Un texte signé André Quintaine

Corée du Sud - 2006 - Lim Dae-wung
Titres alternatifs : To Sir With Love, Seuseung-ui eunhye, My Teacher
Interprètes : Jang Seong-won, Kim Eung-su, Lee Dong-kyu, Lee Ji-hyeon, Oh Mi-hee, Park Hyo-jun, Seo Yeong-hie, Yeo Hyeon-Soo, Yu Seol-ah

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Réunion Sanglante

Les institutions d’enseignement et les professeurs jouissent d’une très bonne image au cinéma. Le septième art aime les profs et ça se voit puisqu’ils héritent souvent des bons rôles. Toujours à l’écoute de leurs élèves, ils bravent les difficultés du métier pour transmettre leur savoir, à tous, sans distinction de niveau social ou de couleur. Ils représentent souvent la transition entre le monde adulte et ses institutions rigides avec celui de l’enfance et de l’adolescence qui réclame liberté. Si tout le monde est d’accord pour dire que la réalité est très éloignée de cet angélisme, rares sont les films qui pointent du doigt le professeur et plus particulièrement le pouvoir qu’il exerce sur ses élèves. C’est cette position de force que TO SIR WITH LOVE a décidé de condamner, avec le caractère tranché et maladroit que l’on rencontre dans les films d’horreur.
Le scénario décrit les retrouvailles d’une institutrice mourante avec une dizaine de ses anciens élèves. Gravement malade, il ne lui reste que peu de temps à vivre. Elle vit seule dans une maison au bord de la mer et c’est là que certaines réalités vont être enfin dites. L’institutrice a beau faire des sourires attendrissants, les apparences sont toujours trompeuses…
Le film ne tombe pas pour autant dans la facilité en décrivant un personnage abject qui a abusé de son pouvoir pour maltraiter des enfants. Il aurait été d’autant plus facile de tomber dans le panneau que TO SIR WITH LOVE s’apparente parfois à un Slasher. Le meurtrier et son mobile auraient ainsi été tout désignés…
Une fois la nuit tombée, un étrange personnage portant un masque de lapin survient et décime les anciens élèves les uns après les autres. La présence d’adolescents et d’un meurtrier ne suffit pas à faire un Slasher ; il manque en effet à TO SIR WITH LOVE la quantité. En revanche, on est servi en qualité et le film fait penser à HOSTEL en raison de sa propension à montrer des meurtres foncièrement violents et traumatisants. Si le film ne verse pas dans le gore, on touche à l’horreur viscérale car, pour tuer les personnages principaux, le psychopathe ne trouve pas d’autres moyens que de leur faire avaler des bouts de lame de cutter (accompagnés d’eau bouillante pour faire passer) ou d’enfoncer ses doigts dans leurs orbites… Le tout est filmé avec la classe que l’on trouve régulièrement dans le cinéma coréen, mais agrémentée d’une violence à laquelle il ne nous avait en revanche pas habitué.
Parmi les clichés, le film se termine malheureusement avec un élément typique du cinéma du pays des matins calmes. En effet, le final offre de multiples rebondissements dont un qui finit par nier tout ce qui s’était déroulé auparavant. La critique de départ, en revanche, reste intacte et c’est sans doute le principal car c’est bien là que l’on trouvera l’élément le plus intéressant du film.
Si l’on ne doute pas une seule seconde du fait que le meurtrier n’est pas l’institutrice, il est néanmoins évident qu’elle est la cause de nombreuses misères. En réalité, ses anciens élèves ne sont pas venus la voir par plaisir. Tous ont quelque chose à lui reprocher.
Le personnage de l’institutrice est très intéressant car, de bonne foi, elle ne comprend pas ce que ses anciens élèves lui reprochent. Elle a eu tellement d’élèves qu’elle ne se souvient pas de chacun d’eux et surtout, de tout ce qu’elle a pu leur dire. Les élèves, en revanche, n’ont eu qu’elle. Ils se souviennent de tout ce qu’elle leur a dit et retiennent surtout les punitions, disputes, vexations et autres brimades qu’elle leur a infligées. Si le film pointe du doigt une institution sévère et discriminatoire, il n’oublie pas la position du professeur qui abuse de son autorité ou qui applique aveuglement un système éducatif dont il est le principal outil. Au final, les citoyens adultes qui sortent de cette institution sont complètement névrosés.
Parallèlement, le film donnait l’impression de vouloir développer un autre thème car tout n’a pas encore été dit ici au sujet de l’institutrice. Il serait en effet dommage de ne pas évoquer la scène d’ouverture qui, en deux temps trois mouvements, parvient à capter l’attention du spectateur. Le film s’ouvre en effet sur un flash-back où nous découvrons l’institutrice alors en pleine santé. Elle est enceinte mais la fin de sa grossesse se déroule mal. Elle doit accoucher d’urgence et l’enfant s’avère… difforme… En quelques images, nous voyons sa vie succinctement retracée à l’écran. Son époux refuse cet enfant et se donne la mort par pendaison sous les yeux du pauvre gamin. L’institutrice va alors confiner l’enfant dans le sous-sol de la maison, ce qui aura pour conséquence d’attiser la curiosité des élèves… On peut regretter que le réalisateur ait complètement abandonné ce personnage dans le film car il était assurément source de grandes frayeurs, en particulier lorsque son masque de lapin tombe ! A ces moments-là, on se rappelle l’astucieux HORROR HOTLINE : BIG HEAD MONSTER. Mais TO SIR WITH LOVE est coréen et donc moins rigolo. La présence de ce personnage est en effet à chercher avant tout dans la psychologie tordue de l’assassin. C’est sans doute moins émoustillant mais tout aussi intéressant. Reste que cet élément est un peu flou et tiré par les cheveux, mais TO SIR WITH LOVE ne pouvait pas non plus être complètement parfait.


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

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