Un texte signé Rodolphe Dumas

Italie - 1981 - Ovidio G. Asonitis
Titres alternatifs : There was a little girl
Interprètes : Trish Everly, Allison Biggers, Dennis Robertson, Michael MacRae, Edith Ivey

review

Madhouse

Producteur de nombreux métrages plus ou moins inspirés (THE VISITOR, PIRANHA II : THE SPAWNING ou encore l’alléchant AMERICAN NINJA 5, pour ne citer que ceux-ci), l’égyptien Ovidio G. Asonitis est surtout connu pour son grand opportunisme lorsqu’il passe derrière la caméra. Par exemple, en 1974, soit 1 an seulement après la sortie de L’EXORCISTE de William Friedkin, il réalise BEYOND THE DOOR où une femme subit les assauts des forces du mal. On aurait toutefois pu croire à une coincidence, si en 1977 le gaillard n’avait pas déployé ses TENTACULES comme autant de réponses longues et molles aux DENTS DE LA MER acérées d’un certain Spielberg (1975).
Réalisé en 1981, on peut donc aisément voir dans son slasher MADHOUSE un écho italien au VENDREDI 13 de Sean S. Cunningham (datant de 1980 et faisant lui-même écho au HALLOWEEN de John Carpenter en 1978) mais pas seulement…

Julia (Trish Everly) travaille dans un institut où elle s’occupe d’enfants sourds. Quelques jours avant son anniversaire, sa vie en apparence tranquille est troublée par un appel de son oncle, le père James (Dennis Robertson) qui lui apprend que sa sœur jumelle Mary (Allison Biggers), atteinte d’une maladie qui la défigure, vient d’être internée et demande à la voir. La visite ne se passe pas comme prévue puisque Mary en profite pour menacer sa sœur et lui promettre moultes souffrances. Cet épisode fait alors remonter à la surface l’enfance trouble des 2 jeunes filles, quand Mary, accompagnée de son fidèle rottweiler, persécutait la pauvre Julia à l’occasion de leurs anniversaires communs. Le soir même, Mary parvient à s’échapper de l’hôpital…

Non, non, malgré les apparences, nous ne sommes pas ici en présence d’un téléfilm occupant honteusement les après midis de quelques ménagères… non, on a bien ici affaire à un film figurant dans la fameuse liste des « video nasties », ces films qui, pour leur caractère outrageusement violent, se sont vus interdits au Royaume Uni. Cette liste recelant du bon comme du très mauvais, qu’en est-il de ce MADHOUSE ?

Le film s’ouvre sur la contine « Rock a bye baby ». Un zoom nous amène lentement sur 2 fillettes, l’une se balance dans un rocking chair et l’autre est debout à ses côtés. Puis tout bascule (à part le rocking chair, on n’est pas dans Video Gag quand même…), la musique (de Riz Ortolani qui a officié notamment sur CANNIBAL HOLOCAUST et autre KILLER CROCODILE…) devient bruitiste et oppressante et la fillette debout assène de violents coups de pierre sur ce qui semble être sa sœur jumelle, lui fracassant littéralement le crâne. En s’en prenant d’emblée à un enfant (un autre trouvera la mort dans le métrage), Osanitis nous plonge donc bel et bien dans un univers violent et déviant mais pas pour autant inconnu.

Car, comme dit précédemment, le réalisateur est un opportuniste qui n’est pas là pour révolutionner un genre mais bel et bien pour en profiter. Ainsi il n’hésite pas à piocher dans toutes les formules déjà éprouvées dans d’autres productions pour alimenter ses plans. Par exemple, la poursuite et le meurtre d’Amantha Beauregard, la propriétaire de Julia, sont clairement inspirés par les slashers à l’américaine façon VENDREDI 13 ou HALLOWEEN pour les citer à nouveau. Mais Osanitis fait lamentablement capoter l’entreprise et la scène, pourtant bien amenée, traîne beaucoup trop en longueur. Le ridicule pointe alors bien vite le bout de son nez au détriment de toute tension : la victime grimace à outrances, sa fuite ressemble aux déambulations d’un R2-D2 sous acides et sa mise à mort, même si elle est bien cadrée, perd tout impact et ne parvient pas à relancer l’intérêt de la scène tant le spectateur l’a espérée comme une délivrance.
Dans un autre registre, l’évasion de Mary, filmée en vue subjective avec sa lourde respiration en fond sonore se veut dans la pure tradition du giallo à la Bava ou Argento. L’influence de ce dernier se ressent aussi dans la fantastique (dans tous les sens du terme) scène où Julia va à la rencontre de sa sœur Mary, allitée à l’hôpital : après avoir franchi une simple porte, elle traverse un dortoir sombre où le décor se résume à des rideaux blancs alignés. Osanitis nous plonge à cet instant précis dans une autre dimension, un autre temps : c’est le moment où le passé de Julia ressurgit et contamine son présent. Et cela fonctionne d’autant mieux que le dialogue entre les 2 sœurs se déroule alors que Mary est cachée par un rideau, cette dernière ne surgissant qu’à l’instant où Julia s’enfuit, pour lui hurler qu’elle ne la laissera jamais en paix. Julia sort donc de ce dortoir comme on sort d’un cauchemar et tente de trouver quelque réconfort auprès de son oncle, la seule figure familiale qui, à ce moment, ne lui semble pas hostile. Osanitis parvient dans ce décor onirique à nous faire ressentir tout le traumatisme de ce retour vers l’enfance et, même si les influences sont bien présentes, il serait injuste de ne pas lui reconnaître une certaine qualité de « faiseur », au moins à cet instant.
Pour clore enfin le chapitre des références (pillages ?), difficile de ne pas penser à Fulci notamment à la vue de certains meurtres ou autres attaques du rottweiler par leurs côtés brutaux et outranciers.
Devant ce patch work stylistique, on voit qu’Osanitis sait ce qu’aime le public et qu’il cherche à le satisfaire autant que possible !! Et même si la démarche est plus ou moins louable, force est de reconnaître que l’ensemble fonctionne, le film égrainant ses 93 minutes sans qu’on s’y ennuie véritablement. Reconnaissons donc aussi au réalisateur égyptien une certaine efficacité.

