Un texte signé Philippe Delvaux

BIFFF 2015review

True love ways

Par ennui, une jeune femme quitte son compagnon, après lui avoir narré son rêve d’un homme dont elle serait tombée amoureuse. Au café du coin, un patibulaire propose à notre largué quelque peu éméché un plan pour raffermir les sentiments de la femme : il simulera une agression pour permettre son sauvetage par son ex, ce qui ne manquera pas de la faire retomber dans ses bras. Un peu con-con, le cocu-en-rêve accepte la proposition. Décidant de se ressourcer à la mer après une première frayeur – elle reçoit une mystérieuse cassette audio contenant des enregistrements sonores d’elle-même effectués pendant la nuit précédente -, noter nouvelle célibataire sillonne dans sa deux-chevaux les petites routes. Hélas, la panne d’essence la surprend en pleine traversée d’une forêt ! Rien de fortuit ici, nos deux compères ayant préalablement siphonné le réservoir. Heureusement, une grande demeure est toute proche. Malheureusement, c’est celle du type du bar, qui, loin du samaritain volant au secours des cœurs brisés, y a fixé son studio de production cinématographique… tendance snuff movie.

TRUE LOVE WAYS fait partie de ces petits films qui font les délices des festivals. Restés sous le radar, ils font peu parler d’eux, on se rend à la projection sans a priori ni attentes particulière… et on en ressort ravis. C’est eux qui justifient les festivals, qui leur servent de chambre de résonnance et leur créent cette fenêtre de visibilité dont ils ont bien besoin. Merci donc au 33e Brussel International Fantastic Film Festival (BIFFF) de nous l’avoir sélectionné.

TRUE LOVE WAYS est une pépite pour cinéphiles et amoureux du formalisme. En effet, tourné en noir et blanc, le film rend hommage à la Nouvelle Vague et, partant, aux thrillers américains que celle-ci venait alors de réévaluer.

Nous y rencontrons donc une héroïne en petite robe rétro, une deux-chevaux, de ces routes de campagnes bordées d’arbres comme on n’en voit plus guère… mais pour autant, les protagonistes disposent de portables. Et à ce propos, le scénario joue avec intelligence des poncifs du cinéma de genre. Certes, la panne d’essence est au rendez-vous, mais elle a été intentionnellement provoquée ; certes il faut se débarrasser du « problème de téléphone portable » – qui depuis son invention enquiquine les scénaristes -, mais ses tentatives de rechargement son autant d’occasions de gags.

Car TRUE LOVE WAYS mélange les genres : hommage, thriller, un brin de slasher, une bonne louche d’humour, et même quelques séquences gore inattendue (allez, pour la « bonne bouche », on vous appâte avec une gerbe de vomissures sur une tête fraichement décapitée, rire garanti pour l’outrance). Et l’ensemble fonctionne bizarrement assez harmonieusement.

Tout juste regrettera-t-on un dernier acte un peu trop étiré – le grand mal du cinéma contemporain, ce dernier acte -.

Un peu à l’instar du cinéma des Forzani et Cattet (AMER), TRUE LOVE WAYS nous immerge dans la psyché féminine : les aventures de l’héroïne démarrent après une nuit agitée. Subtilement distillés, quelques éléments peuvent faire comprendre que, loin de les vivre réellement, celle-ci fantasme ce qui lui arrive. Ainsi de très brefs plans d’inserts esquissent une séquence de plaisir solitaire commis pendant un meurtre. Pour le reste, la mise en scène convie les attendus de tout classique des contes – qui, on le sait, sont une régurgitation de la psyché – : grande demeure abandonnée dans les bois où se cache l’ogre, un vieux puit, des souterrains et caves… jusqu’aux scènes finales où l’héroïne répète avec son nouveau compagnon la scène de rupture… affalée sur un divan dans une posture qui rappelle bien une séance chez un psy.

C’est d’ailleurs la clé du scénario que d’ouvrir sur une photo montrant la jeune femme, alors fillette, habillée en mariée… avec son père, lequel reviendra hanter la suite.

Bref, si vous chercher un cinéma intelligent et qui, tout en les arpentant, sait se jouer des sentiers battus, TRUE LOVE WAYS est fait pour vous.

Retrouvez nos chroniques du BIFFF 2015


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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