Un texte signé Sophie Schweitzer

PIFFF 2015review

Don’t Grow Up

Six adolescents vivant dans un foyer se retrouvent seuls. Sans l’autorité des adultes, ils volent de l’alcool dans le bureau de leur éducateur, mettent à sac la cuisine et décident de profiter que l’un d’eux a les clés du magasin où elle travaille pour aller faire le plein d’alcool. Mais en se rendant en ville, ils constatent que quelque chose cloche. Il n’y a pas âme qui vive dans les rues et la voiture de leur éducateur est abandonnée en plein milieu de la route. Rapidement, ils constatent que les adultes sont infectés par quelque chose qui les rend hyper-violents envers les non infectés.

S’enfuyant de la ville, ils tombent sur un gamin au volant d’un break familial qui les sauve in extremis. Mais plus tard sur la route, suite à un incident, le gamin menace alors les adolescents, disant que l’un d’entre eux, Shawn, est comme les autres. C’est alors que le doute s’insinue chez les jeunes héros. Et s’ils étaient infectés sans le savoir ? Et s’ils finissaient par attaquer leurs amis ?

DON’T GROW UP s’intéresse à cet âge difficile qu’est l’adolescence. Pas encore adultes, nos héros craignent de le devenir et sont pris pour cible par les infectés. Pourtant, ils ne sont plus des enfants, ces derniers finissent d’ailleurs par leur tirer dessus en leur disant qu’ils sont comme eux, comme les adultes. Chassés par les adultes autant que par les enfants, les adolescents perdus ne savent plus où est leur place. Et c’est ce que raconte le film.

Il met en scène des jeunes gens au background difficile : Bastian a été un enfant battu, Pearl a été abandonnée par sa mère, Liam s’invente une vie de famille idéalisée pour palier à la difficile séparation avec son père dont il a été arraché par les services sociaux. Le métrage les montre en marge de la société. Le monde des adultes les effraie, de ce qu’ils en ont vu et vécu par leur passé familial, les adultes sont cruels et barbares. Et le monde des enfants non seulement leur est fermé, mais ne signifie pas forcément bonheur et innocence à leurs yeux.

Critique sociale, le film parle bien évidemment de la violence du monde des adultes à travers ce virus ne touchant qu’eux. Mais au milieu du film, le phénomène s’inverse, les survivants comme dans beaucoup de films de zombies et d’infectés deviennent aussi problématiques et violents que ceux qu’ils combattent. Ici les survivants sont des enfants. Il y a quelque chose de choquant à voir des enfants s’organiser en bande pour tuer des adultes, qui nous fait penser au film LES RÉVOLTÉS DE L’AN 2000. Cette réponse à la violence par la violence s’oppose aux images contemplatives et aux instants de grâce que nous offre le réalisateur.

Pour un film d’infectés, DON’T GROW UP n’agite pas sa caméra dans tous les sens en courant et en hurlant. Au final, les scènes d’action ne sont pas si nombreuses. L’atmosphère anxiogène de l’infection cède place en cours de route à des réflexions sur la vie, la famille, le monde des adultes mais aussi l’amour. Il y a ces instants où rien ne se passe mais où se noue des sentiments, se joue des choses plus importantes. Quand nos jeunes s’accordent une pause près d’un lac et s’y baignent avant de découvrir une quantité folle de cadavres, il y a un moment de poésie qui sombre dans l’horreur juste après. Tout cela donne un aspect intimiste au film qui nourrit le métrage d’une véritable atmosphère.

L’œuvre de Thierry Poireaud a un aspect un peu hybride : un peu film social avec des jeunes délinquants anglais qui nous font penser aux héros de la série MISFITS, un peu film d’infectés avec des images assez violentes et un peu film contemplatif et intimiste. Cela ne l’empêche pas d’arborer une certaine profondeur qui, manifestement, a touché le public puisqu’il a décidé, au Paris International Fantastic Film Festival, de lui accorder le grand prix l’Oeil d’Or. On lui souhaite une belle carrière en salles de cinéma.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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