Un texte signé Philippe Delvaux

Serbie - 2009 - Mladen Djordjevic
Titres alternatifs : Zivot i smrt porno bande
Interprètes : Mihajlo Jovanovic, Ana Jovanovic, Predrag Damnjanovic, Radivoj Knezevic, Srdjan Jovanovic, Ivan Djordjevic, Bojan Zogovic, Natasa Miljus, Aleksandar Gligoric, Mariana Arandjelovic, Srdjan Miletic

BIFFF 2010review

The life and death of a porno gang

Aspirant réalisateur, Marko n’arrive pas à faire financer ses projets de films à résonances sociales. Il se résout donc à travailler pour Cane, un producteur de pornos à micro-budgets, mais détourne une partie des fonds destinés aux vidéos X pour son propre film. En indélicatesse avec Cane, dont le frère dans la police va dorénavant lui chercher misère, Marko élabore un nouveau projet : monter une troupe de théâtre d’avant-garde mêlant ses thèmes sociaux à des performances pornographiques. La première de la pièce à Belgrade est cependant interrompue par la police. Marko et sa troupe décident alors de tourner dans la Serbie rurale pour y présenter leur show destiné à secouer les consciences. Mais là aussi, l’accueil de la population est souvent rude. Au bord de la déconfiture, Marko fait alors la connaissance d’un vieil allemand exilé, qui lui propose de réaliser des snuff movies avec des victimes consentantes, candidates au suicide.

Le Festival du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF) offre dans sa 28e édition une « large » rétrospective du nouveau cinéma serbe indépendant hardcore… lequel se limite en effet à deux films : A SERBIAN FILM et ce LIFE AND DEATH OF A PORNO GANG, qui partagent tous deux un argument de départ relativement similaire mais diffèrent par leur approche.

Si A SERBIAN FILM opte pour une approche thriller classique, THE LIFE AND DEATH OF A PORNO GANG lui préfère un angle plus proche du journal de voyage. En ce sens, la fiction de Mladen Djordjevic s’inscrit dans le prolongement de MADE IN SERBIA (2005), son documentaire dédié aux pornos serbes. Lors de la rencontre publique au BIFFF, le réalisateur explique d’ailleurs que « le tournage du documentaire s’est étalé sur une année et a produit un matériau abondant dont nous avons dû abandonner une partie au montage. Les idées contenues dans ces rushs inutilisés m’ont donné de l’inspiration que j’ai transposée dans ma fiction. »

Les snuff movies, films dans lesquels une mise à mort réelle a lieu et produits pour satisfaire un marché de spectateurs sadiques sont une légende urbaine des plus tenaces. A l’origine on retrouve le tripatouillage en 1976 par un distributeur américain d’un médiocre film Z, THE SLAUGHTER (Michael Findlay) auquel est ajoutée une scène laissant croire à l’assassinat des acteurs. La rumeur est lancée. Et à partir de 1985, la série des GUINEA PIG a pu troubler ses spectateurs en simulant de manière assez réaliste pour l’époque des tortures suivies de meurtre. Plus récemment, les deux AUGUST UNDERGROUND ont également tenté de recréer des faux snuffs. Rappelons cependant que leur composante fantasmée par le grand public, càd où des mafieux produiraient des films de meurtre à destination de revente sur un marché noir, pour un public très limité de pervers sadiques, n’a jamais été établie, en dépit d’enquêtes régulières.

En tant que sujet de fiction, le snuff a fait cogiter nombre de scénaristes et réalisateurs : HARDCORE (Paul Schrader), VIDEODROME (David Cronenberg), MUTE WITNESS (Antony Waller), TESIS (Alejandro Amenabar), 8MM (Joel Schumacher), DEMONLOVER (Olivier Assayas), MOTEL (Nimrod Antal), voire même C’EST ARRIVE PRES DE CHEZ VOUS. Et cette liste est loin d’être exhaustive. On peut même avancer que la vague de torture porn lancée dans la foulée de SAW découle de la fascination pour le sujet.

Djordjevic prend le sujet du snuff pour traiter de la Serbie contemporaine. Il filme la déréliction sociale d’une société qui finit par ne plus s’insurger contre des comportements où l’éthique et la morale ont disparu : la bande de Marko glisse ainsi subrepticement d’un joyeux spectacle anarchiste où le sexe sert de support à des revendications sociales à un spectacle de mort produit dans un unique intérêt financier.

On peut aussi y voir une allégorie de l’évolution du marché de la pornographie des trente dernières années qui est passé du sexe joyeux et libérateur des années ’70 aux marchés de niches ultra spécialisés et régulièrement dégradants de la pornographie contemporaine du net.

La déréliction sociale était d’ailleurs au cœur de plusieurs autres métrages présentés au BIFFF, notamment SAVAGE (Brendan Muldowney) et HEARTLESS (le retour gagnant de Philip Ridley). Djordjevic inscrit lui son film dans le contexte de son pays, qui reste encore marqué par le brutal post communisme et les guerres civiles qui l’ont ensanglanté et qui ont achevé d’en déstructurer le tissu social.

Dans son approche, THE LIFE AND DEATH OF A PORNO GANG s’inscrit dans la mouvance des cinémas indépendants américains mais aussi et surtout dans la continuation des films de Takashi Miike, comme l’explique le réalisateur : « je reconnais clairement une influence du cinéma de Miike sur THE LIFE AND DEATH OF A PORNO GANG, mais je voulais aussi retrouver l’essence du cinéma d’exploitation américain des années ’70, qui osait alors aborder des sujets difficiles et controversés.

Signalons que bien que THE LIFE AND DEATH OF A PORNO GANG n’ait aucune vocation masturbatoire, il n’en reste pas moins qu’il affiche certains (brefs) plans explicites. Le lecteur pudique passera donc son chemin.

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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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