Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Espagne - 2004 - Guillem Morales
Titres alternatifs : El Habitant incierto
Interprètes : Andoni Gracia, Monica Lopez, Francesc Garrdio, Agusti Villaronga

review

The Uninvited Guest

Un jeune architecte, Felix, se sépare de sa copine et reste seul dans une grande demeure isolée. Un jour, un inconnu lui demande la permission d’utiliser son téléphone pour donner un coup de fil urgent. Felix laisse le visiteur téléphoner en paix et, quelques minutes plus tard, ce dernier a disparu. Felix, peu à peu, soupçonne l’étranger de s’être laissé enfermer dans la maison et d’y vivre derrière son dos. Il décide de le piéger et de se débarrasser de l’importun…
Il est très difficile de classer THE UNINVITED GUEST sous un genre cinématographique particulier, le métrage allant du drame au fantastique en passant par le mystère, la romance et la comédie très noire. Cependant, aussi originale et novatrice que paraisse l’expérience, il faut aussi reconnaître que le film est très déstabilisant.
Plutôt que de proposer une intrigue limpide, le cinéaste joue clairement la carte de l’atmosphère et développe un climat oppressant de claustrophobie et de solitude aliénante. La mise en scène se révèle d’ailleurs parfaitement adaptée et étudiée tant les plans et les cadrages semblent peu à peu se resserrer autour du personnage principal. Andoni Gracia traduit bien les émotions et la paranoïa de cet architecte déboussolé qui voit, peu à peu, se rompre ses certitudes. Monica Lopez, pour sa part, est toute aussi excellente dans deux rôles très différents, même si ceux-ci ne sont pas très clairement définis.
Durant une heure, THE UNINVITED GUEST prend véritablement le spectateur aux tripes et à la gorge, lui donnant à ressentir une curieuse impression de malaise basée uniquement sur les bruits et autres craquements de cette grande maison. C’est fort efficace et complètement maîtrisé, distillant une véritable angoisse en jouant uniquement de la suggestion, à l’image de certains classiques de l’épouvante comme par exemple LA MAISON DU DIABLE.
La seconde partie du métrage, pour sa part, bascule totalement dans une sorte de réalisme fantastique qui rappelle les travaux de David Lynch sur LOST HIGHWAY et MULLHOLAND DRIVE. Et là, malheureusement, ça coince un peu, tant le puzzle mis en place s’applique à déstabiliser puis à perdre le spectateur dans ses méandres… Sans finalement expliquer les nombreuses questions laissées en suspens. Les deux parties du film sont séparées par une rupture nette même si la seconde renvoit immanquablement à la première. En effet, Felix adopte alors la même attitude que celle du supposé (?) “invité malvenu” du début. Le jeune homme s’installe dans la maison d’une femme paralysée et s’amuse à jouer avec elle un jeu, plus ou moins pervers, du chat et de la souris. Ainsi, il s’introduit dans son intimité en vivant à ses côtés de manière anonyme, lit ses livres, se lave dans sa douche, l’observe se masturber ou pique une crise de jalousie devant un de ses admirateurs.
Mais, franchement, rien n’est très clair et Guillem Morales laisse le spectateur remplir les blancs sans apporter de solution facile aux mystères proposés. La femme paralysée et l’ex de l’architecte sont-elles une seule et même personne ? Tout cela provient-il de l’imagination du “héros” ? L’invité existe-t’il ? Et le cadavre emmuré ?
Sans vouloir déflorer les surprises du final, THE UNINVITED GUEST se montre particulièrement confus et abscons durant son dernier quart d’heure, au point de laisser une impression mitigée : on hésite à crier au génie ou à l’imposture, au scénario brillant ou au foutage de gueule… D’autant que la première heure n’a pas réellement préparé le public à cette accumulation de points d’interrogation.
THE UNINVITED GUEST appartient à ce style de film qui pose beaucoup de questions et livre peu de réponses, invitant le spectateur à réfléchir et à se forger sa propre opinion sur les images proposées. En ces temps de cinéma formaté et de twists prévisibles, nul doute qu’il réunisse à intriguer car sa vision est réellement prenante et immersive ; d’autant que l’ensemble est franchement bien fichu.
Malheureusement, cette fin totalement ouverte paraît assez décevante…


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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