Un texte signé Patryck Ficini

France - 2014 - Chadour Nelly

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Sous la Peau

SOUS LA PEAU est un roman trash, évidemment à ne pas mettre entre toutes les mains, qui traite d’un double univers extrême. Tout d’abord celui du piercing, des tatouages et des modifications corporelles ; ensuite celui d’une secte de fanatiques religieux dirigée par un révérend sadique, pédophile et incestueux (rien que ça !). Clairement, Nelly Chadour choisit son camp : celui des gentils pierceurs et tatoueurs, Mel et Rose, un couple inoubliable assisté d’une joyeuse bande de bikeuses déjantées. Les méchants sont dans le clan des fanatiques religieux qui punissent les pécheurs en les torturant atrocement. Lorsque le révérend décide de s’en prendre à un festival de rock (metal et compagnie), le clash entre les deux groupes devient inévitable.
Pour le Révérend, le Helter Skelter est arrivé (comme l’aurait dit Charles Manson) et l’apocalypse c’est maintenant ! Son but : dynamiter le festival et déclencher une fusillade pour massacrer un maximum de pécheurs et autres sodomites. En apparence, rien ne lie les deux groupes de personnages, fanatiques et pierceurs ; en fait, il y a bien quelque chose que nous ne pouvons révéler ici faute de déflorer le sujet.
Les scènes de Body Art (une suspension, notamment) sont dures à supporter, extrêmes comme il se doit, mais ce sont bien évidemment les horreurs déclenchées par les fanatiques qui font le plus mal au lecteur sensible. Simple question de consentement : d’un côté il y a de la souffrance volontaire, proche du sado-masochisme, « entre adultes consentants » comme le précise l’avertissement plein d’humour des couvertures des éditions Trash ; de l’autre des tortures sadiques, abominables (et le mot est faible) pratiquées sur des victimes innocentes de la folie religieuse d’une poignée.
Nelly Chadour semble très bien renseignée sur l’univers rock n’roll qu’elle décrit ; sa vision des fanatiques est peut-être un peu plus « facile ». Néanmoins, la caricature porte avec une belle efficacité. N’oublions pas que nous sommes dans un roman gore. Les coups bas sont permis… car ils font plus mal.
Chadour n’oublie cependant jamais de bien caractériser ses héros ; Mel et Rose bien sûr, couple maudit d’un nouveau genre, tout comme les personnages secondaires (les bikeuses). SOUS LA PEAU a même l’énorme qualité de rendre puissamment émouvantes certaines de ses scènes violentes. Un peu comme dans le meilleur cinéma populaire italien (western, horreur… Même combat, bien souvent, si le talent est au rendez-vous).
Ainsi, lorsque le révérend tabasse mortellement sa fille enceinte avant de s’en prendre au bébé dont elle accouche, Chadour dépasse largement la froideur (parfois volontaire) du genre pour parvenir à faire ressentir la souffrance de ses victimes au lecteur. Principalement par la force de son écriture.
Comme pour contrebalancer un peu le relatif manicheisme dans la définition des camps en présence, l’auteure décrit aussi un incroyable chanteur de rock extrême pour le coup réellement possédé par des créatures démoniaques. La scène où il démolit une jeune groupie qui rêvait de se le faire donnerait presque raison aux fanatiques de tous poils. Ce personnage ignoble (Lord Vermin, au nom bien trouvé) apporte aussi une touche fantastique au roman, par son essence profondément surnaturelle. Chadour semble nous dire que parfois le rock est VRAIMENT la musique du diable !
Climax de SOUS LA PEAU, la secte mène sa guerilla contre des hordes de gothiques et de metalleux (on nage en plein western). C’est ultra violent et ça cartonne vraiment.
Ca n’empêche pas Nelly Chadour de conclure son joli roman par un mariage atypique (qui en horripilera plus d’un parmi les fans du Révérend, nous n’en dirons pas plus), mais aussi par une note plus funeste avec le sort réservé à l’une des bikeuses. Le roman s’achève ainsi, un peu en demi-teinte ; on attend une suite qui pourrait bien ressembler à la version hardcore de AMERICAN HORROR STORY, saison 2. Ca donne envie !


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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