Un texte signé Sophie Schweitzer

Royaume-Unis - 2016 - Harry Michell
Interprètes : Harry Michell, Augustus Prew

review

Chubby Funny

Oscar débarque à Londres dans l’optique de lancer sa carrière d’acteur. Il s’installe en collocation avec son ami, Charlie. Mais il s’avère que celui-ci a la gueule d’un jeune premier et l’acharnement suffisant pour décrocher un premier rôle au théâtre tandis qu’Oscar s’encroûte dans des rôles de publicités. Rapidement il réalise que son physique de petit gros marrant est bien loin de l’image qu’il a de lui-même. Entre sa jalousie vis à vis de Charlie, son amitié compliquée avec Sophie, ses envies, ses ambitions, et l’implacable hasard de la vie, Oscar va devoir revoir ses ambitions à la baisse.

Harry Michell est à la fois l’acteur du rôle principal, et à la fois le réalisateur de CHUBBY FUNNY. Ceci est son premier long métrage après un court nommé GUINEA PIG où il tenait le rôle principal. Acteur avant d’avoir été réalisateur, il est fort possible que le jeune cinéaste se soit inspiré de sa propre expérience pour alimenter son film. Et c’est sans nul doute pour cela qu’il paraît aussi réaliste.

En effet CHUBBY FUNNY est une comédie dramatique qui démontre un certain sens des détails. C’est toujours dans ces derniers qu’on reconnaît la patte d’un réalisateur talentueux. Du moins, d’un certain type de réalisateur. Roman Polanski s’est lui-même beaucoup inspiré de sa propre vie pour alimenter ses films jusqu’à son dernier. Ici, Harry Michell suit les traces du grand cinéaste polonais pour livrer le portrait d’une jeunesse qui se cherche, qui se teste, qui se construit et qui se trompe également.

Le héros n’en est pas un. Oscar est un antihéros comme la fiction en produit aujourd’hui. Du professeur de math devenant trafiquant de drogue (BREAKING BAD), au sénateur prêt à tous les coups tordus pour se venger du président des Etats-Unis (HOUSE OF CARD), les séries génèrent aujourd’hui des personnages de antihéros parfois carrément méchants (DEXTER) qui sont tout en nuances de gris. Oscar est loin d’égaler ces exemples, évidemment, mais il est, à sa mesure, un parfait connard envers son entourage, un monstre d’égoïsme qui plie son entourage à sa volonté quand il ne les rabaisse pas à chaque fois qu’ils tentent d’échapper à son despotisme narcissique.

CHUBBY FUNNY, loin d’être manichéen, oppose à notre fâcheux héros des personnages secondaires qui n’existent pas uniquement pour lui servir de faire-valoir. C’est en cela que ce premier essai s’avère réussi. Il dispose en outre d’un humour pince-sans-rire, d’un certain talent à retranscrire la crise générationnelle de notre époque. CHUBBY FUNNY réussit à dépeindre la vie sans tomber dans les clichés habituels. Car ce que dit le film, in fine, c’est que tout le monde peut devenir un parfait connard sans même s’en rendre compte. Personne n’est parfait, en fin de compte.

Une jolie réussite qui en appellera sans doute d’autre. Hâte de voir le prochain film du prometteur Harry Michell.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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