Un texte signé Jérôme Pottier

Grande-Bretagne - 1959 - Terence Fisher
Titres alternatifs : The Stranglers Of Bombay
Interprètes : Guy Rolfe, Allan Cuthbertson, Andrew Cruickshank, George Pastell, Marne Maitland, Jan Holden, Marie Devereux

retrospective

Les Etrangleurs De Bombay

En 1959, les patrons de la HAMMER FILMS, Michael Carreras et Anthony Hinds, se lancent dans le film d’aventures exotiques. Pour diriger ce qu’ils souhaitent comme un futur classique du genre, ils font appel au plus grand réalisateur alors en exercice dans la perfide Albion : Terence Fisher. Celui qui a apporté gloire et reconnaissance à la firme avec ses dépoussiérages des mythes de Frankenstein et Dracula est donc sollicité pour mettre en scène un film d’aventures qui se déroule dans l’Inde colonisée de 1826. Le budget anémique conduit la HAMMER FILMS à tourner uniquement en intérieur aux studios de Bray, une gageure pour Fisher qui se doit de livrer un film épique et dépaysant !!!
C’est donc dans l’Inde britannique, et plus exactement à Bombay, que débute cette pelloche. On peut y assister aux exactions d’une secte d’adorateurs de la Déesse Kali qui attaquent des voyageurs pour les sacrifier. La couronne, ne pouvant accepter que ceux que l’on surnomme « les étrangleurs de Bombay » terrorise une de leurs colonies, envoie ses meilleurs hommes pour tuer l’hydre à quatre mains.
Longtemps inédit dans l’hexagone, THE STRANGLERS OF BOMBAY s’avère être une excellente bobine signée du grand Terence Fisher. Plusieurs coups de génie sont ici à mettre à son actif. Tout d’abord, pour donner une plus grande véracité à son propos, le réalisateur utilise un superbe noir et blanc magnifiquement photographié par Arthur Grant. Le chef opérateur de quelques perles picturales comme LA NUIT DU LOUP-GAROU (Terence Fisher-1961) souligne le caractère passéiste de ces différents outrages en variant avec talent les tonalités de l’image. Par ailleurs, le noir et blanc confère un aspect documentaire à l’ensemble qui anticipe la réalisation de quelques bandes signées de l’inventeur du « docu-drama » : Peter Watkins (CULLODEN-1964).
Autre réussite de Fisher, glisser un discours politique fort sur l’anticolonialisme, y compris en désignant cet impérialisme comme une des causes de la criminalité (un point de vue loin d’être massivement partagé à la fin des années 50). Le personnage du Capitaine Harry Lewis magistralement campé par Guy Rolfe (l’un des seconds rôles les plus en vue, à l’époque, de la télévision anglaise) est, à cet égard, passionnant, surtout lorsqu’il s’interroge sur le bienfondé de son action. Le comportement des touristes « britons » expansionnistes n’est pas, non plus, exempt de tout reproche, sans oublier les exactions de l’armée occupante. Fisher parvient, sans peine, à démonter les rouages pervers de toute domination y compris dans la thématique majeure des ETRANGLEURS DE BOMBAY : le sadisme.
D’ailleurs, la grande force du métrage réside dans son illustration inspirée des théories du Divin Marquis. Terence Fisher profite de l’utilisation du noir et blanc pour donner libre cours à ses penchants violents. Jamais le metteur en scène n’ira, par la suite, aussi loin dans l’étalage de tortures et autres joyeusetés gores. Les supplices subis par le Capitaine Harry Lewis permettent à Fisher d’affirmer avec opiniâtreté son anticléricalisme à travers une scène de crucifixion mémorable. Par ailleurs, têtes, mains et langues sont coupées tandis que l’on crève les yeux des victimes de strangulation. A chaque tourment infligé la muette Marie Devereux, qui interprète une des adoratrices, semble jouir, voyant son énorme et magnifique poitrine secouée de spasmes de plaisir. Le maître du fantastique gothique britannique laisse ici exploser ses instincts les plus vils au service d’un discours anticolonial des plus captivants faisant des ETRANGLEURS DE BOMBAY l’une de ses plus belles réussites à redécouvrir absolument.


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- Article rédigé par : Jérôme Pottier

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