Si on pardonne donc à Osanitis ses inspirations trop évidentes, difficile par contre de ne pas être exaspéré par quelques biais scénaristiques douteux ainsi que par une galerie de personnages qu’on qualifiera de déstabilisante. Si Trish Everly et Alison Biggers sont assez convaincantes dans les rôles des 2 sœurs, la prestation « en roues libres » de Dennis Robertson en prêtre cabotin et chantant est plutôt énervante. Le fiancé de Julia, Sam, joué par Michael MacRae brille par son absence et les stratagèmes mis en place pour l’éloigner de l’action sont on ne peut plus simplistes (il a un truc à faire ailleurs quoi…). Dans le même registre, on peut rapidement parler de Helen (Morgan Hart), la bonne copine de Julia qui, après avoir raté sa chute dans l’escalier, finira mal à cause de ce maudit chemisier qui s’accroche juste là sur le clou qui dépasse et la pauvre a beau faire, ça se déchire pas, elle peut pas fuir et voilà, trop tard, le chien, il est là… et zut… Mais la palme du casting revient indubitablement à Edith Ivey dans le rôle de Amantha Beauregard, propriétaire zen et dansante déjà évoquée précédemment, qui, malgré sa formidable faculté à « ressentir les mauvaises vibrations » (sic), ne trouve rien de mieux à faire que de se cacher sous un lit lorsque le danger se matérialise devant elle, toutes les portes de sa propre maison lui restant mystérieusement fermées. Pour ne pas faire de discriminations, on inclura notre ami à 4 pattes dans le casting et si on soulignera son efficacité dans la tuerie, on doutera tout de même de la véritable utilité d’un rottweiler dans l’évolution d’un tel scénario. D’autant qu’on ne sait rien de lui si ce n’est qu’il semble avoir toujours été le fidèle ami de Mary (les 2 sœurs fêtant au moment du film leurs 25 ans, on appréciera l’âge de la bête…) et qu’elle l’utilisait pour terroriser la pauvre Julia.

Une bonne partie du casting ne sert finalement que de prétexte pour aligner quelques morts aux effluves gores certes divertissantes mais totalement dispensables. En effet, l’histoire écrite à 4 têtes et 8 mains par Osanitis et 3 de ses comparses (Stephen Blakely, Roberto Gandus et Peter Shepherd pour ne pas les citer) étant basée sur la rancœur, la jalousie et la haine qui lient certains membres d’une même famille (ici, 2 sœurs, donc), le scénario aurait probablement gagné à rester centré sur ces thèmes. Et le twist (presque) final, déjà bien amené et efficace bien que prévisible aurait probablement vu son impact accru si le reste du métrage avait été plus soigné à ce niveau là. On retrouve donc une nouvelle fois ici une légère paresse et probablement une certaine roublardise de la part de ce bougre d’Osanitis qui a préféré l’esbrouffe et la surenchère gore à un véritable travail sur son scénario, pourtant pas si idiot que ça à la base.

Dans l’ensemble, MADHOUSE reste un bon film qui se hisse aisément dans le haut du panier des « video nasties » mais qui se cantonne à n’être qu’un énième métrage horrifique italien alors qu’il aurait probablement pu être un excellent thriller psychologique tourmenté et dérangeant dans les mains d’un autre réalisateur.


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- Article rédigé par : Rodolphe Dumas

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