Un texte signé Philippe Delvaux

USA - 1983 - Paul Nicolas
Titres alternatifs : Chained heat, Enchainées
Interprètes : Linda Blair, John Vernon, Sybil Danning, Tamara Dobson, Stella Stevens, Henry Silva

retrospective

Les anges du mal

Caroll Penderson est condamnée à 18 mois de prison pour un accident mortel. Avant son transfert au pénitencier, elle se lie d’amitié en cellule avec une autre condamnée, Val, qui, ayant plus d’expérience, pourra la protéger. Très vite, Caroll comprend les rapports de force régnant au sein de l’institution carcérale : d’un côté, la bande d’Erika, tenant d’une main de fer les quartiers blancs, avec ses acolytes Bobby et Bubbles, de l’autre, Duchess, qui protège ses sœurs afro. Entre les deux, une sévère inimitié. Mais si les condamnées purgent leur peine pour apurer leurs crimes, il semble bien que leurs gardiens aient tout autant à se reprocher : du directeur Bacman filmant ses ébats avec des prisonnières, au gardien violeur, en passant par Taylor, la chef de sécurité, organisant avec le responsable de l’infirmerie Lester, un juteux trafic de stupéfiants. Taylor étant à la fois la compagne du priapique Bacman et l’amante de Lester, lequel ne se prive pas d’organiser des petites sauteries en dehors de la prison, octroyant pour l’occasion – en toute illégalité bien entendu – des « sorties » pour certaines filles. Et pour corser le tout, les confrontations de ce petit monde engendrent violences et meurtres.

Si les films de prison ont connu assez tôt un certain succès aux Etats-Unis – le pays occidental au plus haut taux par habitant d’incarcération ! -, leur déclinaison érotique s’est plutôt épanouie en Europe avec des fondations posées dès 1969 par le 99 FEMMES de Jess Franco, voire au Japon qui glisse des yakuzas emprisonnés des sixties à l’emblématique série LA FEMME SCORPION la décennie suivante. Les Etats-Unis ont cependant popularisé le genre par le biais de Jack Hill via THE BIG DOLL HOUSE.

Avec LES ANGES DU MAL, nous sommes déjà en 1983 et d’innombrables déclinaisons du Women in prison ont envahi les écrans des salles crapoteuses depuis bien des années déjà. Le genre amorce son déclin en salle en Europe.

Il resurgit ici avec une certaine vigueur insufflée par un scénario déployant une intrigue touffue et un grand nombre de protagonistes, porté par un budget correct eu égard au caractère purement « exploitatif » de la production.

Preuve de la portée de ce titre dans le cinéma de genre, il initiera une nouvelle vague de WIP américains, sombrant cependant rapidement dans le Z, qui se déploieront dans les années ‘90 et 2000, essentiellement en vidéos : CHAINED HEAT II (1993, complété dans le titre français par « ENCHAINEES »), CHAINED RAGE : SLAVE TO LOVE (2001), CHAINED FURY : LESBIAN SLAVE DESIRES (2003) parmi bien d’autres.

Film typique que l’on imagine bien au frontispice des salles grindhouse de la 42e avenue à New York, CHAINED HEAT reflète son époque : le sujet très sleazy évince pourtant les côtés les plus scabreux du genre. En 1983, la partition est consommée entre la pornographie d’un côté, qui se développera désormais de moins en moins dans ses salles spécialisées et de plus en plus en vidéo, et le cinéma d’exploitation de l’autre, qui, tout en conservant une touche érotique, ne doit plus verser dans l’explicite, laissant ce soin au X.

Dès lors, CHAINED HEAT déploie la gamme violente attendue par l’amateur et de nombreuses nudités, mais celles-ci restent assez soft et le cadrage prend soin de n’en point trop montrer.

Comme dans tous les WIP, l’univers est purement fantasmatique, ce qui se traduit ici par une prison qui correspond nettement moins aux standards carcéraux qu’aux sous-sols d’une usine quelconque. On s’y promène sans guère de restrictions et les prisonnières peuvent sans grandes difficultés s’introduire dans l’appartement du directeur…

Caroll est la traditionnelle oie blanche plongée dans un monde de stupre ; Val son amie incarne la tout aussi classique figure de la prostituée au grand cœur ; Duchess, la combattante ; Ericka, la « mean bitch » ; et tous les représentants de l’ordre sont bien entendu des dévoyés. Bref, on rencontre tous les archétypes du genre. On ne change pas une formule qui gagne.

De même retrouve-t-on les passages obligés d’un inusable cahier des charges : la douche, le catfight, les scènes saphiques, les viols et meurtres…

Dès lors, arrivé si tardivement, avec si peu d’innovations, et graphiquement en retrait par rapport à certains de ses prédécesseurs, CHAINED HEAT présente-t-il un quelconque intérêt ?

Oui, sans conteste. Parce que, même à budget serré, il est nettement moins misérable que nombre des productions européennes des ’70 : le casting est nombreux, les filles jolies, le scénario et la mise en scène corrects, le jeu des acteurs convainquant. Bref, s’il ne se trouve pas devant un grand film – y en a-t-il seulement eu un dans le WIP, en dehors naturellement du Japon – l’amateur qui ne cherche pas le spectacle extrême et qui exige plus que le xième degré du Z passera un bon moment.

Et puis, il aura l’occasion de constater que Linda Blair, possédée par le démon dans L’EXORCISTE, a bien grandi mais a mal tourné… au sens figuré puisqu’elle est ici incarcérée, et au sens propre car ce renouveau dans sa carrière tournera court : l’actrice ne parviendra guère à se dépêtrer du cinéma de genre et n’y brillera pas spécialement. Par la suite, elle accusera LES ANGES DU MAL d’avoir ruiné sa carrière et expliquera avoir été trompée, pensant s’être engagée pour un drame de prison sérieux… ce qu’elle tentera de corriger d’ailleurs dans son deuxième film de prison, RED HEAT.

La méchante Ericka est interprétée par cette grande prêtresse du film de genre qu’est Sybill Daning. On la retrouve 3 ans plus tard au casting du déjà nettement plus Z REFORM SCHOOL GIRL, un autre WIP américain… retitré en France LES ANGES DU MAL 2. Du coup, à sa sortie, CHAINED HEAT II conservera en vidéo française son titre américain, augmenté du qualificatif ENCHAINEES.

Autre grand familier du cinéma populaire, Henri Silva campe un Lester décontracté dans son trafic de dope.

Pour Duchess, la production est allée chercher Tamara Dobson, la star Blacksploitation de DYNAMITE JONES. Elle joue ici son dernier rôle pour le grand écran.

Pour l’anecdote, dans le petit rôle de Debbie, une des victimes de Bacman est jouée par Monique Gabrielle, future Emmanuelle dans le 5e opus (de Walerian Borowczyk).

En France, le film est sorti en salle en janvier 1984 sous le titre LES ANGES DU MAL. Il aurait ensuite été commercialisé en vidéo retitré en ENCHAINÉES… mais nous n’avons pu recouper cette info qui pourrait procéder d’une confusion avec CHAINED HEAT II.

La version la plus accessible lors de la rédaction de cette critique est le DVD sorti aux Etats-Unis par Synapse Film / Panik House. Plus complète que les éditions de l’ère vidéo, cette copie coupe cependant légèrement deux scènes, dont une d’un meurtre d’une évadée, qui peut changer notre point de vue d’un des personnages.

Cliquez ici pour lire l’article sur CHALEUR ROUGE


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


=> Pour prolonger votre lecture, nous vous proposons ce lien.
Share via
Copy link