Un texte signé Yannik Vanesse

Japon - 2009 - Takashi Miike
Titres alternatifs : Yattâman
Interprètes : Shô Sakurai, Sadao Abe, Kyôko Fukada

asian-scans

Yatterman

Doronjo est une chef de gang très sexy qui a sous ses ordres deux sbires un peu spéciaux. Tous trois essaient de s’emparer des quatre parties d’un crâne bleu fluorescent, mais une fois par semaine, ils sont défaits par le duo Yatterman et leur chien robot géant. En effet, les Yatterman savent que si le crâne est reconstitué, les conséquences pourraient être terribles.

Miike Takashi est un réalisateur aussi prolifique qu’imprévisible. S’il s’est fait connaître en Europe pour son malsain AUDITION qui commence comme une comédie sentimentale classique avant de bifurquer dans l’horreur graphique la plus dérangeante, il a aussi fait énormément de Yakuza eiga. Mais ce n’est là que le sommet d’un iceberg titanesque. En effet, une fois qu’on s’est habitué à ses films de Yakuza où il se lance dans des délires gores pour le marché de la vidéo, comme l’inracontable GOZU ou encore ICHI THE KILLER, tout à coup, il revient avec un film poétique, BIRDS PEOPLE OF CHINA, ou encore une comédie musicale complètement folle, HAPPYNESS OF THE KATAKURIS. Si on lui demande de transformer l’essai DEAD OR ALIVE (à la fin hallucinante) en trilogie, il aime mieux faire deux autres variations autour des deux acteurs principaux.
C’est qu’aucun de ses films n’a un rapport avec celui qui le précède. S’il s’assagit un peu pour se prêter à la mode du film de fantômes post Ring, il y met une âme et surtout un savoir-faire qui fait de LA MORT EN LIGNE une des meilleures variations du genre, et surtout une des plus effrayantes. Peut-être lassé, il partira à l’assaut de films à plus gros budget, faussement grand public, dans lesquels il insuffle une surprenante déviance impossible à mettre en scène en Europe pour un public jeune. YATTERMAN appartient à cette catégorie, comme ZEBRAMAN et son excellente suite. Il met en scène des films de combats, avec les deux CROWS ZERO, des adaptations de jeux vidéos, comme YAKUZA ou l’imminent PHOENIX WRIGHT ; et tout d’un coup, le voilà qui s’attelle aux remakes de grands classiques, comme l’excellent HARA-KIRI, sorti dans les salles françaises il y a peu. Mais n’allons pas voir dans ce tournant une nouvelle orientation de carrière, car il a déjà mis en boite un NINJA KIDS qui surprendra sans doute tout le monde.

YATTÂMAN (qui, pour une raison inconnue, devient YATTERMAN en Français) est avant tout une série animée datant de 1977 qui fut remise au goût du jour en 2008 dans une deuxième version toujours animée. Et c’est la grosse maison de production Nikatsu qui s’occupe de son adaptation cinématographique. YATTERMAN est donc un film de sentais, ces super-héros japonais bien connus. Ils luttent en règle générale contre des extra-terrestres ou des robots (souvent des robots extra-terrestres) assez kitsh et souvent ridicules, dans des postures étranges. Les sentais les plus connus du public européen sont Bioman et X-Or, mais il en existe bien d’autres, et pas qu’au Japon d’ailleurs. On les trouve aussi à Hong-Kong, où la Shaw Brothers s’y essaya aussi, livrant un inoubliable SUPER INFRAMAN.
En confiant la réalisation de cette adaptation à Miike, la Nikatsu espérait sans doute quelque chose de surprenant, le réalisateur n’étant pas du genre à faire dans la demi-mesure. En effet, il est très imaginatif sur le fond comme sur la forme, et se laisse aller à toutes les fantaisies que lui permet un budget plutôt conséquent, à grand renfort d’images de synthèse.
Si le scénario est très classique pour le genre, le spectateur n’évolue jamais en terrain connu, tant ce qu’il voit à l’écran est imprévisible, hallucinant, démentiel ! Dès les premières images, le ton est donné, avec un premier combat entre les héros et les méchants. Les gentils, leur identité secrète étant 1 et 2, se battent à grand renfort de balles de ping-pong électrifiées et de sauts périlleux. En face, au service de la ravissante Doronjo, un homme au faciès de cochon et un autre au visage de rat. Ils luttent avec des instruments de cuisine extensibles. Mais si le combat est déjà surprenant, cela n’est rien à côté de la vision des énormes mechas de chaque partie entrant en scène. La lutte entre le robot chien des YATTERMAN et le robot cuisinier de Doronjo est hypnotique. Ils se feront battre de manière joyeusement ridicule. C’est en cela un côté récurrent des sentais, où les méchants sont souvent plutôt lamentables, malgré leur envie de dominer le monde. Les dialogues sont bien entendu volontairement stupides, sans même parler des plans du gang pour récupérer de l’argent dans le but de construire un nouveau robot, à l’apparence toujours plus ahurissante. Ils visitent aussi des endroits étranges, comme une sorte d’Égypte avec un sphinx à tête de chat tout souriant. Nous avons aussi droit à des passages surprenants, comme cette séquence de catch en dessin-animé. Le métrage ne s’essouffle jamais, ne s’assagit jamais, et les effets spéciaux étant très bon, le spectateur peut passer un excellent moment, pour peu qu’il soit sensible à ce genre de films si particulier, très éloigné du bon goût ou du politiquement correct. En effet, si le film est, dans l’ensemble, plutôt enfantin, certaines scènes surprennent par leur déviance. L’apparition d’un robot géant ressemblant à une mariée, se caressant les tétons pour en faire jaillir des missiles est un moment inoubliable.
Au final, YATTERMAN est un film complètement fou, et c’est tant mieux : un plaisir coupable passionnant qui ne laissera personne indifférent – en bien ou en mal.


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- Article rédigé par : Yannik Vanesse

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