Un texte signé Mazel Quentin

Canadien - 2010 - Panos Cosmatos
Interprètes : Eva Allan, Michael Rogers, Scott Hylands

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Beyond The Black Rainbow

Au début des années 80, Elena est séquestrée dans un institut expérimental nommé Arboria. Elle est surveillée par un étrange docteur Barry Nyle. Lorsque celui-ci succombe à des désirs morbides, Elena voit l’opportunité de s’évader.

Premier film du réalisateur Panos Cosmatos, BEYOND THE BLACK RAINBOW fait partie de ces films OVNI qui traînent la réputation d’être adorés ou détestés. Ce qui est sûr, c’est que le fils du réalisateur Georges P. Cosmatos nous propose un film étrange, personnel et sans concession. Rappelons que le papa avait réalisé des films devenus des classiques des années 80, 90 comme RAMBO 2 : LA MISSION, COBRA ou encore TOMBSTONE.

Attardons-nous sur le casting avant de nous concentrer sur cet étrange métrage. Ce sont Eva Allan et Michael Rogers qui se partagent la tête du casting. La première est quasiment inconnue des écrans malgré une brève apparition dans la série CAPRICA, préquelle de BATTLESTAR GALACTICA. Michael Rogers, lui, a travaillé sur différentes séries télévisées, principalement fantastiques, comme DEAD ZONE, POLTERGEIST : LES AVENTURIERS DU SURNATUREL ou encore SUPERNATURAL. Cantonné à des petits rôles ou à de brèves apparitions, on notera malgré tout sa présence au casting d’HELLRAISER V de Rick Bota et surtout à celui de MOSQUITO COAST de Peter Weir. BEYOND THE BLACK RAINBOW est donc un film avec peu d’acteurs dont les visages ne sont pas les plus connus. Malgré leur relatif anonymat, leurs jeux sont propres et sans bavure ni extravagance. Michael Rogers a ce petit quelque chose d’inquiétant, de dérangeant même, qui nous donne alors les quelques pistes nécessaires pour comprendre l’enjeu et la situation dans laquelle nous place le film. Eva Allan est, quant à elle, dans le rôle de la jeune fille vierge, innocente et pure. Un jeu fébrile et angélique qui convient parfaitement.

Il faut maintenant le dire, BEYOND THE BLACK RAINBOW n’est pas un film facile d’accès. Lent et atmosphérique voire contemplatif, rien ne vous sera expliqué. L’intérêt n’est d’ailleurs pas dans le scénario. C’est même probablement la plus grande réussite du film que d’avoir écarté volontairement les éléments narratifs au profit d’une atmosphère mythique et mystérieuse, suspendue dans l’espace, se nourrissant des fantasmes d’un public médusé. Le spectateur construit alors son propre sens du film à l’aide des différents indices sémantiques, syntaxiques mais aussi visuels et sensationnels. Il faut effectivement rappeler que BEYOND THE BLACK RAINBOW est avant tout un film d’expérience sensible et sensitive. Il se traduit à l’image par un jeu de pistes sans solution à proprement parler, forçant ainsi l’audience à réinterroger chacune de ses conclusions.

Nous nous devons aussi d’écrire quelques mots sur la très belle séquence d’ouverture du film. Celle-ci nous place directement face à une publicité de la firme Arboria ventant ses avancées pharmacologiques permettant une reconquête du bonheur. Elle propose alors au spectateur de « rentrer » dans le film par le biais d’un élément « documentaire ». Utilisant les techniques graphiques et l’esthétique des années 80, ainsi qu’un discourt s’adressant directement au spectateur, celui-ci se retrouve bousculé par une oscillation d’attentes et de reconstruction d’indices narratifs. Puis le film quitte l’esthétique des archives pour revenir à une mise en scène plus traditionnelle de la fiction. De quoi faire un beau débat entre néoformalistes et poststructuralistes.
On ne pourra ici citer quelques références présentes dans BEYOND THE BLACK RAINBOW, les plus évidentes sont 2001 : L’ODYSSEE DE L’ESPACE de Stanley Kubrick, THX 1138 de George Lucas mais aussi, STEREO de David Cronenberg ou encore L’ÂGE DE CRISTAL de Michael Anderson. En effet, le film de Cosmatos est surtout une déclaration d’amour à la science-fiction, fiction psychédélique et métaphasique, aux univers parallèles, aux ambiances froides et stériles d’un futur sordide souvent décrit dans les films des années de l’époque. Ce caractère nostalgique aboutira d’ailleurs par la sortie du film dans une version collector au format VHS. L’éditeur faisant alors probablement l’un des plus beaux cadeaux au réalisateur.
On notera le savoir-faire technique de l’équipe qui est tout simplement remarquable, de la composition des plans au montage, le travail abattu ici est à couper le souffle. C’est probablement l’aspect le plus bluffant du film. Millimétré et réfléchi dans le moindre cadrage, construction de décors épurés, jouant avec les miroirs et les surfaces réfléchissantes, le travail esthétique du film est tout bonnement extraordinaire. Une vraie leçon. On ne pourra alors s’empêcher de citer les deux hommes derrière ce travail considérable : Norm Li et Bob Bottieri, respectivement directeur photo et chef-opérateur.
Nous ne pourrions pas finir ce texte sans parler de la musique de Jeremy Schmidt. Les compositions glacées et très aériennes aux airs d’électro minimal permettent au film d’envoûter définitivement le spectateur.
Les adjectifs, hypnotisant et contemplatif, caractériseraient probablement bien le film de Cosmatos. Pas des plus simples d’accès, le métrage vaut cependant largement le détour, malgré un temps d’adaptation nécessaire au plaisir.


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- Article rédigé par : Mazel Quentin

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