sa lame entre les jambes de son otage !
HITCHER IN THE DARK est bien écrit et filmé ; les acteurs, limités, font bien leur job. Le tueur, franchement fade au début, est même meilleur à mesure que le film progresse et que son rôle se complexifie. Bon, ce n’est pas Anthony Perkins non plus, mais son travail est plus performant qu’un jugement superficiel pourrait hâtivement le déclarer. La prisonnière est franchement convainquante, malgré son jeune âge. HITCHER 2 est de plus le premier film de Josie Bissett, qui se dénuda aussi pour DESIDERI/DIRTY LOVE 2 de Bruno Mattei avant hélas de finir starlette de… MELROSE PLACE ! Bien qu’on se doute que l’actrice ait sans doute considéré la chose comme une promotion artistique, il est permis au bissophile d’émettre un avis contraire…
Bien sûr on peut se demander comment le petit ami retrouve sa copine avec aussi peu d’indices, on peut aussi déplorer un nullissime concours de T-shirts mouillés (qui a au moins l’avantage de présenter des tétons piercés, chose plutôt rare à l’époque) et deux motards aux looks grotesques (où était la costumière ?). De plus, le traumatisme qui hante le fou furieux a une origine discutable : sa mère a refait sa vie avec un autre homme que son père, et basta ! Ils auraient pu trouver mieux.
On ne sait pas toujours où va le film, sans être jamais réellement surpris. La chute, rejetée par Lenzi, est honnête, sans plus. Il n’empêche, HITCHER IN THE DARK tient le coup pendant une heure et demie. On ne s’ennuie pas malgré une langueur obligatoire (imposée par le sujet). Bref, Umberto Lenzi signe là une vraie bonne série B… américaine !


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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